
Islander – Tome 1: L’exil (Caryl Férey – Corentin Rouge – Editions Glénat)
Dans un futur pas si lointain, le continent européen est devenu inhabitable à cause des catastrophes climatiques. Du coup, les Européens s’amassent par dizaines de milliers dans le port du Havre, avec pour seul espoir de rejoindre l’Ecosse ou l’Islande, qui font partie des rares endroits encore épargnés. Mais ces pays ferment de plus en plus leurs frontières, en faisant valoir qu’ils ne peuvent pas accueillir toute la misère du monde. Seuls quelques groupes de candidats à l’exil triés sur le volet sont autorisés à monter sur les rares bateaux qui voguent encore vers ces deux îles préservées. Pour la majorité des personnes désespérées qui s’entassent derrière les hautes grilles du camp du Havre, l’Ecosse et l’Islande sont devenus des eldorados inaccessibles. Tous ceux qui ne disposent pas du pass nécessaire sont refoulés sans ménagement. Au milieu de cette masse de gens, il y a notamment le professeur Zizek, qui cherche à tout prix à rejoindre l’Islande. Ce scientifique dirige le projet « Islander », qui représente l’une des dernières chances de sauver l’humanité. Lorsqu’un bateau arrive enfin, c’est l’émeute pour pouvoir monter à bord. Dans la cohue, un jeune homme du nom de Liam est poursuivi par la police. Il parvient à subtiliser le pass d’une femme qui accompagne le professeur Zizek et à franchir les contrôles à sa place. Pour le moment, cela lui permet de sauver sa peau. Mais sans le savoir, il s’apprête à quitter un enfer pour un autre. Car en Islande, la situation s’avère tout aussi explosive. Pendant que l’île se déchire entre ceux qui sont prêts à continuer à accueillir des réfugiés et ceux qui veulent isoler complètement leur pays, des criminels sans foi ni loi font régner la terreur sur la plage de sable noir où le gouvernement islandais entasse celles et ceux qui débarquent en Islande en quête d’une vie meilleure…

Il y a trois ans, le romancier Caryl Férey et le dessinateur Corentin Rouge avaient signé une première bande dessinée très réussie qui s’appelait « Sangoma, les Damnés de Cape Town ». Apparemment, ils avaient tellement adoré travailler ensemble qu’ils ont immédiatement décidé de remettre le couvert avec « Islander », un récit d’anticipation particulièrement réaliste et spectaculaire. Comme le titre l’indique, cette histoire nous emporte du côté de l’Islande, qui se révèle être un décor fantastique pour leur histoire. Pour préparer cette BD, les deux auteurs se sont d’ailleurs rendus sur place, où ils ont pris plus de 7.000 photos. De quoi nourrir leur imagination. Les dessins réalistes de Corentin Rouge, l’un des jeunes dessinateurs les plus doués de sa génération, font en sorte qu’on se laisse complètement happer par ce récit passionnant. La scène d’ouverture dans le camp de réfugiés puis celle sur le bateau vers l’Islande, au milieu d’une mer déchaînée, sont des modèles du genre. En lisant cette BD, on se dit qu’elle pourrait sans problème devenir une série Netflix. Rythme, action, rebondissements, histoires d’amour: tout y est! Le scénario nous tient en haleine du début à la fin de l’album. Même avec une trentaine de personnages importants, elle reste particulièrement lisible. Parmi ces personnages, il y a notamment Liam, un loup solitaire à l’âme brisée, mais aussi Erika, une fille droite et courageuse, ainsi que sa demi-sœur Elektra, qui amène un peu d’optimisme dans ce récit plutôt sombre. « Islander » sera une trilogie, soit un récit de 450 pages au total. Mais il faudra être un peu patient pour découvrir la suite, parce que Corentin Rouge a quand même mis un an et demi pour finir ce premier épisode. Cela dit, ça vaut largement la peine d’attendre quand on voit le résultat final. Si vous aimez les récits d’anticipation avec de l’action et une réflexion intelligente sur le monde qui nous entoure, vous ne trouverez rien de mieux.