Panorama - Lilia Hassaine (entre **** et *****)

Il y a des livres qui se suffisent à eux-mêmes (pas besoin de connaître leur genèse pour les comprendre ou pour repérer le travail fantastique de leur auteur/autrice), il y a des livres qui nous apprennent et nous font grandir, nous sortent de notre bulle (parfois de confort, souvent de quotidien) pour le fameux pas de côté aussi vivifiant que des vacances reposantes, pour nous aider à reconsidérer notre monde, à le projeter. Panorama fait partie de ces romans d'anticipation qui éclairent notre monde (celui de maintenant et celui très tentant de demain pour certain.e.s manipulateur.rice.s) et nous éclairent aussi (tant qu'à faire !). 

Panorama Lilia Hassaine (entre **** *****)

En 2049, certaines zones françaises vivent sous l'ère de la Transparence : les maisons sont des cubes vitrés dans lesquels l'intimité se résume à quelques bandelettes noircies placées à certaine hauteur, les lits sont des sarcophages, les tribunaux sont soumis à la vindicte populaire, les agents de police sont des gardiens de protection. Ce qui paraît progrès montre une forme de régression de l'honnêteté, seul le paraître prend toute la place. D'autres secteurs ont refusé cette soumission au voyeurisme mais, en échange d'une liberté d'expression et d'une vraie intimité, abandonnent le droit à une présence policière. En 2049, la disparition d'une famille ébranle quelques peu certaines certitudes.

Dans la dystopie, Lilia Hassaine dresse des héros en questionnement de ce nouveau monde épuré, d'autres convaincus d'une sécurisation à outrance qui finalement s'avère de pacotille. Dans ce monde où tout est dévoilé, restent les faux-semblants, les paillettes et les mirages : tout est scénarisé, tout se joue sur des apparences, la violence s'exprime par les mots ou des actes qui ne sont jamais liés au hasard. Dans ce monde de Barbie et Ken, on a une Hélène qui cherche la vérité, un Nico qui l'accompagne, un David qui fuit, un trio Rose-Miguel-Milo introuvable, une Olga mystérieuse, un Viktor maître du monde, des ados Tessa et Katie en recherche, un Pablo qui croit encore en l'ancien monde, une Philomène dont la vie est une vente perpétuelle... 

J'ai aimé cette histoire pour le questionnement  qu'elle apporte, pour l'intrigue fournie et précise, pour l'incarnation de ses personnages dont certains présentent une chaleur humaine, l'enquête est solide même si certaines vérités se devinent sans surprise. J'ai aimé Panorama pour la qualité de son scénario (à quand le film ou la série ?), pour la plume de son autrice (efficace, directe, propre), pour son propos et sa recherche (celle de construire sérieusement un monde imaginaire et de s'y tenir). Ce n'est jamais simple de s'attacher à des personnages dans une dystopie, souvent je trouve qu'il y a une forme de froideur humaine dans un tel univers. Mais là, il n'en est rien. J'ai apprécié de lire l'itinéraire de vie de Hélène. On est juste effrayé de découvrir que la transparence n'empêche pas la cruauté, ni l'inéquité. 

J'ai passé un bon moment avec cette histoire riche de ses registres (enquête, dystopie, roman) que je n'ai pas lâchée et que je recommande chaudement. Il y a juste une phrase que je regrette : la dernière qui enfonce une porte ouverte inutilement.

page 155 : Se laisser influencer par ses propres idées. L'algorithme nous approuve, entretient nos croyances, nous conforte dans nos choix. Je partage des articles, des posts, pour évangéliser mes amis, ma famille. Je partage, sans débattre. Ne pas communiquer, pour ne pas évoluer. Échanger, pour ne surtout pas changer.

Éditions Folio 

 

Autrzs avis : Kathel, Athalie, Ingannmic, KeishaJe lis je blogue,

et un de plus pour le challenge SF de Sandrine


wallpaper-1019588
Vita de Julia Brandon : L’Art de la Rédemption à Travers la Souffrance