Quel étonnant roman, à la fois captivant et dérangeant ! Je ne suis pas sûre d'avoir aimé à la folie, mais je ne peux pas affirmer que j'ai détesté non plus. Il y a un vrai pouvoir d'attraction au-delà des lignes, à travers l'histoire du jeune garçon de seize ans et son parcours où le grotesque rencontre le sordide puis la sorcellerie. Le père du narrateur s'est remarié avec une femme tyrannique, qui l'accuse un jour d'avoir touché sa fille de huit ans. Le garçon ne cherche pas à se défendre et prend la fuite. Il trouve refuge chez le boulanger à deux pas de la maison, et contre toute attente, cet homme le cache dans son fournil et accepte de l'héberger sans aucune explication.
La vie à la boulangerie est étonnante, parfumée, sucrée, onctueuse. Les pâtisseries ravissent les palais des connaisseurs, servies par la charmante vendeuse répondant au doux nom d'Oiseau-Bleu. C'est un autre monde qui s'ouvre au garçon derrière les vitrines, un univers de sorcellerie où l'on commande par internet des gâteaux qui peuvent accomplir vos désirs, vos rêves, vos soifs de vengeance... Le boulanger n'est pas regardant, même s'il a quelques principes et n'hésite pas à hausser le ton lorsque des clientes sont prises de remords.
C'est une bulle dans une vie triste et solitaire, une existence marquée par le suicide de sa mère. Depuis, le garçon s'est renfermé, il souffre de bégaiement et s'est isolé derrière une façade d'indifférence que sa belle-mère cherche à fracasser à force d'autorité oppressive. Et cette affaire d'attouchements sexuels jette un froid, surtout lorsqu'on s'imaginait une histoire aussi veloutée que les préparations du boulanger. A force je ne savais plus sur quel pied danser - d'une part, j'étais enchantée et totalement séduite par le réalisme merveilleux, mais d'autre part j'étais mal à l'aise. Le fond est triste, accablant. L'histoire n'est nullement sucrée, mais amère en bouche. Et pourtant on y croque sans cesse un bout sans grimacer. Autant dire que c'est un roman troublant, mais obsédant.
Les petits pains de la pleine lune - Gu Byeong-mo
Picquier jeunesse (2011) - 194 pages - 17€
traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel
Pour les âmes sensibles, je recommande La boulangerie de la rue des dimanches d'Alexis Galmot.
Avec un petit charme rétro qui n'est pas pour me déplaire. Vous raffolez de baguette pas trop cuite et de religieuse au chocolat ? Ce livre est pour vous ! On y trouve aussi une fée bleue, une horloge capricieuse, Les Quatre Saisons de Vivaldi et un garçon benêt mais sympathique.
Grasset-jeunesse (2011) par Alexis Galmot & illustrations de Till Charlier