Dans mes écouteurs


En deux mots
C’est à peu près à l’âge où elle eu son premier smartphone et ses écouteurs, vers onze ans, que la narratrice a eu envie d’en savoir plus sur l’amour et le sexe. Mais elle attendra encore quelques années avant d’embrasser un garçon, puis pouvoir passer à l’acte. Mais les histoires d’amour finissent mal en général…



Ma note

★★★ (bien aimé)

Ma chronique

Les histoires d’amour…

Premiers émois. La narratrice se souvient de ses jeunes années, lorsqu’elle a voulu assouvir sa curiosité des choses de l’amour, mais aussi vaincre ses peurs. Aurélie Delahaye nous offre un roman initiatique en vers libres. Et en musique…

Elle n’est encore qu’une très jeune fille, mais déjà le mystère de l’amour et les choses du sexe l’intriguent. Peut-être parce que ses parents sont en train de se séparer et qu’elle aimerait comprendre comment leur amour s’est soudain envolé ou reporté sur un(e) autre partenaire. Peut-être parce qu’elle sent bien qu’il y a dans ces relations le moteur de l’existence. C’est pourquoi elle partage l’interrogation de Françoise Hardy qu’elle écoute dans ses écouteurs, « Comme les garçons et les filles de mon âge
Je me demande quand viendra le jour
Où les yeux dans ses yeux et la main dans sa main
J’aurai le cœur heureux sans peur du lendemain »
Mais à onze ans, elle doit prendre son mal en patience, tout au plus nourrir ses fantasmes. Mais à treize ans un premier baiser, pas désagréable, attise encore sa curiosité. À quatorze ans, au cinéma, elle posera sa main sur le sexe du garçon qui l’a invitée, à seize ans elle fera l’amour pour la première fois. Une expérience qu’elle aura envie de renouveler et renouveler encore. C’est alors qu’elle découvre d’autres pratiques sexuelles comme la fellation, qu’elle prend conscience de déviances, de violences.
Alors la peur vient se mêler à la jouissance, l’idylle se transforme en épreuve. Surtout quand l’amour de sa vie lui explique qu’il est trop tôt pour s’engager, qu’il faut vivre d’autres expériences.
Le roman bascule alors dans le trouble, dans cette crainte que ses deux amours, son père et son petit ami, ne cachent un autre visage, celui de l’emprise. De l’anorexie aux envies de suicide, de l’élève-modèle à la fugueuse, il lui faudra franchir bien des écueils avant de retrouver – notamment auprès d’une vieille dame – l’envie de faire quelque chose de sa vie.
En écrivant son roman en vers libres, Aurélie Delahaye a réussi à harmoniser ce style original avec ce que sa narratrice entend dans ses écouteurs. Vite devenus des objets indispensables à son équilibre, elle trouve dans la musique des clés de compréhension à ses émotions, de l’exaltation à la colère, de la peine à l’émancipation, de Carmen de Bizet à Nantes de Barbara (« À l’heure de sa dernière heure
Après bien des années d’errance
Il me revenait en plein cœur
Son cri déchirait le silence », de la Sérénade-valse de Chostakovitch à Basique de Orelsan « Si t’es souvent seul avec tes problèmes,

c’est parce que souvent l’problème c’est toi (simple)
Toutes les générations disent que celle d’après fait n’importe quoi » (voir playlist ci-dessous).
N’oublions pas de saluer ici la naissance d’une nouvelle maison d’édition de littérature. Baptisée Le Soir venu, elle est une initiative des éditions Jouvence, maison suisse spécialisée dans le développement personnel et le bien-être, qui prend le pari « d’explorer les confins de l’âme humaine » et « d’inviter à la réflexion sur des sujets de vie et de société ». Huit titres par an sont prévus et aux côté d’Aurélie Delahaye, on peut découvrir Margo a des problèmes d’argent, de Rufi Thorpe, roman traduit par Élisabeth Luc. Souhaitons bon vent à Au soir venu !

Playlist du roman
Tous les garçons et les filles, Françoise Hardy
L’amour est un oiseau rebelle, Carmen
Killing in the Name, Rage Against the Machine
La Sérénade-valse, Chostakovitch
Nantes, Barbara
Jump Around, House of Pain
First Day of My Life, Bright Eyes
Au cœur de la nuit, Barbara
C’est ta chance, Jean-Jacques Goldman
Trop vite, Yzia
Au revoir, Jeanne Added
Stabat Mater, Philippe Jaroussky
Basique, Orelsan

Dans mes écouteurs
Aurélie Delahaye
Éditions Le soir venu
Roman
252 p., 17,95 €
EAN 9782940797035
Paru le 06/02/2025

Ce qu’en dit l’éditeur

« Je souffre
sans savoir pourquoi.
Un malheur que je crois
sans source.
À l’adolescence on morfle
me dit-on
mais je vois bien :
les autres…
ils ne souffrent pas pareil.
D’où vient
ce trou béant
en moi ? »
Dans un café où elle a rendez-vous avec l’homme qui partage sa vie, une femme se retrouve face à une nouvelle inattendue qui la pousse à replonger dans ses jeunes années. Elle a quatorze ans tout à coup. Elle rêve d’amour et trompe sa peur de la nuit en écoutant de la musique dans ses écouteurs. Quand, enfin, elle le rencontre, Lui, c’est tout son univers qui bascule… Un roman saisissant et audacieux qui résonne comme un cri du cœur dans l’obscurité.


Les critiques

Babelio 

Les premières pages du livre

« Deux petites barres sur un test de grossesse et me voilà sonnée. À quoi sert de prendre la pilule avec assiduité pour se retrouver dans les toilettes d’un café à faire défiler toute sa vie ?
Il est à la table, à m’attendre. Nous avons rendez-vous, comme tous les mercredis, à dix-neuf heures. C’est le soir de notre sortie culturelle, et du petit apéritif qui la précède. Avant de le rejoindre, je suis passée à la pharmacie. Un doute venu en un éclair. Je n’ai pas vu de sang couler depuis plus d’un mois.
Il est assis là-bas, je devrais me lever, lui faire cette annonce. Il en serait heureux, j’en suis sûre. Je crois… Mais la question tourne dans ma tête : celui que je ­m’apprête à donner comme père à mon enfant le mérite-t-il ? Vaut-il mieux que les précédents ?
Je devrais le rejoindre.
Je jette le test à la poubelle, me rhabille, ouvre la porte des toilettes. Il me suffit maintenant d’emprunter le couloir qui mène à lui. C’est simple. Mais mes jambes se dérobent sous mes pieds.
Un autre couloir mène aux cuisines. Le cuistot me fait signe que non, je ne peux pas entrer. Trop tard, je suis parmi eux, ceux qui font mijoter les plats du bistrot.
Je demande : « Est-ce qu’il y a une porte arrière ? »
On me répond en riant : « Votre rendez-vous est décevant ? »
Je dis oui. On me prend la main.
« Si j’avais rendez-vous avec vous, je ne vous décevrais pas, madame. »
Je retire ma main.
« La porte ? »
Un petit jeune me fait signe. D’un regard, il montre la sortie.
« Sauvez-vous ! »
Je pars.
Pas chez moi, c’est là qu’il viendrait me chercher.
Je vais dans mon ancienne cachette, où pendant si longtemps la musique a résonné dans mes écouteurs d’adolescente. Il fait bon en ce début de nuit d’été. Mon téléphone sonne. Je le mets en mode avion. Dans mon sac, je saisis un carnet, un stylo, et mes écouteurs. J’enclenche mes musiques, celles d’avant, celles d’aujourd’hui, tout se mélange. Comme dans ma tête. Je plonge dans ma nuit.
J’ai quatorze ans tout à coup.

Je souffre
sans savoir pourquoi.
Un malheur que je crois
sans source.
À l’adolescence on morfle
me dit-on
mais je vois bien :
les autres…
ils ne souffrent pas pareil.
D’où vient
ce trou béant
en moi ?

Le soir
dans la chambre que j’ai chez ma mère
quand la nuit est tombée
que la lumière est éteinte
j’écoute en cachette la radio
dans mes écouteurs.
Une émission pour les jeunes.
Ça parle d’amour
de sexe
d’ados
de tout un tas de problèmes
que je ne connais pas
parce que « quatorze ans, c’est trop jeune pour ça »
dit ma mère
pense mon père.
Mais moi
souvent
tout le temps
je pense à ça
à l’amour
au sexe.
J’écoute le quotidien de ces ados
et ça me donne la sensation d’être à leur place.
De vivre.
Moi aussi
je veux aimer.
Je veux ressentir.

Ça fait déjà quelques années
que l’amour
me tourne autour
sans jamais me toucher.
Mon premier chagrin d’amour
date de mes dix ans
j’ai pleuré
si profondément
que j’ai pensé ne jamais pouvoir m’en remettre.
J’ai pensé à lui
jour
et nuit.
J’ai cru mourir.
Pourtant, je ne lui avais jamais parlé.
L’été de mes onze ans.
Toute ma famille
me prenait
pour une petite fille.
Tous mes copains
me croyaient
plus âgée qu’en réalité.
Paradoxe.
J’étais en vacances loin de chez moi,
lui,
il avait mon âge
je rêvais de l’embrasser.
On venait de se smacker.
Mais je voulais plus.
Ses douces lèvres qui viendraient humidifier les miennes.
Un baiser langoureux
qui me retournerait le ventre.
J’en ai vraiment rêvé
une nuit.
Le matin
j’étais toute chamboulée.
Mais rien à faire
je n’ai pas osé
et suis repartie
bredouille.
L’année suivante
j’y suis revenue.
Cette fois, on y est parvenus !
On s’est roulé
une pelle
une vraie
chaude
humide
excitante.
Nos sexes se sont frôlés
tout juste.
C’était grisant.
Mais après qu’on s’est quittés
tout à coup
ça n’allait plus
je me suis lavé le visage
la bouche.
Douze ans, peut-être était-ce trop jeune ?
D’autres vacances
ailleurs
toujours en maillot.
J’avais treize ans.
Il y avait un garçon de mon âge
brun
bronzé
extrêmement beau
musclé (déjà !).
Tous les jours
je l’observais
sans oser lui parler.
J’étais parfois introvertie
(et parfois carrément pas).
Encore un paradoxe.
Je me suis inventé un film avec lui :
je serais allée le voir
j’aurais surmonté mon trac
on serait montés en haut de ce gros rocher
on se serait cachés en son sein
et on se serait embrassés
langoureusement.
Ses bras m’auraient serrée
ils auraient été rassurants…
(Pourquoi avais-je
besoin
d’être rassurée ?)
Je m’y serais sentie bien
on se serait aimés pour toujours
et aussi on aurait fait l’amour
(fantasme que j’étais incapable de réaliser).
En allant vers l’eau ou en en revenant
il nous arrivait
de nous croiser.
Échange furtif de regards.
Je baissais les yeux
tout de suite.
Étais-je belle ?
Je me trouvais
non étincelante
banale.
Toutes ces filles autour,
elles, étaient belles.
Et puis elles étaient à l’aise
avec les garçons.
Elles avaient seize ans
mais nos corps avaient la même maturité.
J’étais en avance.
Un jour
lors d’un chassé-croisé
il m’a lâché
un peu dans sa barbe (qu’il n’avait pas)
« Tu me fais bander comme un taureau ».
C’était dégueulasse
à entendre
comme si je n’étais
qu’un pauvre objet sexuel.
Et pourtant
quelque part au fond de moi
ça m’a flattée…

Mes parents sont divorcés
depuis longtemps.
Ils se sont séparés
quelques années après ma naissance.
Je ne sais pas si c’est
à cause de moi
mais ça a dû commencer
à propos de moi.
Post-partum,
manque d’accord sur l’éducation.
Bébé, souvent, je pleurais.
J’étais dans ses bras
à lui.
J’avais ma tétine dans la bouche.
Maman avait sa technique pour m’apaiser
elle balançait doucement les bras
je me balançais avec elle
et j’arrêtais de pleurer.
Mon père en avait une autre.
Il saisissait la tétine entre les doigts
et me l’enlevait
un peu seulement.
Elle glissait sur mes lèvres.
Puis il la remettait.
Elle entrait dans ma bouche.
Et ainsi de suite
il faisait ça plusieurs fois.
Jusqu’à ce que je ne pleure plus.
Dans son regard,
quelque chose brûlait.
J’étais petite
mais ça ne m’empêchait pas
de voir
de sentir.
Ma mère entendait mes pleurs
mais elle arrivait souvent
trop tard.
Elle s’approchait alors de nous,
les deux amours de sa vie.
Elle m’embrassait sur la joue.
Un baiser douillet.
Elle l’embrassait, lui, sur la bouche.
Un baiser mouillé.
Et moi, je la giflais
de ma petite main
si petite qu’elle ne blessait pas.
Elle s’offusquait
s’indignait
s’apprêtait à me parler.
Mais lui riait.
« C’est normal.
Une petite fille est toujours amoureuse de son père. »
Et il se délectait de cet amour
lui qui par ailleurs
n’était plus tant aimé.

J’ai toujours
adoré mon père.
Quand j’étais toute petite
il me faisait
courir sur la pelouse
sauter dans les airs.
Mon cœur accélérait.
Le soir, quand il me couchait
il riait
et moi aussi.
Dans la journée,
souvent
il rit encore.
Quand un malheur lui arrive
il ne rit pas
mais presque.
Il est rusé
et contourne
l’obstacle.
Mon père, on dirait que
pour lui
rien n’est impossible.
Même :
avec lui, tout semble possible.
Alors moi,
j’y crois aussi !

Dans mes écouteurs
dans ma chambre
chez ma mère
ce n’est plus le blabla des ados
mais Françoise Hardy.
Et les yeux dans les yeux
et la main dans la main
ils s’en vont amoureux
sans peur du lendemain. »

Extrait
« Ensemble, ces mots et ces notes,
et la voix de la chanteuse qui s’étire
comme une plainte
me scotchent à mon siège.
Une angoisse me prend à la gorge,
des larmes me viennent.
Elles coulent
ne s’arrêtent pas.
Lui me regarde.
Mon visage est blême.
Il ne comprend pas,
me prend la main.
Je la serre
je m’y accroche
elle est Comme mon dernier espoir
Ma seule chance de Survivre à cette douleur qui me traverse.
J’ai rien dit mais à leur regard
J’ai compris qu’il était trop tard
Pourtant j’étais au rendez-vous. » p. 116

À propos de l’autrice
DELAHAYE_aurelieAurélie Delahaye © Photo DR
Aurélie Delahaye est l’autrice des romans Embrasser l’inconnu (Éditions Anne Carrière, 2019) et Donne-moi la main Menino (Éditions Anne Carrière, 2020). Elle écrit également pour la jeunesse, ses premiers textes sont à paraître aux Éditions Gallimard Jeunesse en 2026. Elle a été lauréate du concours Émergences de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse en 2022. (Source : Éditions Le soir venu) 

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