En deux mots
Un an après un meurtre sanglant, un berger et un pasteur partent à la recherche d’une femme présumée coupable. Dans le froid et le brouillard leur randonnée dans la montagne va se transformer en épreuve initiatique.
Ma note
★★★★ (j’ai adoré)
Ma chronique
À la recherche d’une meurtrière
Avec Cairns, Martin Baldysz prend le pas d’un berger et d’un pasteur qui partent dans la montagne, à la recherche d’une femme soupçonnée de meurtre. Une quête humaine et spirituelle, où les mystères se mêlent aux dangers de la nature.
Le roman débute par la visite que rend Sebastian Ribe, un pasteur, à Reidar Skåren, un éleveur de moutons. Ce dernier vit seul, hanté par la mort de son père et se console de son sort en consommant quasiment tout l’alcool qu’il peut trouver. Mais il connaît la région comme sa poche et c’est pourquoi le prêtre lui demande de l’accompagner afin de retrouver Kirsten Nesse, une jeune femme (dix-sept ans au moment des faits) qui a disparu depuis plus d’un an, à la suite de la découverte d’un cadavre lardé de coups de couteau. Il a attendu l’appel de celle que l’on soupçonne du meurtre, persuadé qu’« il a dû se passer quelque chose qui l’a poussée à tuer. Peut-être qu’elle a perdu la raison, là-haut, sous le toit de la solitude. »
Peu enthousiaste et peu loquace, Reidar finit par accepter le marché. « Entendu, je vous conduirai dans la montagne et nous trouverons la fille Nesse. Personne ne connaît les sommets mieux que moi. Si elle est vraiment là-haut, je la retrouverai. »
Après avoir vérifié que son guide n’emportait pas d’eau-de-vie dans son paquetage, le prêtre prend son pas pour une expédition périlleuse. Outre leurs faiblesses physiques, il doivent faire face à une nature hostile. Le froid et le brouillard venant encore compliquer leur ascension.
Au terme d’une première étape, ils trouvent un refuge où ils font la connaissance d’Indis, une jeune fille qui semble détenir des informations cruciales et va les conforter dans leur projet, malgré les difficultés grandissantes.
Au fil des pages, Reidar, bien que hanté par ses démons intérieurs, va trouver un semblant de rédemption dans cette expédition. Son compagnon n’est pas en reste, révélant un caractère complexe, bien loin de l’image pieuse qu’il entend projeter.
Quant à Kirsten, objet de leur quête, elle incarne les secrets enfouis, les peurs inavouées et les légendes transmises au sein de leur communauté isolée. Parviendront-ils à la retrouver, à faire la lumière sur cette sombre affaire ?
Oscillant entre le conte de fées et le roman initiatique, Martin Baldysz parvient à créer une atmosphère de plus en plus pesante, où chaque pas dans la montagne résonne comme une métaphore de la condition humaine. Où le brouillard très dense qui les entoure et aussi intérieur. Alors ils s’accrochent au moindre signe d’humanité. « Des gens étaient passés par ici et avaient cherché des pierres à empiler pour en faire un cairn. Un cairn qui procurerait un sentiment de sécurité à ceux qui s’aventureraient dans ces confins. C’était ça, les cairns. À force de les suivre, on finissait par rejoindre les terres habitées. Reidar se sentait toujours gelé, vidé de ses forces. Et pourtant, ce monticule de pierres lui donnait de l’espoir. »
Réflexion profonde sur la solitude, la résilience et les liens qui unissent les individus dans les moments de crise, le roman s’accompagne de descriptions de cette nature aussi belle que rude, qui devient un personnage à part entière et n’est pas sans rappeler la prose de Knut Hamsun.
Cette œuvre puissante invite à explorer les recoins les plus sombres de l’âme humaine. en célébrant la nature indomptable des paysages nordiques. Martin Baldysz, qui vit dans une ferme de l’ouest norvégien, a puisé son inspiration dans les montagnes et les fjords qui l’entourent. Il s’est aussi nourri des traditions de son pays natal pour nous offrir ce roman-quête, intense et beau.
Cairns
Martin Baldysz
Éditions Paulsen
Roman
Traduit du norvégien par Marina Heide
128 p., 18 €
EAN 9782375024355
Paru le 9/01/2025
Où ?
Le roman est situé dans la montagne norvégienne.
Quand ?
L’action se déroule au début du XXe siècle.
Ce qu’en dit l’éditeur
Un roman crépusculaire au bord du vide, où le moindre faux pas peut coûter la vie.
À l’aube du XXe siècle, deux tragédies frappent un paisible village norvégien : le meurtre d’un homme et la disparition d’une fille de ferme. Un an plus tard, les recherches menées dans la montagne pour retrouver Kirsten restent infructueuses. Pourtant, les portes des chalets d’alpage ont été forcées. Les villageois racontent que des cris viennent de là-haut : Kirsten demande à voir le pasteur.
Le jeune Sebastian Ribe, fraîchement arrivé du Danemark, accepte d’aller à la rencontre de la disparue. Il a besoin de l’aide de Reidar Skåren pour s’aventurer dans ce monde minéral, agité par des vents contraires, où la brume et la neige brouillent les repères. Au milieu de cette nature sauvage où la moindre pierre semble vous épier, les cairns sont-ils la meilleure façon de rester sur le droit chemin ?
Les critiques
Babelio
Lecteurs.com
France Inter (Le polar sonne toujours deux fois)
Le Littéraire (Maris du Crest)
Blog Nyctalopes
Les premières pages du livre
« Planté sur la grève, il vida les poissons. Deux morues, une julienne et un grand et bel églefin, plus que ce qu’il avait espéré. Puis il s’assit sur un rocher et contempla le fjord, satisfait, avant de reporter son attention sur sa prise. L’églefin à la bouche béante, aux yeux effarés. Ce regard lui rappelait la dernière fois qu’il s’était observé dans le miroir, le jour où son père avait été enterré.
Le soleil était bas au-dessus de l’eau et le calme régnait, les montagnes dressées le long du fjord se reflétaient doucement sur la surface. Oui, peut-être qu’il devrait s’engager sur un navire. Vendre le bétail afin de s’acheter de solides vêtements de bure et un coffre pour partir au grand large. Il y mettrait tout ce dont il aurait besoin. Une paire de gants de rechange et quatre chemises. Du gigot d’agneau séché, ça, il en aurait plein son coffre, les autres n’en reviendraient pas. Il voguerait à travers le fjord jusqu’à l’océan.
Une fois fumé, ce poisson ferait un bon repas. C’était quelque chose d’être là, au bord de l’eau. Les rares fois où il sortait la barque et ramait sur le fjord, il ressentait l’appel du large. L’appel d’une vie simple, où la seule chose qui comptait était de ne pas passer par-dessus bord ; il apprendrait le reste sur le tas. Mais qui serait là pour l’accueillir quand il reviendrait après des mois de pêche dans les flots furieux ? Qui l’attendrait au bout de la grève et l’accompagnerait à Skåra, jusqu’à cette chaude maison dont il aurait rêvé durant cet éprouvant voyage ? À qui raconterait-il la vie en mer et les péripéties de cette fabuleuse expédition ?
Il se retourna et leva les yeux vers les montagnes, vers chez lui, là-haut. Tout ça n’était qu’un rêve de jeunesse, il en avait conscience. Que savait-il de la mer et des bateaux ? Des voiles et des cordages et des glènes et des amarres, des cris que les marins échangeaient dans leur jargon avant de prendre le large ? Non, ce monde-là n’était pas le sien. La montagne, la ferme et les animaux. Voilà tout ce qu’il possédait et connaissait. Il était trop vieux pour se lancer vers l’inconnu.
Mais regardez-moi ces poissons. Ce n’est pas rien, pour un éleveur de moutons, de sortir ça des profondeurs, se dit-il. Son père lui manquait encore beaucoup. Le souvenir de sa joie simple devant une assiette de morue bouillie lui serrait le cœur. Il regrettait les jours heureux où son père décrochait du mur le poisson séché qu’il tapait sur une bûche pour l’attendrir avant de lui en offrir quelques morceaux. La chair sèche et dure fondait dans sa bouche, il mâchait longtemps, avec délice, avant d’avaler chaque bouchée. Les yeux clos, il était capable d’en sentir encore le goût.
— Est-ce bien vous, Reidar Skåren ?
Il sursauta. Le pasteur en personne se tenait devant lui. Le pasteur. Son sang ne fit qu’un tour. Avait-il fait quelque chose de mal dont il n’avait aucun souvenir ? Était-ce pour cette raison que le pasteur s’était rendu jusqu’ici ? Le père Sebastian Ribe se tenait dans la lumière du soir, vêtu des mêmes habits que le jour de l’enterrement de son père, un an auparavant. Il affichait un sourire chaleureux, rien n’indiquait que Reidar avait péché.
— Reidar Skåren, le Montagnard ?
Reidar hocha la tête. Le Montagnard. Il y avait longtemps qu’on ne l’avait pas appelé ainsi.
— Vous pêchez comme votre père, à ce que je vois.
Il se réjouit du regard que le pasteur avait posé sur les poissons qui gisaient sur les galets. Il resta planté là, les bras ballants, parce qu’il n’avait pas l’habitude de converser avec de telles gens.
— Vous vous apprêtiez peut-être à rentrer chez vous ? Et si je vous accompagnais ?
Reidar s’empressa de se rincer les mains dans le fjord, avant d’enfiler ses prises sur une ficelle. Puis il se lava de nouveau les mains et s’empressa de rejoindre le pasteur.
— Vous savez où j’habite ?
L’homme marchait d’un pas sûr, l’air de savoir où il allait. Lui-même titubait légèrement, car il avait déjà éclusé une demi-bouteille sur la barque.
Le pasteur s’immobilisa un instant pour que Reidar marche à côté de lui. Le Montagnard s’inquiétait : il n’avait rien à offrir à boire à son visiteur. Il avait arrêté d’acheter du café depuis que son père n’était plus de ce monde, et il n’avait rien d’autre que de l’eau-de-vie dans le placard.
Le soleil rasant baignait d’une lumière dorée la petite ferme délabrée, nichée à flanc de colline. Les moutons avaient quitté le pâturage et s’étaient regroupés devant la grange, comme s’ils l’attendaient.
— C’est donc ici que votre père s’est caché toutes ces années ? dit le pasteur en observant la ferme et les terres alentour.
— Oui, répondit Reidar en suivant son regard.
Il se demandait toujours ce qui motivait la visite du pasteur.
— Ce n’est que lorsque quelqu’un disparaît que l’on apprend à le connaître, n’est-ce pas ? Du moins est-ce le cas pour moi, qui suis encore nouveau par ici. J’ignorais que Kåre Skåren avait vécu là toutes ces années. Il n’était pas pêcheur ?
— Si, murmura Reidar.
À quoi bon venir lui parler de son père un an après son enterrement ?
Le pasteur se tourna vers lui.
— Vous avez peut-être entendu parler de la disparition de la bergère l’été dernier ?
— La fille Nesse ? demanda Reidar.
Il n’y comprenait rien. Quel rapport avec son père ?
Le pasteur, étranger à ce lieu, semblait rassuré d’être en compagnie du Montagnard.
— Quelle histoire. Vous avez dû entendre toutes sortes de choses sur cette fille, Kirsten Nesse, non ?
— Rien, si ce n’est que cette traînée s’est perdue en montagne et qu’elle est morte.
— Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé.
Reidar suspendit les poissons à un crochet fixé au mur orienté nord, comme son père en avait l’habitude.
— Le garde champêtre ne l’a pas recherchée en montagne avec des hommes ? s’enquit Reidar en s’essuyant les mains sur son pantalon.
— Si, c’est exact, opina le pasteur. Mais les recherches n’ont rien donné pendant l’automne, et ils ont dû y renoncer quand l’hiver est arrivé.
L’homme d’Église jeta un regard aux alentours avant de reporter son attention sur Reidar.
— Tout le monde croit qu’elle est morte là-haut, mais son corps n’a jamais été retrouvé. Ni par le garde champêtre et ses hommes, ni par des marcheurs, ni par d’autres bergers. En revanche, au printemps, quand ils sont remontés à l’alpage avec leurs troupeaux, des vagabonds étaient passés par là. Les portes des chalets avaient été forcées et il manquait des choses. La rumeur s’est propagée dans toute la montagne pendant l’été.
— Quelle rumeur ?
— Eh bien, expliqua le pasteur avec un petit rire nerveux, les gens prétendent avoir vu une huldra 1 par là-bas.
— Ah, dit Reidar.
Le silence retomba sur eux. Reidar se demandait s’il devait inviter le pasteur à entrer ou s’ils allaient rester sur le perron, au risque de prendre froid maintenant que le soleil avait disparu derrière la crête de Skårafjellet. Reidar avait chaud depuis qu’il l’avait entendu prononcer ce mot : huldra. Il faisait renaître toute son enfance dans les montagnes.
— Eh bien, dernièrement, il y a eu bien des apparitions de cette huldra dans la région. Et, comme les gens des montagnes commencent à avoir peur, M. Vaulen, le garde champêtre, est allé là-haut avec son adjoint le mois dernier. D’après vous, l’ont-ils retrouvée ?
Reidar scruta le pasteur avec curiosité.
— Je n’ai rien entendu de tel.
— Seuls le garde champêtre, son adjoint et moi-même sommes au courant. Et vous, maintenant.
Reidar se tut. Le souvenir de cette femme qu’il avait croisée quand il était plus jeune sembla reprendre vie. Cette rencontre près du lac l’avait profondément marqué. Il s’était bien gardé d’en parler à qui que ce soit depuis que sa mère s’était moquée de lui. Il se mit à rougir, submergé par le souvenir de cette créature. Il dut plisser les yeux et battre des cils, car de telles pensées n’étaient pas convenables en présence d’un homme d’Église.
— Pour le garde champêtre et son adjoint, mettre la main sur cette bergère dans la montagne aurait dû être un jeu d’enfant. Elle a pourtant réussi à leur échapper.
— Comme ça, les filles des montagnes peuvent paraître frêles, et j’ignore comment se porte le garde champêtre, mais là-haut, la bergère n’a sans doute eu aucun mal à le semer.
Le pasteur ricana. Puis, le doigt tendu vers le ciel, il observa les montagnes escarpées qui cernaient l’étroite vallée.
— Curieusement, la bergère qui s’était volatilisée est réapparue pour leur délivrer un message. Elle a demandé à me voir avant de disparaître de nouveau.
— Vous voir ?
Le pasteur haussa les épaules.
— Elle veut peut-être obtenir le salut avant d’être arrêtée, je ne sais pas. Mais elle souhaite s’entretenir avec moi. Comment pourrais-je ignorer cet appel ?
Un agneau bêla et sa mère lui répondit aussitôt. Le petit appela de plus belle et sa mère lui répondit encore. Puis il approcha d’elle en bondissant et, s’emparant de son pis, se mit à téter en remuant la queue. Ce spectacle amusa le pasteur.
— Vous aimez l’eau-de-vie, monsieur le pasteur ? demanda Reidar sans détour, car il avait soif.
— Non, j’ai été libéré de ce genre de tentations, répondit-il avec détachement, balayant la proposition d’un revers de main.
Des médisants avaient dû lui raconter que Reidar buvait et qu’il avait des dettes chez Stranden. Les villageois avaient certainement jasé là-dessus.
— Je ne supporte plus le café, vous comprenez.
— Je me passerai de café, merci, mais si vous avez besoin d’un petit remontant avant que je vous en dise plus, vous avez ma bénédiction.
Dès lors, Reidar s’empressa d’ouvrir la porte et d’inviter le pasteur à entrer, même s’il ne savait toujours pas ce qui l’amenait. Il se rendit droit à la cuisine, vers le placard contenant les bouteilles, et se servit un verre. Après tout, le pasteur ne lui avait-il pas donné sa bénédiction ? Tandis que ce dernier avançait doucement dans la pièce sombre en regardant autour de lui, Reidar alluma deux lampes à huile.
— Ce n’est pas bien grand chez moi. Si vous ne voulez rien à boire, je n’ai pas grand-chose à vous proposer, comme je vous l’ai dit. J’ai déjà dîné et je ne prends de souper qu’à la saison des foins.
Dehors, un agneau bêla encore.
— J’ai l’impression que vous n’êtes pas le seul à avoir soif, ce soir, commenta le pasteur en prenant place sur une chaise.
— Oui, ils n’en démordent pas, même s’ils ont grandi.
Après avoir avalé son verre, Reidar s’assit dans le fauteuil à bascule et, pendant qu’il se resservait, le pasteur se pencha légèrement en avant.
Il y avait quelque chose de nouveau chez lui. Assis là, dans l’obscurité de la maison, tout de noir vêtu, on aurait dit un autre homme que celui que Reidar avait observé à l’office. Quelqu’un capable d’écouter sans juger, qui ne prêchait ni ne condamnait. Avec la chaleur de l’eau-de-vie, Reidar se sentait déjà revigoré.
Le pasteur l’examina, puis porta son regard sur la bouteille.
— Je peux peut-être en prendre une larme.
Reidar en fut heureux. Il sortit un autre verre et le remplit à moitié, car il n’était pas sûr que l’homme d’Église supporterait l’alcool frelaté que Gunnhild, une femme du village voisin, lui vendait sur le quai. Contre toute attente, le pasteur prit le verre et le vida d’un trait. Reidar le regarda se tenir la bouche pour réprimer une quinte de toux. Une fois que le pasteur se fut ressaisi, il scruta l’une des lampes.
— Au Danemark, on dit que ce sont des elfes.
— Des elfes ?
— Oui, ici, en Norvège, vous appelez ça des huldras.
Le pasteur posa son verre, une lueur dans le regard.
— Selon Notre Seigneur et moi, les huldras et les elfes ne sont rien d’autre que des âmes en peine, des femmes qui se cachent et se font oublier dans les forêts et les montagnes, errant dans le royaume des ombres en attendant le salut divin. Si le garde champêtre et ses hommes ne parviennent pas à la retrouver, comment pourrais-je ignorer son appel ? Et puis, ne serait-il pas bienvenu que les villageois voient que j’applique ce que je prêche ?
Reidar baissa la tête.
— Si, murmura-t-il.
Il se resservit, mais, quand il tendit la bouteille vers le pasteur, celui-ci mit la main sur son verre et plongea ses yeux dans les siens.
— Vous allez me conduire en montagne, Reidar Skåren.
Reidar posa la bouteille et, lorsqu’il lâcha son verre, il lui sembla que la gravité du moment se propageait dans sa main.
— Je ne connais pas la montagne, reprit le pasteur, et quand le garde champêtre m’a parlé de vous, j’ai tout de suite su ce qui me restait à faire. Vous allez me conduire jusqu’à Kirsten Nesse, je vais lui apporter le salut et, ensemble, nous ramènerons au village cette brebis égarée depuis un an sur les terres de la perdition.
— Vous voulez que je vous conduise en montagne ?
Le pasteur hocha résolument la tête avant de se renfoncer dans sa chaise, disparaissant dans la pénombre. Puis il se leva. Face aux deux ombres massives du pasteur sur le mur, Reidar ne se sentait plus chez lui. Une étrange atmosphère de recueillement s’abattit sur la pièce, que le pasteur remarqua peut-être, car il se rassit.
— Saviez-vous, Reidar, qu’avant de prendre la fuite dans la montagne elle a assassiné un chasseur dans son chalet d’alpage ?
Reidar se tut, mais se servit un nouveau verre d’eau-de-vie. Il observa avec une certaine vénération le pasteur qui semblait grandir sous ses yeux. Oui, il avait entendu parler du meurtre.
— J’ignorais qu’il s’agissait d’un chasseur.
Le regard du pasteur l’effleura, sans doute était-il plongé dans ses pensées.
— Je ne connais pas Kirsten Nesse, elle n’est pas d’ici, elle vient du nord. Je ne l’ai jamais rencontrée, mais je ne crois pas que ce soit une femme dangereuse.
Le pasteur se passa une main sur le visage et épousseta sa soutane.
— Enfin, une femme… Elle avait dix-sept ans au moment des faits. Il a dû se passer quelque chose qui l’a poussée à tuer. Peut-être qu’elle a perdu la raison, là-haut, sous le toit de la solitude.
Reidar se leva brusquement.
— Entendu, je vous conduirai dans la montagne et nous trouverons la fille Nesse. Personne ne connaît les sommets mieux que moi. »
Extraits
« — Enfin, une femme… Elle avait dix-sept ans au moment des faits. Il a dû se passer quelque chose qui l’a poussée à tuer. Peut-être qu’elle a perdu la raison, là-haut, sous le toit de La solitude.
Reidar se leva brusquement.
— Entendu, je vous conduirai dans la montagne et nous trouverons la fille Nesse. Personne ne connaît les sommets mieux que moi. Si elle est vraiment là-haut, je la retrouverai. » p. 15
« Le cairn se dressait, massif, à quelques pas dans le paysage gris. C’était l’œuvre d’un homme, pensa Reidar avec soulagement. Des gens étaient passés par ici et avaient cherché des pierres à empiler pour en faire un cairn. Un cairn qui procurerait un sentiment de sécurité à ceux qui s’aventureraient dans ces confins. C’était ça, les cairns. À force de les suivre, on finissait par rejoindre les terres habitées. Reidar se sentait toujours gelé, vidé de ses forces. Et pourtant, ce monticule de pierres lui donnait de l’espoir.
– Si on suit les cairns, je trouverai le chemin pour redescendre. Nous trouverons ensemble le chemin du retour, se réjouit Reidar.
Cependant, il trouvait étrange que quelqu’un ait dressé un cairn dans le ruisseau. Il regarda autour de lui, intrigué.
– Non, dit le pasteur après avoir ajusté ses vêtements. » p. 93
À propos de l’auteur
Martin Baldysz © Photo Helle Frogner
Martin Baldysz est romancier. Il vit au cœur de la nature dans une ferme de l’ouest Norvégien. Cairns a reçu un excellent accueil critique. (Source : Éditions Paulsen)
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