En ce jour de Noël, le blog fait relâche, ou presque. Retour sur une excellente série que tout le monde se doit d'avoir lue : Top 10.
Neopolis n'est vraiment pas une ville comme les autres. Tout d'abord, elle a été bâtie par des scientifiques nazis, après la seconde guerre mondiale. Ensuite, tous ses habitants sont dotés de pouvoirs, entre mutants à tête de chien, cyborgs armés et télépathes alcooliques. On trouve de tout dans cette volière, il y en a pour tous les goûts. Le grand problème qui se posait à Alan Moore était le suivant : comment rendre crédible, pour ne pas dire attachant, un tel foutoir ! L'exploit est relevé haut la main grâce à des dialogues aussi bizarres que savoureux, et une humanité qui suinte de chacun des personnages, pour aussi marginaux que leurs dons ou leurs physiques pourraient les rendre. Ce n'est pas une gageure, il fallait un fichu talent pour y parvenir. Et comprendre qu'il y avait mieux à faire que surjouer l'action et les coups de théâtre. C'est à dire s'arrêter sur le quotidien, celui d'un commissariat de Neopolis, et sa brigade très spéciale. Une sorte de Hill Street Blues à la sauce super héroïque, où le détail, l'anecdote, remportent les suffrages et permettent au récit de progresser subtilement sans jamais ennuyer. Les archétypes ne manquent pas au Top 10, le dixième district. A commencer par ce grand gaillard bleu et invincible, Smax, le portrait du flic peu bavard, voire franchement taciturne. Ou la jeunette fraîchement débarquée de sa formation à l'académie, Robyn, qui va devoir trouver sa place dans un environnement bien surprenant : des flics ont le visage d'un doberman, les avocats la tête d'un requin… Peu importe finalement l'enquête en cours, ou la chasse à ce dangereux tueur qui découpe ses victimes, à Neopolis. Ce qui rythme ce Top 10, ce sont ces trouvailles continues, cette prostituée qui a le pouvoir d'être immunisée à toutes les MST possibles, ce chauffeur de taxi zen qui conduit les yeux bandés, et laisse son véhicule errer jusqu'au lieu où il doit arriver, ou encore ce simple citoyen amateur de putes qui placé en situation de stress se met à gonfler comme un immense ballon…
Ce commissariat là est difficilement oubliable ! Alan Moore mélange habilement le genre super-héroïque avec le polar, en se concentrant sur les rocambolesques mésaventures de ces flics inédits. Top Ten pose aussi une autre question : à quoi ressemblerait le quotidien d’une ville où tout le monde serait Superman ? Réponse évidente : ce serait un chaos absolu. Loin d’opter pour une ambiance sombre et dramatique, Moore privilégie une narration sautillante, empreinte d’ironie, qui flirte souvent avec la comédie loufoque. De quoi obtenir une satire impitoyable des super-héros, enrichie d’éléments de science-fiction new wave et de touches cyberpunk. Ensemble, les héros du quotidien du dixième district affrontent des meurtres sordides, des rats mutants, des schizophrènes, des dragons géants alcooliques et même une créature extraterrestre star du porno. Moore s’en donne à cœur joie, multiplie les idées visionnaires tout en n'oubliant jamais l'essentiel, à savoir divertir le lecteur tout en se faisant plaisir. Chaque épisode ne manque pas de moquer ouvertement les clichés du genre super-héroïque, ainsi que certaines productions emblématiques de DC Comics. Entre les lignes, on décèle des piques sarcastiques envers le Preacher de Garth Ennis, des clins d’œil ironiques à Astro City de Kurt Busiek, ou encore quelques blagues sur Clark Kent. Quant à Marvel, elle est carrément malmenée, notamment dans un épisode où l’équipe de Top Ten affronte des divinités asgardiennes, ce qui offre à Moore l’occasion de parodier le Thor de “la Maison des Idées” et toute sa joyeuse famille. Cependant, au-delà de la provocations, Top Ten propose une réflexion subtile sur les comics populaires, et une histoire jamais banale. Aux crayons, Gene Ha est en forme olympique. Son style fouillé, très détaillé, et clair en même temps, remplit chaque planche jusqu'à l'invraisemblable et dépeint une Neopolis qui en devient crédible et grouillante de vie. C'est en 1999, chez ABC (America's best comics) que cette série totalement hors genre et iconoclaste a vu le jour. Elle est disponible également dans la collection de poche Urban Nomad, pour un prix qui défiera toute concurrence !
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