Pinocchio – Winshluss [30-30]

On sait ce que vous vous dites, on ne nous arrête plus ! Après Moi ce que j’aime, c’est les monstres il y a peu, on prend enfin le temps de mettre en forme notre chronique du Pinocchio de Winshluss qui, lui aussi, fait partie de notre challenge 30 livres pour nos 30 ans.

En voilà encore une de bande-dessinée que l’on voulait lire depuis fort fort longtemps (c’est le principe même du challenge 30 livres pour nos 30 ans donc on va arrêter de rabâcher ça à chaque chronique, diantre !).

Même discours que sur Moi ce que j’aime c’est les monstres : une BD qui nous a été multi-conseillée par des personnes aux goûts sûrs et un style graphique remarquable qui m’a tapé dans l’œil, m’en fallait pas plus !

Allez zou, on vous parle du Pinocchio de Winshluss, 2000 caractères top chrono !

Ça parle de quoi Pinocchio de Winshluss ?

Pinocchio Winshluss [30-30]

PINOCCHIO narre les (més)aventures de la célèbre marionnette, revues et corrigées par ce bon petit diable de Winshluss. La trame y est globalement la même que dans le célèbre roman de Collodi, cependant l’intrigue y est largement modernisée : On retrouve ici un Pinocchio bien loin du gentil petit garçon de Walt Disney ! Le pantin de bois devient là un simple androïde conçu par un ingénieur en mal de reconnaissance … Tandis que « le grillon qui parle » (ici un cafard) connaît un sort plus enviable que celui du roman originel, puisqu’il s’agit d’un SDF qui trouve à squatter bien confortablement dans « la boite crânienne » du petit robot en question.

Détournement de contes de fées

Cette bande-dessinée aux graphismes rappelant les bandes dessinées indépendantes américaines des années 60/70 (je pense notamment à Crumb et à son Fritz le chat) m’a conquise de par le monde sombre et pessimiste qu’elle nous présente. Winshluss nous propose un vaste détournement de contes de fées tout à fait grinçant. Si la chanson Cendrillon de Téléphone était une BD, ce serait probablement le Pinocchio de Winshluss. Vous voyez l’idée, soyez prêt.es à voir votre enfance ruinée si vous avez été bercé.es par les films Disney (ce qui n’est pas notre cas mais le détournement a tout de même très bien fonctionné avec nous, on vous rassure.)

Oubliez donc le Pinocchio de Disney et redécouvrez l’histoire de la création de Gepetto à travers l’œil lucide et cynique de Winshluss ! Détournant l’histoire Pinocchio tout en revenant à ses origines anti-fascistes, Winshluss aborde à travers cette œuvre de nombreux sujets de société : le militarisme, le travail infantile, le fascisme, l’aliénation religieuse, le chômage, les violences policières etc. le tout, dans un monde capitaliste régit jusque dans ses relations humaines par un rapport de profit. Pour celles et ceux qui nous connaissent un peu, rien que ce paragraphe devrait vous indiquer notre avis sur cette BD. On a tout simplement adoré. Mais attention, sachez tout de même que c’est trash (non mais on dit ça parce que les commentaires Livraddict nous ont paru emplis de personnes choquées). L’univers que nous dépeint Winshluss est dégueulasse, glauque, tout ce qu’il y a de plus crado visuellement, comme dans son idéologie.

Pinocchio Winshluss [30-30] Pinocchio Winshluss [30-30]

Chez Winshluss, les êtres humains sont cupides et dotés de mauvaises intentions presque par nature. Ne cherchez pas la lumière, elle est quasi absente de cette bande-dessinée où chaque événement positif est contre-balancé par les atrocités commises par les personnages entourant Pinocchio. Toutes et tous cherchent, à leur façon, à profiter du petit robot. Tour à tour sex-toy, employé dans une usine de fabrication de jouets (qu’il détournera malgré lui pour notre plus grande joie au vu de la manière dont finit le patron véreux), balancé dans la « cave » d’un bateau en direction d’une île pas si enchantée, etc. On suit avec avidité les péripéties de Pinocchio à travers ce monde tout simplement vicié !

Mais Winshluss ne se contente pas de Pinocchio et introduit également d’autres personnages de contes (ou pas) qu’il détourne avec malice. Ainsi vous croiserez Jiminy Cafard, « cousin » raté et complètement déviant de Jiminy cricket, 7 nains, ni plus ni moins qu’une fratrie de sociopathes bien plus effrayants qu’amicaux et un flic cliché à souhait qui se présente comme une parodie de protagonistes de romans noirs des années 50.

… Muet

Ouiii, on a joué le suspense sur ce coup-là et en plus on détache le fond de la forme (pardonnez-nous saints professeur.es, vos cours de méthodologies sur la dissertation n’auront décidément jamais payés!!), sacrilège absolu. Mais quand on voit toute la richesse de l’univers et des thématiques abordés, l’aspect sans texte de la bande-dessinée vient, comme un énième tour de force, confirmer le talent du camarade Winshluss !

Car il en faut du talent pour réaliser une bande-dessinée sans texte où tout fonctionne à merveille et où on ne s’ennuie pour autant pas une seconde (c’est toujours notre crainte avec les BD sans textes !). Les personnages du bdéiste dotés d’une grande expressivité, l’usage malin des bruitages et des gestes universels et le sens du rythme indéniable de la narration rappelant les cartoons donnent à cette bande-dessinée toutes les qualités requises pour passer un excellent moment de lecture.

Comme dit précédemment, en parallèle à l’histoire de Pinocchio, nous découvrons aussi le passé et le présent de personnages qui croisent sa route. Encore une fois, Winshluss met en place son histoire avec beaucoup d’intelligence. Certains fils narratifs sont introduits sans que l’on comprenne tout de suite le lien avec Pinocchio, mais tout prend sens à la fin de la bd. La boucle est bouclée, on saisit l’histoire de chacun des personnages dont on a croisé le chemin au cours de notre lecture. Si certains personnages vous semblent moins pourris que d’autres, vous finirez, je vous l’assure, par découvrir qu’eux, pas plus que les autres, n’apportent une quelconque lumière dans ce monde où le cynisme domine.


Winshluss signe une version pour adulte trash et punk de Pinocchio qui casse la rengaine Disney du tout est bien qui finit bien. J’ai passé un excellent moment avec cette BD très bien pensée, plutôt gore et surtout très grinçante. Bref, vous l’aurez compris on vous recommande chaudement cette BD si vous êtes prêt.es à être un peu bousculé.es (ce qui revenait beaucoup sur Livraddict, c’est que c’était déprimant…) par la triste et violente réalité de notre monde sordide.

Moi sur ce, je vous laisse, j’ai toute la bibliographie de Winshluss à engloutir !

Allez saluuuuut,
Votre bonne vieille Tata Alberte

éé

wallpaper-1019588
Vita de Julia Brandon : L’Art de la Rédemption à Travers la Souffrance