Nouveau-Mexique dans les années 50. Jack Burns, un solitaire épris de liberté, vit de petits boulots ou gardent les moutons, voyage à cheval sur sa jument Whisky, couche à la belle étoile, réfractaire à la société moderne. Apprenant par hasard que son ami Paul Bondi a été incarcéré pour avoir refusé de se soumettre à ses obligations militaires, Jack décide de se faire arrêter pour le libérer. Une évasion qui va tourner en chasse à l'homme à travers les montagnes...
Un excellent roman, comme souvent avec Edward Abbey, avec un récit qui enchaîne trois points forts, le séjour en prison, la fuite dans les montagnes et le dénouement.
En prison, Jack retrouve son copain Paul et lui annonce immédiatement son intention, les faire évader au plus vite, d'ailleurs dans ses bottes il a une paire de limes ! Cette partie du roman est une discussion politique/éthique/philosophique ou autre qualificatif entre les deux hommes car Paul n'a pas du tout l'intention de s'évader au grand dam de Jack. Deux positions s'affrontent, Jack l'homme libre, peut-être déjà recherché par les autorités car lui aussi n'a pas répondu à la conscription, c'est un marginal, un maverick. Il se méfie des institutions, écoles ou banques etc. Pour lui seule la liberté totale est acceptable, à n'importe quel prix, mais il est fidèle en amitié. Paul, lui, enseignant, écrit " une théorie générale du bien et du mal ", il est marié avec un enfant. Il a refusé la conscription et ne transigera pas là-dessus, il accepte d'être traité d'anarchiste mais " je suis un anarchique cynique " car pour lui, c'est une cause perdue. Il a été condamné et l'accepte malgré sa famille qui l'attend, " Je sais juste que si je ne reste pas, je cède. Je serai hanté toute ma vie par cette capitulation ". La mort dans l'âme mais respectant la position de son ami, Jack s'évade seul.
En fil rouge, un camionneur fatigué et malade qui enfilent les kilomètres et dont on ne comprend pas son rôle dans cette histoire... jusqu'à ce qu'il frappe !
Le shérif et ses hommes vont se lancer à sa poursuite dans la montagne, le récit tourne franchement au Nature Writing, faune, flore, conditions de vie précaire, alimentation difficile etc. De très belles pages ne manquant pas de lyrisme. Un pisteur Indien puis l'armée qui envoie un hélicoptère en renfort, la situation devient dramatique. Pour Jack, comme pour le lecteur, trois hypothèses, il réussit à fuir, il se rend (mais ça personne n'y croit !), il se fait tuer ? Je vous laisse le découvrir avec un dénouement inattendu.
Excellent roman, je le répète. Amitié chaude et virile, décors grandioses, deux conceptions de la vie, de la morale et du monde qui s'opposent, de la nostalgie poétique, une belle écriture et une trace d'humour parfois (" - Je connais des endroits ici même, dans l'Ouest américain, où l'homme blanc n'a encore jamais mis les pieds. Bondit sourit. - Les toilettes pour femmes, tu veux dire ? ").
Merci l'Abbey !
" - Oui. Si je devais choisir entre mon pays et mon ami, je choisirais mon ami. (Il sourit d'un air timide.) Tu sais, ma perception de la loyauté est en plein chamboulement. Par exemple, je pense éprouver davantage de loyauté envers des choses concrètes et tangibles comme ma femme, mon fils, envers toi ou moi qu'envers des abstractions massives comme la Démocratie, Dieu ou les Etats-Unis d'Amérique. Je sais que c'est étrange - une inversion malsaine des valeurs. Mais c'est plus fort que moi, apparemment. "
Traduit de l'américain par Laura Derajinski et Jacques Mailhos