Le Protectorat de l'Ombrelle,
Tome 1 : Sans âme de Gail CARRIGER
(Baby Bit-Lit - 7/20)
Orbit,
2011, p. 313
Première Publication : 2009
Pour l'acheter : Sans âme
Gail Carriger, de son vrai nom Tofa Borregaard,
est née à Bolinas, en Californie. Diplômée de
l’université de Nottingham en archéologie en 2000
et de celle de Santa-Cruz en anthropologie en 2008,
elle publie son premier roman, Sans âme, en 2009.
Orbit
J’ai eu un peu de mal à entrer vraiment dans l’histoire dans le premier tiers du texte (mais il faut dire aussi que j’avais un emploi du temps assez chargé qui ne me permettait pas de lire sur de longues plages horaires…) mais une fois l’action bien mise en place, difficile de lâcher le livre avant d’avoir le fin mot de l’histoire ! Ce n’est pas forcément l’intrigue que l’on retient de cette lecture - bien qu’elle soit tout à fait correcte et intéressante à mon goût - mais surtout les personnages et l’univers qui restent dans nos esprits et valent le détour !
Tout part d’une agression dans une bibliothèque lors d’une soirée dans la bonne société londonienne. Alexia qui mourait de faim se réfugie au milieu des livres pour commander un petit thé… et se retrouve avec un vampire mort sur les bras ! Celui-ci aurait dû savoir qu’il ne servait à rien de l’attaquer mais il paraissait complètement désorienté et ne savait plus où il habitait… Après expertise et interrogatoire, il semble même que ce vampire n’ait pas de créateur et de nid… mais d’où vient-il ? Qui l’a changé ? Et voilà qu’en plus, les héros découvrent que des loups-garous solitaires ont disparu de la circulation sans laisser de trace… quelque chose se manigance à Londres, mais quoi ?
L’intrigue met un petit moment à se mettre à décoller. Au début, j’ai eu vraiment du mal à comprendre où l’auteure voulait en venir et j’ai dû attendre une bonne centaine de pages pour voir un début d’explications… cette installation peut freiner quelques lecteurs mais, pour ceux qui pourraient douter, n’hésitez plus, la suite est bien rythmée, la dernière partie bouge beaucoup et la résolution de « l’enquête » est assez originale, m’a parue sympa et bien ancrée dans l’univers steampunk adopté par Gail Carriger. Aucun doute, ça valait le coup d’aller jusqu’au bout !
Si le rythme connaît donc des débuts un peu lents et chaotiques, l’univers et les personnages sont là pour harponner l’attention du lecteur et je peux témoigner, ça fonctionne du tonnerre !
Les adjectifs « bit-lit » et « steampunk » liés à cette saga me faisaient peur. Enfin l’association des deux, surtout. Mais finalement, j’ai été surprise de trouver un univers cohérent et bien pensé. Tout roule !
Alors pourquoi le qualificatif « bit-lit » ? Et bien parce que le lecteur est en présence d’une héroïne forte - et surnaturelle accessoirement - elle-même entourée de toutes sortes de créatures surnaturelles (loups-garous, vampires, fantômes…). Ajoutez à ce la une romance et une « enquête » dans un milieu « urbain » et vous avez votre définition. Ou presque. Pour le terme « steampunk », il suffit de jeter un œil sur la société dans laquelle évoluent l’héroïne et son entourage : c’est le Londres de la fin du XIXe siècle, corsets et ombrelles sont donc au rendez-vous… mais n’oubliez pas les dirigeables, les machines à vapeur, les petites inventions présentes dans les maisons et ajoutez quelques balles en argent dans le manche de la fameuse ombrelle de l’héroïne…
Les créatures surnaturelles sont connues (pour les principales) et intégrées dans la société victorienne londonienne et l’humain lambda a appris à vivre tant bien que mal en leur compagnie. La Reine elle-même possède des conseillers de chaque race, pour optimiser le gouvernement ! Et c’est là qu’on voit le talent de Gail Carriger… parce que la jeune femme parvient à installer des créatures sorties de l’imaginaire collectif dans une société historiquement réelle… et le résultat est vraisemblable, presque naturel !
A commencer par l’héroïne, Alexia Tarabotti. La demoiselle vit avec sa mère, son beau-père et ses deux demi-sœurs dans une demeure modeste mais pas dénuée de commodités. Elle tente de suivre la mode malgré son apparence bien loin des canons de beauté de l’époque. Alexia a hérité des gênes italiens de son père… adieu donc les boucles blondes et les yeux bleus et bonjour le teint mat, les yeux sombres, une morphologie voluptueuse et un nez proéminent. A 26 ans, la demoiselle est donc toujours célibataire et à la charge de sa famille… son goût pour les lectures scientifiques, sa répartie cinglante et son absence d’âme n’aident pas à lui trouver un époux convenable, au grand damne de sa chère Mama.
Cette héroïne forte, têtue et indépendante doit en plus composer avec Lord Maccon, l’alpha des loups-garous de Londres qui ne rate jamais une occasion de la mettre en rogne. Débraillé, bordélique et brusque, le Comte se révèle également protecteur et même attentionné (si si !)… Deux tempéraments explosifs qu’il ne vaut mieux pas laisser dans la même pièce… échanges cinglants et mobilier endommagé vous récolterez !
A mon goût, un troisième personnage sort du lot. J’ai nommé : Lord Akeldama, le vampire… à froufrous et dentelles ! Si vous entendez des « ma Colombe », si vous voyez des rubans et apercevez un veston rose, ne cherchez plus, vous êtes en compagnie de ce vampire très puissant… mais pas comme les autres ! (C’est l’ancêtre du glam rock !)
Sans âme abrite de nombreux autres personnages secondaires qui possèdent tous une personnalité sous-jacente que l’on devine complexe et travaillée. Citons par exemple la mère et les deux demi-sœurs d’Alexia qu’on croirait tout droit sorties de Cendrillon ou d’Orgueil et Préjugés de Jane Austen, le domestique silencieux mais efficace, la meilleure amie un peu naïve mais bienvenue pour les confidences, le second de Lord Maccon gentil mais inquiétant… et beaucoup d’autres du côté des vampires mais également des humains.
Tous ces personnages évoluant dans le Londres victorien forment un univers riche qu’il me tarde d’explorer à nouveau grâce aux tomes suivants !
La présentation de l’auteure en quatrième de couverture annonce un mélange de Jane Austen et de Charlaine Harris… et c’est le cas ! Avec une qualité « littéraire » plus proche d’un roman de Jane Austen que de la créatrice de Sookie Stackhouse, tout de même !
De l’humour, de l’ironie dans cette société londonienne où les bonnes manières et la bienséance sont souvent détournées… Ajoutez à cela les créatures surnaturelles qui ne sont pas forcément toutes distinguées et bien élevées (à commencer par les loups-garous) et vous assistez à des scènes cocasses.
Alexia l’héroïne, loin d’être cruche et étant particulièrement curieuse des choses de la vie… amène d’autres situations très amusantes et totalement déplacées de la part d’une jeune fille de bonne famille !
C’est vraiment très frais, amusant, bien pensé… voilà un très bon moment de lecture et un titre qui sort des sentiers battus ! A découvrir, pour sûr… et à poursuivre !
"Madame Loontwill fit ce que toute mère bien préparée aurait fait en trouvant sa fille célibataire dans les bras d'un gentleman loup-garou : elle fit une crise très décorative, et très bruyante, d'hystérie.
Conséquence de ce vacarme considérable, tous les membres de la maison Loontwill se ruèrent hors des chambres qu'ils occupaient et se précipitèrent dans le grand salon. Naturellement, ils avaient cru que quelqu'un était mort ou que mademoiselle Hisselpenny était arrivée avec un chapeau d'une laideur sans pareille. Au lieu de quoi, ils trouvèrent quelque chose de bien moins vraisemblable : Alexia et le comte de Woolsey romantiquement imbriqués." (p. 185)