Dans le café de la jeunesse perdue

Par Sebulon

Dans le café de la jeunesse perdue - Patrick Modiano
Éditions Gallimard - 2007
Le café de la jeunesse perdue, c'est le Condé, à l'Odéon. C'est un jeune étudiant à l'école des Mines qui nous le fait découvrir, avec ses habitués, Tarzan, Jean-Michel, Fred et la Houpa, et bien d'autres. Et puis, Louki, une jeune fille dont l'étudiant sait peu de choses. Elle apparaît pourtant sur les clichés qu'un photographe a rassemblé dans un album, consacré à Paris. Et puis, sa présence au Condé figure également dans le carnet de Bowing, preuve qu'elle a bien fréquenté le café à cette époque.
L'un des membres du groupe, Bowing, celui que nous appelions "le Capitaine", s'était lancé dans une entreprise que les autres avaient approuvée. Il notait depuis bientôt trois ans les noms des clients du Condé, au fur et à mesure de leur arrivée, avec, chaque fois, la date et l'heure exacte. Il avait chargé deux de ses amis de la même tâche au Bouquet et à la Pergola, qui restaient ouverts toute la nuit. Malheureusement, dans ces deux cafés, les clients ne voulaient pas toujours dire leur nom. (Page 18)
L'étudiant a beau avoir rencontré Louki par hasard avenue de la Grande Armée et l'avoir accompagnée jusqu'à la Porte Maillot, il n'en a pas appris davantage sur elle. Pour lui, elle a conservé tout son mystère. Nous en apprenons davantage grâce à Caisley, un ancien policier devenu détective privé. Jean-Pierre Choureau l'a chargé de retrouver sa femme, Jacqueline, née Delanque, qui a disparu du domicile conjugal. Son enquête minutieuse va nous éclairer un peu sur la trajectoire de la jeune femme, de l'avenue Rachel, dans le 18ème arrondissement, où elle vivait avec sa mère, jusqu'au Condé, où elle est devenue Louki.
Puis c'est Jacqueline elle-même qui revient sur son enfance près du Moulin-Rouge, où sa mère travaillait le soir. Profitant de son absence, elle sortait dans le quartier et même plus loin, ce qui lui avait valu d'être emmenée une ou deux fois au commissariat, où sa fugue avait été notée dans la main courante. C'est ainsi que des années plus tard, Caisley remontera la piste fragile de Jacqueline à Louki.
Finalement c'est Roland, le "brun à la veste de daim" du carnet de Bowing qui va nous permettre de relier tous ces fragments de la vie de Jacqueline, lui qui a partagé un moment de sa vie mais qui n'en savait pas assez pour la protéger jusqu'au bout.
Je ne me lasse jamais de ces romans de Patrick Modiano, situés dans un Paris d'une autre époque. A la suite de ses personnages, ombres fugaces décrites en quelques phrases ou bien figures majeures du roman, nous parcourons les différents quartiers de la capitale, bien loin de la réalité grouillante et saturée qu'elle est devenue.
Ces histoires, toujours identiques et en même temps si différentes, font surgir un autre temps, comme le ferait un film en noir et blanc et nous donnent à partager quelques instants de la vie de ces héros et héroïnes bien attachants, même s'ils disparaissent de nos mémoires, dès le livre refermé... Qu'importe, le plaisir de lecture est toujours là.
Les avis de Kate, Stéphanie qui propose une mini-interview de l'auteur, Bernard qui a été déçu, Leiloona, Mag, Bookomaton.
Sur le site des éditions Gallimard, une vidéo de Patrick Modiano.
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