Les contrées proches : Vincent Samael (Jean-Christophe Stas)

Me voila avec ma dernière lecture de 2024 et donc mon dernier avis en ligne pour l'année dernière vu que nous sommes le premier janvier. J'ai eu la chance de découvrir l'auteur parce qu'il a toqué à mon écran et je suis ravie d'avoir pu entrer dans son univers. Les contrées proches, une saga ? Cela reste à voir, toujours est-il que ce récit et le précédent (que vous pouvez retrouver ici) peuvent se ire indépendamment l'un de l'autre. Seuls quelques lieux se retrouvent, ainsi que le monastère (lui je le trouve de plus en plus louche tout de même), vous allez vivre des aventures totalement différentes. Alors que le Syndrôme de la Petite Vieille était plus du domaine de la psychologie interne, dans ce petit village, nous allons passer de l'autre côté de la frontière : entre le réel et le surnaturel de manière si convaincante que cela en fait peur. (Et pourtant il en faut pour me faire peur, mdr)

Un village qui n'a plus son nom (oublié, disparu, noté sur une vieille plaque qui ne nous dévoile rien) se retrouve au bord du gouffre. Mais avant d'en arriver à de telles extrémités, nous devons commencer par le début. Ce petit oiseau trouvé décapité. Un chat assurément ! Mais lorsque l'un des villageois est retrouvé dans le foin (odeur de cochon grillé me voila) dans la même situation, dites-vous bien que si c'est un chat, il doit être énorme ! Saoirse vit là depuis... toujours ? Elle adore parler à son père au cimetière, s'occupe de son frère malade et de sa mère qui essaye d'oublier un peu les mauvais côtés de la vie. Avec son Simon, elle ne se voit pas aller ailleurs, même si elle aurait aimé être archéologue. Et puis c'est son village, avec ses petits vieux et vieilles qui, sans eux perdrait de son charme (et gagnerait probablement en silence). Son baladeur ne la quitte jamais, comme cette unique cassette qu'elle écoute en boucle. Un souvenir qui ne peut s'effacer, un besoin de les avoir sur elle ou alors très proche, mais c'est son lien avec son père qui est là et personne ne le lui ôtera.

Et puis nous avons le garde forestier, médecin par moment, le curé trop gourmand, la Hilda jalouse de tout et de rien, la Elona un peu sorcière sur les bords, guérisseuse à ses heures... De nombreux personnages qui font vivre ce village de manière tranquille, plus ou moins, avec les cancans, les ragots, les non-dits, mais l'entraide, le soutien et parfois la peur communicante. Cette dernière qui donne envie de foncer chez soi pour protéger les siens en laissant d'autres isolés. Comment leur en vouloir lorsque le premier homme est retrouvé sans tête et que ce n'est que le premier d'une liste qui semble ne plus en finir ? Au-delà de cette horreur qui arrive tranquillement sans vraiment savoir le pourquoi, nous suivons ces hommes et ces femmes dans leur quotidien. Il n'est pas triste, il est celui qu'ils ont créé ensemble, donnant parfois une envie de fuir les lieux, mais où retrouver un lieu "serein" ? Car il l'est, lorsqu'il n'y a pas un personnage qui s'amuse avec les têtes des villageois, pour faire un bowling peut-être ?

Le paisible village vit des heures tragiques. Plus les pages défilent, plus le temps avancent lentement et nous sommes impuissants face à ce qui se passe. Saoirse voit son monde s'écrouler, pourtant elle se bat, elle a cette petite flamme en elle qui ne s'éteint jamais. Sa famille est ce qu'il y a de plus précieux. La vie, la mort, peu importe dans quel sens cela tourne, tout le monde se retrouvera un jour. En attendant, il faut faire face et avec l'aide de Elona, nous allons la voir mûrir un peu plus encore. Tout n'est pas rose, chaque couleur a sa propre pièce, sa nuance. Les émotions se lient, tel le bleu avec les appréhensions, nous la suivons entre des lieux inconnus de la plupart des villageois et comprenons le bien-fondé de ce qu'elle découvre. Les anciens sont la mémoire d'une histoire, mais parfois il faut quelqu'un d'u peu plus... vif qui permettra de ne pas juger et de concilier, d'inscrire, de garder en mémoire les mots et les maux les plus importants. Tout comme la bibliothèque immense du monastère qui nous renvoie bien des années passées sur des sujets importants.

Les émotions sont nombreuses, d'angoissés nous allons jusqu'à être effrayés de voir jusqu'où l'auteur est capable d'aller. En lisant l'histoire de Vincent Samael qui n'apparait pas de suite dans le récit, j'étais plus dans le style du docteur Jekyll, même si dans les derniers mots de l'auteur qui sont indépendant de cette histoire, il part sur tout autre chose. La part de surnaturelle vient tranquillement, avec ces mots, ces effets personnels, avec le vouloir et le savoir. Les expériences qui petit à petit apportent des résultats. Légende ou véritable histoire ? Nulle ne sait véritablement, tout ce que nous lisons et comprenons c'est qu'il n'y a qu'une personne derrière tout cela et que la peur est également à l'origine de bien des essais. Il s'agit également de survie, celle de sa propre vie, de son espèce, des siens, de comment faire pour perpétrer une lignée quand une forme de malédiction semble encadrer toute une famille ?

Le danger rôde, guette, il est bien là, dans les sous-bois, dans un simple trou ou sous vos toits. Ce liquide précieux qui nous compose en plus de l'eau s'écoule librement des cous qui se retrouvent tel le cavalier cherchant inexorablement sa tête ! Chaque minute compte, chaque mot est vérifié, chaque parcelle de papier est capable de nous faire suivre une vie qui est sur le point de s'éteindre. Il ne s'agit pas de dents acérées ni de couteaux affûtés, loin de là ! Le personnage qui semble s'amuser avec les villageois ne le fait pas pour jouer, enfin pas au début. La survie, comme je l'ai indiqué, la chaîne alimentaire... Nous ne sommes pas ceux qui sont tout en haut, d'autres espèces sont au-dessus de nous. Cela angoisse de plus en plus, le moindre frottement donne envie de nous retourner régulièrement et d'avoir à portée de main une arme qui sera peut-être même jamais utilisée. La tranquillité du village ? Il faut l'oublier dès que le monstre se réveille, celui qui dormait si profondément en ce personnage et qui vient à ouvrir les yeux.

Ce monstre, ce personnage, cette créature a un but, celui de rester en vie. Et lorsque vous arrivez au final, c'est à se demander qui était véritablement le monstre... Un massacre ne vient jamais gratuitement, il y a un élément déclencheur qui peut être tout et n'importe quoi. Ce que j'aime dans les récits de cet auteur, c'est sa capacité à nous embarquer dans ses histoires et à nous plonger dans les esprits des personnages. De nombreux messages sont bien présents et je dirais que la communication pourrait être LE point crucial. Alors oui, nous avons ce côté fantastique qui s'incruste petit à petit, mais ce n'est pas pour autant que cela en devient le contexte le plus important. Les natures profondes des personnages sont mis en avant, les actes, les mots, les maux surtout qui sont tus ne laissent pas indifférent. Dès que vous mettez un pied dans ce village sans nom, vous risquez de vous faire emporter par cette vague d'émotions. Nous nous attachons rapidement aux personnages (paix à leur âme pour ceux qui nous quittent).

L'auteur nous entraîne dans son sillage et plus les têtes tombent, plus la peur de savoir qui va rester est présente. Personnellement, je serais bien restée cachée dans ce fameux placard, dans la pièce bleue durant une bonne partie du récit, mais le chaudron m'aurait également eue. La partie horreur démarre doucement et puis elle s'installe et elle reste ! L'auteur e fait pas dans le gore à foison avec des jets sanglants non plus, mais nous avons juste ce qu'il faut pour imaginer et de toute manière pour comprendre parfaitement ce qui se passe.

En conclusion, un suspense insoutenable au cœur d'un petit village très paisible qui ne méritait pas de subir autant de... pertes. Un mélange thriller/surnaturel que j'ai adoré, qui m'a donné de nombreux frissons. Des lieux décrits qui donnent envie d'y vivre caché. Une écriture pleine de rebondissements, d'imaginations, de réflexions sur la science, sur la vie humaine ou non, des questions sur notre propre survie. Et la couverture, une fois le récit terminé, vous allez vite comprendre cet enchevêtrement. Au final, si nous étions dans leur situation, de quoi sommes-nous capables au final ?