Garçonnes : les autrices oubliées des Années folles • Trina Robbins

Garçonnes autrices oubliées Années folles Trina Robbins

Garçonnes autrices oubliées Années folles Trina Robbins

Éditions Bliss, 2024 (168 pages)

Ma note : 17/20

Quatrième de couverture …

Découvrez les Années folles sous un nouveau jour, à travers les œuvres d’autrices oubliées de l’ère du jazz et de la prohibition ! Vous saurez tout sur la figure de la flapper, symbole de la nouvelle liberté féministe du début du XXe siècle. Avec sa coupe au carré et ses coudes et genoux tout en angles, cette femme semble danser le charleston, pleine d’extravagance, pour l’éternité. Dans Garçonnes sont compilées de nombreuses pages de magazines et de journaux de ces autrices avant-gardistes qui ont révolutionné le 9e art : Nell Brinkley, Eleanor Schorer, Edith Stevens, Fay King, Ethel Hays ou encore Virginia Huget. Un travail de recherche titanesque, assuré par Trina Robbins, lauréate d’un Eisner Award et historienne experte du matrimoine de la bande dessinée américaine. Un ouvrage magnifique, au croisement du livre d’art, de mode et de la bande-dessinée.

Mon avis …

Férue d’Histoire, j’aime retrouver de temps à autre (à travers la littérature et d’autres supports) certaines périodes que j’affectionne tout particulièrement. Le XVIIe siècle (sous Louis XIII et Louis XIV), le Second Empire, la Belle Époque ainsi que les années 20 sont mes périodes historiques favorites. Aussi, lorsque ce beau livre consacré aux Années folles a croisé mon chemin, il me fallait absolument le lire. Lu en 2017, j’avais eu un véritable coup de cœur pour La mode des années 20 en images (un autre ouvrage magnifique que je vous conseille, si la thématique vous intéresse).

Autrice et historienne de la bande dessinée américaine, Trina Robbins s’intéresse ici à la figure de la flapper. Arborant une coupe au carré juste en dessous des oreilles, dansant le charleston, mais surtout libérée du corset, la garçonne a gravé dans l’imaginaire collectif sa silhouette androgyne tout en se faisant symbole d’émancipation. Un bouleversement que l’on doit à la Grande Guerre. Les femmes ont quitté leur foyer pour participer à l’effort de guerre, ont travaillé, ont enfin goûté à l’indépendance et comptent bien la préserver.

Ce beau livre nous présente six autrices et illustratrices pour des magazines américains, mettant en scène la figure emblématique de leur époque : la garçonne. Tombées quelque peu dans l’oubli, ces dessinatrices nous offrent aujourd’hui sur un plateau un aperçu de la société des années 20, mais également une photographie de la manière dont la condition féminine de l’époque était pensée et véhiculée. Et c’est tout simplement passionnant !

Embarquement immédiat avec Nell Brinkley, la pionnière du genre. Dès 1908, elle fait apparaître dans ses dessins de jeunes femmes que l’on dénommera plus tard les Brinkley Girls. Dans les années 20, les journaux regorgent de strips quotidiens crées par des femmes et mettant en scène des flappers. Mais Nell Brinkley semble mener la danse. Ses dessins sont publiés en version colorisée, ainsi que sur un format pleine page. Ses héroïnes sont Prudence Prim (rêveuse, mais quelque peu guindée) ; Flossie (qui croit aux diseuses de bonne aventure) ou encore Fossette (qui monte en avion, s’habille en tailleur-pantalon et s’imagine être élue présidente, peu de temps après que les femmes aient obtenu le droit de vote aux États-Unis). J’ai beaucoup aimé le travail de cette illustratrice. Le dessin est fleuri, dans un style Art nouveau.

Garçonnes autrices oubliées Années folles Trina Robbins

Trina Robbins nous présente ensuite Eleanor Schorer, puis Edith Stevens. La première travaille sur des strips en noir et blanc, créant elle aussi une héroïne : Judy (Les aventures de Judy). La figure paternelle est souvent ridiculisée, mais toujours sur un ton humoristique. Avec Edith Stevens, il est davantage question d’un véritable défilé de mode. Les chapeaux sont mis en avant. Et certaines situations cocasses sont plutôt réussies. J’ai cependant moins accroché par rapport au dessin, sublime, de Nell Brinkley.

J’ai ensuite apprécié découvrir le travail d’Ethel Hays. Le style est davantage Art déco, le trait plus anguleux et les couleurs moins marquées que chez Nell Brinkley. Les strips mettent en avant la mode et le quotidien des garçonnes. J’ai beaucoup aimé « Nous, les modernes, des angles à chaque coin » ainsi que « Les beautés plaisancières ».

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Vient ensuite Fay King qui croque ses garçonnes en noir et blanc. Son style fait davantage appel à la caricature. Elle n’hésite pas à se dessiner elle-même (en personnage qui rappelle d’ailleurs beaucoup Olive, la femme de Popeye, alors que celle-ci n’existait pas encore).

Virginie Huget se démarque de ses consœurs par ses personnages qui adoptent des postures singulières (la jambe arquée, presque en angle cassé). Autre particularité : une de ses héroïnes, Peggy Lux, apparaît dans des strips pour de la publicité.

Cette lecture fut un coup de cœur, et je tiens à souligner la beauté de l’objet-livre (autant sa couverture, que les pages intérieures). J’ai apprécié faire la connaissance de Prudence Prim, de Flossie, autant que du travail de Nell Brinkley. Le regard porté sur la société de l’époque est tantôt réaliste, tantôt humoristique au travers de petites phrases (« Épouses, soyez prudentes ! N’espérez pas un homme élégant, contentez-vous d’un être humain. » ; « Il existe un maillot “de bain” pour “chaque occasion” »). Cet ouvrage est un petit bijou : on en prend plein les mirettes et, en plus, il est instructif. Je compte donc le garder précieusement dans ma bibliothèque.


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