Notre rythme de lecture étant plus rapide que notre rythme de publication, on enchaîne en ce moment les chroniques des 30 livres pour nos 30 ans de manière un peu intense… On espère donc ne pas vous lasser avec un nouvel article dans cette lignée avec, au programme aujourd’hui, un classique de la littérature française populaire : Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas !
Comme d’habitude, si vous voulez retrouver la liste complète des livres que nous nous sommes défiés de lire pour nos 30 ans, il vous suffit de cliquer sur ce lien.
Les trois mousquetaires, ça parle de quoi ?
![trois mousquetaires Alexandre Dumas [30-30]](https://albertebly.wordpress.com/wp-content/uploads/2025/02/couv57191880.jpg)
Aux trois gentilshommes mousquetaires Athos, Porthos et Aramis, toujours prêts à en découvre avec les gardes du cardinal de Richelieu, s’associe le jeune gascon d’Artagnan fraîchement débarqué de sa province avec pour ambition de servir le rois Louis XIII.
Engagé dans le corps des mousquetaires, d’Artagnan s’éprend de l’angélique Constance Bonacieux.
En lutte contre la duplicité et l’intrigue politique, les quatre compagnons trouveront en face d’eux une jeune Anglaise démoniaque et très belle, Milady, la redoutable espionne du Cardinal.
Un roman-feuilleton fondateur
Fondateur du genre du roman historique, on retrouve dans Les Trois mousquetaires tous les éléments que l’on retrouvera par la suite dans d’autres œuvres du même acabit. Des combats, des chevauchées, des enlèvements, des intrigues politiques et des intrigues amoureuses. Le tout dans un savant mélange de drame et de comédie qui s’inspire des Mémoires de Rochefoucauld. Figures historiques réelles et personnages de pure fiction s’entremêlent avec brio. De quoi ravir votre hôte blogesque, qui s’en pourléchait les babines d’avance !
Mais, premier reproche, on sent bien le type de publication d’origine du livre. De fait, Les Trois mousquetaires étaient, avant de devenir le quasi-classique que l’on connaît tous, un feuilleton publié dans le journal Le siècle. On sent effectivement la construction sous forme « d’épisode », que ce soit la rencontre, les ferrets de la reine ou le siège de La Rochelle. Avec ce découpage et, j’imagine, la nécessité pour Dumas de livrer son épisode chaque semaine, on se retrouve avec un récit un peu en dent de scie (ne venez pas me les briser parce que je critique un classique, pitié, merci.) On a donc senti notre intérêt présent, reparti, puis de retour, puis reparti, puis l’ennui, puis la lecture avide. Bref, en dents de scie, on vous l’a dit !
Mais ce n’est malheureusement pas le seul souci qu’on a rencontré avec ce livre et on vous parle tout de suite de notre expérience (toute personnelle donc) de lecture.
La fraternité par-dessus tout
Le fameux slogan « Un pour tous, tous pour un » prend tout son sens à la lecture des Trois mousquetaires. Après leur rencontre, les trois mousquetaires et le jeune D’Artagnan développent une amitié qu’ils feront passer avant tout autre chose (enfin, à moins qu’une femme entre dans l’équation, nous en reparlerons !). Ainsi, Les Trois mousquetaires se présente aussi comme un grand récit de camaraderie. On a adoré la rencontre des mousquetaires avec le gascon D’Artagnan. Dumas maîtrise à la perfection les scènes d’humour, le comique de situation et les dialogues pas piqués des hannetons. Quand l’Église en prend pour son grade, on manque d’objectivité et on se marre toujours à gorge déployée, okay, on avoue.
« – […] Vous comprenez donc qu’aujourd’hui le moment est venu pour moi de rentrer dans le sein de l’Eglise.
– Et pourquoi aujourd’hui plutôt qu’hier et que demain ? Que vous est-il donc arrivé aujourd’hui, qui vous donne de si méchantes idées ? »
Les Trois mousquetaires, Alexandre Dumas, éditions le Livre de poche, 1995, p. 277.
Chacun des trois mousquetaires nous a semblé avoir une identité bien définie, des traits de caractère terriblement exagérés, du taciturne et porté sur la bouteille Artémis au mal dégrossi et fiérot Porthos en passant par le mousquetaire en intérim (le running gag du bouquin qui a marché avec nous à chaque fois) Aramis véritable bourreau des cœurs sous ses airs gentillets et son vœu pieux de lier sa vie à celle de l’Église…
« D’Artagnan se jeta à son cou et l’embrassa tendrement ; puis il voulut l’entraîner hors de ce séjour humide, alors il s’aperçut qu’Athos chancelait.
« Vous êtes blessé ? » lui dit-il.
– Moi ! pas le moins du monde ; je suis ivre mort, voilà tout, et jamais homme n’a mieux fait ce qu’il fallait pour cela. Vive Dieu ! mon hôte, il faut que j’en aie bu au moins pour ma part cent cinquante bouteilles.
– Miséricorde ! s’écria l’hôte, si le valet en a bu la moitié du maître seulement, je suis ruiné.
– Grimaud est un laquai de bonne maison, qui ne se serait pas permis le même ordinaire que moi ; il a bu à la pièce seulement ; tenez, je crois qu’il a oublié de remettre le fosset. Entendez-vous ? cela coule. »
Les Trois mousquetaires, Alexandre Dumas, éditions le Livre de poche, 1995, p. 291.
Mais pour ce qui est de D’Artagnan, mon dieu. J’ai détesté ce personnage de bout en bout. Je n’ai trouvé à ce personnage rien d’honorable ni d’héroïque, et j’ai pourtant eu l’impression que c’était ce qu’on était supposé ressentir à son égard. Autant on nous souligne vraiment grossièrement les défauts des autres dont on a pris plaisir à se moquer gentiment avec l’auteur, tout en finissant par percevoir aussi quelques-unes de leurs qualités. Autant il nous a semblé qu’il nous dépeignait D’Artagnan comme le type du brave garçon sans le sous cherchant à faire fortune, courageux, un peu comique et tout le tintouin. Petit problème D’Artagnan nous a été tout ce qu’il y a de plus détestable tout au long du roman rendant parfois la lecture un peu énervante. Pour tout vous dire, on a même préféré les passages du roman durant lesquels on suivait d’autres personnages, en général les ennemi.es du trio qui est en fait un quatuor.
La cruche et la cruelle
Bon, parlons maintenant des personnages féminins des Trois mousquetaires (rapidement, promis). On sait, on sait, Dumas nous dit lui-même page 365 « [qu’] on aurait tort au reste de juger les actions d’une époque au point de vue d’une autre époque. Ce qui aujourd’hui serait regardé comme une honte pour un galant homme était dans ce temps une chose toute simple et toute naturelle […] ». Mais on avoue qu’on a jugé. On a eu vraiment du mal à déterminer le point de vue de Dumas sur ses personnages. Ponctuellement un qualificatif, une petite expression nous laissait percevoir le regard critique qu’il adresse à ses personnages, bande de mal dégrossis.
« Le perfide, comme on le voit, sacrifiait déjà en idée la pauvre fille pour obtenir [X] de gré ou de force. »
Les Trois mousquetaires, Alexandre Dumas, éditions le Livre de poche, 1995, p. 345.
Mais c’était finalement assez rare au point de nous faire douter. À plusieurs reprises, on a été perturbées par le fait de lire un récit historique dans un récit historique, c’est-à-dire un roman écrit par un homme du XIXème siècle au sujet d’hommes du XVIIème siècle. Déjà à l’époque où Dumas écrit, le comportement de ces hommes était en décalage avec les normes de son temps, mais alors avec les nôtres, j’vous dis pas !
C’est aussi pour cette raison que D’Artagnan nous a insupportées, on avoue avoir regardé (à tort) ces personnages avec nos lunettes du XXIème siècle et ce n’était vraiment pas beau à voir. Dans les manigances de D’Artagnan on voit un personnage capable de profiter des femmes qui l’entourent. La palme de notre malaise repose sur une scène se déroulant aux abords de la page 370 où D’Artagnan profite tout bonnement de la pénombre pour avoir des rapports sexuels avec une femme qui le prend pour son amant… Et la scène finale, n’en parlons pas, disons que nos trois mousquetaires ont une notion de la justice qui est vraiment bien à eux… On est à deux doigts du procès en sorcellerie. Enfin bref, ce sont ces choses-là qui nous ont donné envie de faire un petit aparté sur les personnages féminins. Ce n’est pas réellement une critique que l’on émet à l’égard de ce livre, c’est un livre de son temps, mais on ne peut tout de même pas ne pas mentionner le fait que, de par cet aspect, notre lecture a été tout de même beaucoup moins plaisante que ce qu’elle aurait pu être.
Enfin, toujours est-il que les personnages féminins dans ce livre sont soit des grosses cruches (on pense évidemment à Mme Bonacieux), soit des manipulatrices qui ont le malheur de jouer comme les hommes aux jeux des intrigues (Milady, Mme de Chevreuse) et se voient punies en bon et due forme. Vraiment la chute vient juste confirmer qu’il n’y a pas d’inimitié qui tienne, mais que de la camaraderie entre hommes face à des femmes pernicieuses et ça, franchement, c’est vraiment une chute et une morale de merde. Enfin c’est aussi une manière pour Dumas de nous dire que la fourberie de D’Artagnan a atteint un tel stade qu’il finit par être l’égal du quasi mal incarné de cet ouvrage… Voyons les choses comme ça, c’est moins déprimant !
Je pense finalement ne pas avoir choisi le meilleur Dumas pour cette liste. Maintenant que j’y réfléchis, il était évident, au vu des thèmes, que le Comte de Monte Cristo devrait être un livre qui me parle plus… Mais bon, j’avoue que la taille du pavé m’avait un peu refroidi ! Je ne regrette aucunement d’avoir lu ce livre, c’était malgré tout une bonne introduction au style de Dumas. C’est très fluide, accessible et l’humour un peu pince-sans-rire de l’auteur m’a énormément plu. Je dois malgré tout admettre que je ne lirai pas les tomes suivants de la trilogie des mousquetaires… À part si l’un.e d’entre vous me dit que les suivants en valent vraiment la peine et que les personnages évoluent un peu (mais je n’y crois pas trop honnêtement)
Si vous avez lu Les Trois mousquetaires ou même d’autres livres de Dumas que vous souhaiteriez nous conseiller, nous sommes honnêtement très très curieuses d’en parler avec vous en commentaires. Aussi, n’hésitez pas ! 🙂
éé