Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Par Chatquilouche @chatquilouche

« Once I used to join in
every boy and girl was my friend.
Now there’s revolution, but they don’t know
what they’re fighting.
Let us close our eyes;
outside their lives go on much faster.
Oh, we won’t give in,
we’ll keep living in the past. »

- Jethro Tull

L’automne dernier, je me suis questionné à propos des gens qui affirment régulièrement : « Dans mon temps, c’était tellement mieux ».

Mon texte, que vous trouverez en cliquant ici, posait un peu naïvement les questions suivantes : C’est quoi, « mon temps » ?  À quel moment de notre vie associe-t-on ces mots ?  Qu’est-ce qui justifie qu’une période de notre vie soit « notre temps » plutôt qu’une autre ?

Pourquoi le présent ne serait-il pas « notre temps » ?

Pic de réminiscence

Un article récent sur le site Slate apporte certaines réponses à ces questions.

L’article pose la question suivante : pourquoi la vingtaine semble-t-elle si merveilleuse ?  Qu’y a-t-il à propos de cette période de la vie qui fait en sorte qu’on la garde si vivement en mémoire ?

Des chercheurs se sont longuement penchés sur la question et ont observé la manière dont le cerveau structure ses souvenirs.  Ils ont découvert qu’en gros, nous nous rappelons davantage la période de la fin de l’adolescence et du début de la vie d’adulte plus que toute autre période de notre vie.  C’est ce qu’ils appellent le pic de réminiscence.

Le moment où les souvenirs sont les plus vifs, les plus ancrés en nous, se situe entre l’âge de 10 et 30 ans.  Il s’agit d’un pic dans la courbe de l’oubli qui est commun à tous les êtres humains.

Pourquoi ?

Certains chercheurs ont conclu que le cerveau enregistre plus facilement les expériences nouvelles que les événements banals.  Et le début de la vingtaine fourmille d’événements nouveaux : premier baiser, premier amour, premier emploi, premier voyage, etc.  L’exemple que l’auteur de l’article donne est le suivant : vous vous souviendrez plus de votre voyage au Pérou que de l’année entière, passée au bureau à faire le même travail répétitif depuis cinq ans.

Définition du « moi »

Le plus intéressant que nous apprend l’article de Slate est tiré d’une étude de 2010 auprès de jeunes âgés de 10 à 14 ans, à qui on a demandé d’imaginer l’histoire de leur vie entière.  Les chercheurs ont observé que la majorité des événements décrits par les jeunes s’aggloméraient autour de leurs années de jeune adulte.  Donc, cette période a non seulement une importance significative dans nos souvenirs, mais également dans la manière que les adolescents ou jeunes adultes perçoivent leur avenir.

Ceci nous amène à la théorie de la perspective narrative.  Selon cette théorie, nous choisissons les événements dont nous nous souvenons dans la mesure où ils nous aident à comprendre qui nous sommes.

En gros, nous favorisons les souvenirs qui nous définissent.  Les moments charnières qui ont forgé notre personnalité.  Ces moments où nous avons décidé que nous étions ceci ou cela.  Des chercheurs ont prouvé que nos souvenirs associés à une prise de conscience datent sensiblement de la même période où un développement significatif a eu lieu par rapport à cette prise de conscience de soi.  Par exemple, le moment où vous vous êtes dit « je suis une mère » est probablement survenu dans la même période où vous êtes devenue mère.  Ce souvenir s’est donc ancré profondément en vous.

Et il est apparu clair au fil des recherches que plus un événement était en lien étroit avec le développement personnel – le développement du « moi » – plus le souvenir était fort et précis.  Et quel est l’âge moyen où la plupart des traits de personnalité déterminants apparaissent ?  À l’âge de 22, 9 années.

De plus, nous favoriserions les souvenirs positifs.  Certains avancent que, collectivement, nous préférons ne pas trop penser au fait que notre vie contiendra son lot de souffrances, alors nos souvenirs les plus vifs sont généralement heureux – naissances, mariage, etc.

Nostalgie et remakes

L’article mentionne également que les adaptations cinématographiques et les remakes surviennent généralement vingt ans après les originaux.  Apparemment, ce qui touche les jeunes en plein développement au début de la vingtaine revient les hanter alors qu’ils sont eux-mêmes créateurs de la culture – vers la quarantaine.  L’auteur de l’article lance d’ailleurs l’avertissement suivant : « Ne vous surprenez pas si on refait bientôt un film des Teenage Mutant Ninja Turtles. »

Ce que l’auteur semble ignorer, c’est qu’un tel remake est déjà en cours de préparation par Michael Bay.  Alors la théorie semble prouvée…

Il y a beaucoup plus de détails dans l’article de Slate, et plusieurs liens à explorer sur le sujet.  Je vous conseille de vous y plonger, si cela vous intéresse.

La nostalgie est omniprésente aujourd’hui, dans toutes les sphères de notre société.  Qu’il s’agisse de chaînes câblées spécialisées en nostalgie – Prise 2, Rewind, Teletoon Retro –, ou de tournées de vieux artistes, on fait vibrer la fibre nostalgique des gens à tout moment, la plupart du temps pour des raisons mercantiles.

Mais je vous pose la question : votre passé était-il si meilleur que ne l’est votre présent ?  Réfléchissez-y bien…

Personnellement, malgré de bons souvenirs, je ne retournerais pas dans la vingtaine.  J’y ai connu mon lot de malheurs et d’insécurités.  J’aime davantage l’instant présent.

Pour accéder à l’article qui a inspiré ce texte, cliquez ici.

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma.  Il a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


 [a1]C’est correct ?

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