Yukio Mishima de son vrai nom Kimitake Hiraoka est un écrivain japonais, né en 1925 qui s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970. Il publia près de quarante romans, aussi bien des romans populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des œuvres littéraires raffinées, mais aussi des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre. Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. Le Marin rejeté par la mer a été publié en 1963.
Yokohama au Japon. Noboru Kuroda, 13 ans, vit seul avec sa mère Fusako, veuve depuis cinq ans et toujours belle femme. Découvrant fortuitement un trou entre leurs deux chambres, il l'épie et un soir il la surprend avec un officier de la marine marchande, Tsukazaki Ryüji. Noburo fait partie d'une bande de garçons menée par un chef très directif animé de valeurs viriles et élitistes, son récit des ébats de sa mère et la personnalité de son amant, un marin sillonnant le monde, pose Tsukazaki en héros pour cette jeune troupe. Un héros qui va descendre du piédestal où ils l'avaient installé après différents incidents mineurs avant sa trahison fatale, à leurs yeux, quand il va épouser Fusako, abandonnant sa vie aventureuse en mer pour devenir un homme banal avec un métier dans le commerce, une femme et un enfant, bref un père de famille, comble de la déchéance. Un tel déshonneur ne peut être lavé que par la mort...
La lecture des romans de Yukio Mishima me met toujours dans une position inconfortable. L'écrivain a beaucoup de talent et ses écrits seraient parfaits s'il n'y flottait plus ou moins subtilement l'odeur désagréable des valeurs développées par les mouvements fascistes. Dans cet opus, c'est le chef de la bande qui les porte et les transmet à ses " hommes " : ils se sont autoproclamés être des génies, le " monde est un vide trompeur " et ils estiment être " les seuls à permettre l'existence des maîtres, des professeurs, des écoles, des pères, de la société, de tout ce tas d'ordures ". Leur mission passe par diverses étapes, l'absence de sentiments empathiques et un rite initiatique, le seul qui vaille pour leur permettre d'acquérir la puissance, le meurtre ! Pour se faire la main, Noboru va tuer un chaton et en déduire " Je peux tout faire, aussi épouvantable que ce soit " et le chef de confirmer " Je crois que tu peux dire que ceci a fait de toi un homme véritable. "
Ce cap franchi, leur héros Tsukazaki ayant gravement fauté en renonçant à son/leur idéal, le chef va monter un plan pour supprimer/immoler le traitre, ajoutant mine de rien pour convaincre ses sbires, que leur âge les protège d'être punis par la loi. Les grands idéaux s'accommodent des astuces légales.
Le texte allie délicatesse et sensualité tout en nous entrainant dans une effroyable aventure.
" Noboru saisit le petit chat par la tête et se leva. Muet, le chat pendillait au bout de ses doigts. Il réprima un sentiment de pitié mais qui s'évanouit à l'instant comme la vision d'une fenêtre éclairée que l'on aperçoit d'un train express. Le chef prétendait que de tels actes étaient nécessaires pour combler les grands vides du monde. Il disait que rien d'autre ne pouvant y parvenir, le meurtre remplirait ces vides de même qu'une fêlure remplit un miroir. Par là ils se rendraient maîtres de l'existence. Résolu, Noboru brandit le chaton au-dessus de sa tête et le jeta avec force contre la pièce de bois. "
Yukio Mishima Le Marin rejeté par la mer Folio - 183 pages -
Traduit du japonais par Gaston Renondeau