ni fleurs ni couronnes

ni fleurs ni couronnesni fleurs ni couronnes - Maylis de Kerangal
suivi de Sous la cendre
Éditions Verticales (2006)
Finnbar Peary naît en 1899, dans le hameau misérable de Sugàan,entre Cork et Kinsale. Avant lui sont nés neuf enfants, dont sept sont morts et enterrés. Ses deux ainés quittent le village lorsqu'il a dix ans, pour s'embarquer vers l'Amérique. Il ne donneront jamais de leurs nouvelles.
Lorsque Finbarr a seize ans, à son tour il quitte Sugàan et gagne le port de Queenstown, curieux d'ailleurs et d'inconnu. Lorsqu'il arrive sur la côte, le paquebot Lusitania vient d'être torpillé au large de Kinsale par la marine allemande.
Finbarr se retrouve associée à une jeune femme inconnue dans la recherche en mer des cadavres des noyés de la tragédie, avec pour récompense une livre à se partager par corps repêché. Et puis, une prime de mille livres est promise à ceux qui ramèneront le corps de l'héritier Vanderbilt, qui n'a pas encore été retrouvé. Finbarr et l'inconnue embarquent de nouveau pour une quête morbide.
Bien que très court, une soixantaine de pages, ce texte a une force incroyable, autant pour évoquer l'enfance de Finbarr, solitaire et misérable, que pour raconter cette aventure à laquelle il se trouve mêlé sur les quais de Queenstone. On sait peu de choses de lui, et encore moins de cette jeune femme rencontrée par hasard dans un bar du port. Ensemble, ils vont peiner pendant quelques jours pour ramener les noyés, ne ménageant pas leurs efforts, dans des conditions épouvantables, sans qu'on comprenne réellement la motivation de la jeune femme. Maylis de Kerangal ne cherche pas à rendre ses personnages sympathiques, ils ne suscitent aucune empathie chez le lecteur. Ils ont seulement la rage au ventre et la force de se battre.
Dans la deuxième nouvelle qui compose ce livre, "Sous la cendre", le cadre paraît plus idyllique au premier abord. C'est l'été, deux jeunes gens, Pierre et Clovis, qui effectuent une enquête à Naples, ont décidé de profiter du week-end pour visiter les îles Éoliennes et escalader de nuit le Stromboli. Sur le bateau, ils repèrent une jeune fille, Antonia, qui joue de son pouvoir de séduction. Après l'avoir suivie sur les chemins de l'île, ils finissent par lier connaissance et passent un moment à la plage. Puis, ils se joignent à un groupe et l'ascension du volcan commence dans la soirée, avec cinq heures de montée suivies de trois heures de descente. Cette randonnée va bouleverser les rôles et provoquer une remise en question chez les trois jeunes gens.
Le style est différent de la première nouvelle : les phrases sont très longues, constituées d'une accumulation de mots, ce qui impose un rythme rapide et irrite un peu au début de la lecture. Puis, on s'y fait, on a l'impression d'être dans le récit, en particulier lors de l'ascension du volcan dans la nuit. Ici aussi, il y a beaucoup de force.
C'est cette impression qui me reste à l'issue de la lecture de ce court livre, cent trente-cinq pages en tout, qui ont suffit à l'auteur pour installer deux histoires, décrire des ambiances, établir des relations éphémères entre des personnages et surprendre son lecteur. En effet, dans les deux nouvelles, Maylis de Kerangal nous emmène dans une direction qui semble évidente et puis, tout à coup, les certitudes sont mises à mal, l'histoire prend un autre chemin, inattendu, vers une issue ouverte à l'imagination.
Après "Dans les rapides" lu récemment, je poursuis ma découverte de Maylis de Kerangal et j'ai l'intention de continuer, puisque je viens de recevoir en cadeau son dernier livre, "Naissance d'un pont", pour lequel elle a obtenu le Prix Médicis.
L'avis de Tatiana.