Merlin, Tome 1 :
Les Années oubliées
de T. A. BARRON
Nathan,
2013, p. 360
Première Publication : 1996
Pour l'acheter : Merlin, Tome 1Thomas Archibald (T. A.) Barron, né en 1952,
est un auteur de romans de fantasy pour enfants
et jeunes adultes et de livres sur la nature. Il a étudié
l'histoire à l'Université de Princeton, où il siège
actuellement au conseil d'administration. Il est diplômé
en droit des affaires à l'Université de Harvard.
T.A.Barron vit dans le Colorado. Merci à Lire en Live pour cette découverte...
Une femme guérisseuse, Branwen, prétend être sa mère. Mais il refuse de la croire.
Aujourd'hui adolescent, Emrys est déterminé à découvrir qui il est. D'autant qu'il s'est mis à développer des pouvoirs hors du commun, qu'il ne parvient pas à contrôler.
Sa quête le mène sur la mystérieuse île de Fyncaria, peuplée de créatures aussi merveilleuses qu'inquiétantes.
T. A. Barron choisit ici, de nous conter les aventures du célèbre Merlin lorsqu’il n’était encore un enfant et n’avait aucune idée de son potentiel. Le pari est risqué puisque c’est une période de la vie de l’enchanteur qui est très peu connue et très peu mise en avant dans les autres œuvres… mais je trouve que l’auteur s’en est très bien sorti et nous offre une version qui s’insère bien dans la matière arthurienne. Je lirai la suite, c’est évident !
Lorsqu’on ouvre ce premier tome, on découvre un jeune garçon d’environ 7 ans, rejeté sur une plage, seul et amnésique. Il aperçoit une femme évanouie près de lui et la sauve - avec l’aide d’un cerf - de l’attaque d’un sanglier, espérant qu’il s’agit de sa mère. Voilà le prologue des Années oubliées. Le premier chapitre prend place cinq ans plus tard. Le jeune garçon - baptisé Emrys - est toujours en quête de son identité car ne parvient pas à croire ce que lui raconte Branwen, la femme qu’il a sauvée et qui dit être sa mère. Tous deux rejetés du village où ils survivent tant bien que mal grâce aux dons de guérisseuse de la jeune femme, Emrys découvre qu’il possède des pouvoirs surprenants… et dangereux. Après un incident terrible qui le prive de la vue, le jeune garçon quitte sa mère et part en quête de son passé, obsédé par son identité. Un radeau de fortune va le conduire dans un lieu inattendu où il rencontra de nouveaux protagonistes : alliés ou ennemis, telle est la question… et quand un de ses compagnons de voyage se fera enlever à cause de lui, il bravera tous les dangers pour le secourir.
Si la première partie du récit est assez centrée sur la vie d’Emrys, la découverte de ses pouvoirs et donc, par extension, liée au mythe de Merlin ; la deuxième s’éloigne un peu de celui-ci pour nous offrir une aventure qui pourrait s’inscrire dans n’importe quel titre de fantasy. J’ai cru voir que certains lecteurs ont été un petit peu déçus que l’auteur s’éloigne autant du mythe arthurien, allant même jusqu’à dire que le héros aurait pu être n’importe qui d’autre. Je comprends et suis plutôt d’accord même si je n’ai pas été gênée. Le personnage de Merlin, avant d’être lié à la Table Ronde et au roi Arthur, est avant tout un enchanteur. Il est donc normal que, dans ses jeunes années, il ait vécu des aventures proches de ce que peut vivre n’importe quel héros de fantasy.
J’ai également cru voir que certains avaient été surpris de rencontrer des créatures « magiques » sur la route du jeune garçon. Il ne faut pas oublier que, à l’origine, Merlin et la matière arthurienne apparaissent dans ce qu’on appelle « le merveilleux », il n’est donc absolument pas étonnant que le héros trouve des fées et d’autres créatures merveilleuses sur son chemin. La légende ayant grandi du côté de la Bretagne (dans le sens premier : c’est-à-dire ce cercle qui englobe l’Irlande, le Royaume-Uni actuel et notre Bretagne française) et donc dans un esprit très « celte » ; il n’est pas non plus étonnant que les questions de passages d’un monde à l’autre apparaissent, pas plus qu’on trouve des références aux anciennes traditions païennes, en opposition à la nouvelle religion émergente (le christianisme). Je trouve que T. A. Barron a, au contraire, parfaitement encré son histoire dans ce qui doit être, à mon sens, le contexte arthurien.
Le jeune Merlin, encore baptisé Emrys ici, est un personnage torturé dès son plus jeune âge. Un personnage passionnant, à mon goût. Doutant de ses choix, de ce qu’il est… il apprend au fil des pages et des aventures. Il subit de nombreuses épreuves alors qu’il n’a pas encore atteint l’âge d’homme et j’imagine que l’auteur lui réserve encore bien des souffrances et des questionnements. Merlin a toujours été une figure qui m’a fascinée et les aventures offertes par T. A. Barron dans ce premier tome apportent quelques éléments « plausibles » à sa biographie. Je trouve qu’il a assez bien cerné le personnage et nous propose une version de sa jeunesse en accord avec ce qu’on connaît des aventures de Merlin à l’âge adulte.
Le héros croise beaucoup de créatures et personnages intéressants et qui participent à la construction de l’enchanteur. De la mère hypothétique à l’oiseau protecteur en passant par l’araignée et le géant au grand cœur, le lecteur sera aussi étonné que le jeune Emrys par ces nombreuses rencontres. Encore une fois, à mon goût, l’auteur a bien joué ses cartes et j’ai très hâte de découvrir ce qu’il a inventé dans les tomes suivants.
L’action est plus présente dans la seconde partie. De ce fait, certains pourront trouver la première trop « contemplative ». Les nombreuses descriptions sont, pour ma part, ce que j’ai préféré. Dans ce premier tome, on retrouve assez bien l’atmosphère propre à ce haut Moyen Age trop méconnu, à ces anciennes traditions païennes encore bien présentes malgré l’arrivée parfois un peu agressive du nouveau dieu unique… La nature et ses bienfaits étaient encore au centre de tout, le voile entre les deux mondes était encore mince. C’est une ambiance particulière que j’apprécie particulièrement et que j’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver dans ce premier tome. C’est léger mais quand même palpable.
T. A. Barron a choisi d’utiliser le point de vue interne pour conter l’histoire de son héros. Le lecteur suit donc les aventures du jeune Emrys à travers ses yeux et aborde donc directement ses doutes et questionnements. On pourrait croire que l’utilisation du « je » permet une plus grande empathie envers le jeune garçon, mais en fait non. J’ai beaucoup de tendresse pour le personnage mais je trouve qu’il est difficile de s’attacher complètement à lui parce que Merlin, aussi jeune soit-il, reste un être extraordinaire qui n’est pas vraiment humain… Une petite barrière persiste donc entre lui et moi… mais peut-être que d’autres lecteurs ne perçoivent pas les choses de la même façon. Malgré tout, j’ai vraiment beaucoup aimé suivre son parcours dans ce premier tome et attends la suite de pied ferme !
Un premier tome que je « redoutais » un peu et qui finalement, malgré son côté jeunesse, m’a beaucoup plu et a convaincu la lectrice amatrice de légende arthurienne exigeante que je suis. Vivement la suite !
"Branwen elle-même se montrait indifférente à ces murmures. Tant que ses patients payaient ses services et nous permettaient de subsister, elle n'attachait pas d'importance à ce qu'ils pouvaient dire ou penser. Récemment, elle s'était occupée d'un moine âgé qui avait glissé sur les pierres mouillées du pont et s'était entaillé le bras. En bandant sa blessure, elle avait prononcé une prière chrétienne, ce qui avait semblé lui plaire. Mais lorsqu'elle y avait ajouté un chant druidique, il l'avait réprimandée et mise en garde contre le blasphème. [...] le moine en colère avait arraché son pansement et s'était sauvé, non sans avoir prévenu tout le village qu'elle faisait le travail des démons."
"Merlin.
J'aimais bien ce nom. Pas assez pour le garder, bien sûr, même si je savais que les noms avaient parfois une façon bizarre de vous coller à la peau.
Merlin.
Un nom original, pour le moins, et chargé de sens : à la fois source de chagrin et de joie pour mon esprit."