Sang noir (La catastrophe de Courrières)

Le 10 mars 1906, une explosion se propage dans les galeries de la mine de Courrières. En fin de journée, plus de 1000 mineurs manquent à l’appel.

Scénario et dessin de Jean-Luc Loyer Public conseillé : Adulte et Adolscent

Style : Reportage Paru chez Futuropolis, mars 2013 Share


L’histoire

Au début du XXe siècle, la France est en plein essor industriel. Le Nord « explose » avec le charbon. Grâce aux grèves et luttes syndicales de la fin du siècle passé, être mineur, c’est alors bénéficier de privilèges, comme un temps de travail journalier réglementé, un logement à loyer très faible, un accès gratuit aux soins médicaux et à la retraite…
Mais à partir de 1905, la demande accrue de charbon bouleverse la donne. Les patrons font fi de la sécurité de leurs ouvriers et embauchent des garçons et des filles dès 12 ans pour descendre dans la mine. Le fils Pruvost fait partie de ceux-là. à 14 ans, Il devient galibot (apprenti mineur). Le 10 mars, entre 6h30, une explosion d’une violence inouïe propage une trombe de flammes. En fin de journée, sur 1783 mineurs, seuls 576 ont pu s’extirper du brasier. La recherche des survivants cessera trois jours après la catastrophe ; on retrouva pourtant 13 rescapés vingt jours plus tard. Il y aura 1099 morts au total, dont 242 enfants…


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Sang noir (La catastrophe de Courrières)

Ce que j’en pense


Dans la veine d « Un printemps à Tchernobyl » d’Emmanuel Lepage, « Les Ignorants » d’Etienne Davodeau, « Saison brune » de Philippe Squarzoni, ou « Moi Réné Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB » de Tardi, Jean-Luc loyer fait acte de mémoire avec « Sang noir »et nous propose un livre « coup de poing » pour se remémorer une catastrophe qui bouleversa le pays au début du XXe siècle.

Une BD = Un reportage !


Travaillant ce pavé graphique comme on part en reportage, Jean-Luc Loyer s’est fait « Grand Reporter » le temps d’un documentaire érudit et documenté. En s’appuyant sur les témoignages et les journaux de l’époque, Jean-Luc retrace ce drame dans toutes ses dimensions. Avec patience et professionnalisme, sans prendre parti, il nous raconte avec une grande objectivité le drame, mais aussi son contexte (politique/social) et ses conséquences. A deux milles lieux d’une BD voyeuriste et grand spectacle, Jean-Luc pose un regard simple et humain sur ce drame et ses protagonistes.
Pour rentrer dans le sujet, Jean-Luc Loyer se fait chroniqueur de l’époque. Il résume en quelques pages tous les enjeux sociaux, économiques et politiques de l’industrie du charbon, véritable fer de lance de l’économie française.
Le contexte posé, c’est par les « petites gens » qu’il nous amène dans le ventre de la terre. En suivant le jeune fils Pruvost, Jean-Luc Loyer nous initie à la dure (et fraternelle) loi qui régit les rapports de ses ouvriers-forçats.
à peine avons-nous eu le temps de faire connaissance avec les usages et la vie des mineurs que la machine s’emballe. Un banal feu de galerie dégénère et entraine en un monstrueux coup de grisou 1000 hommes dans la tombe.
L’horreur de la situation, Jean-Luc la décrit factuellement, mais c’est surtout sur les émotions humaines qu’il se concentre. Par les petites histoires des prisonniers survivants de la mine, ou des hommes de l’extérieur, il balaye tous les sentiments, sans fioriture ni exagération : confusion, peur, désespoir, profit, mais aussi solidarité, entraide, générosité…
Puis, Jean-Luc prend de la hauteur et pose son regard au-delà de la mine. Il décortique les luttes de pouvoir et d’influence que se livrent Jaurès, Clémenceaux, syndicalistes et anarchistes. Il choisit de ne pas rester dans la dramaturgie, mais d’analyser les conséquences économiques, sociales et politiques de l’événement. Conditions de travail, politiques sociales du gouvernement, un nouveau contrat social se bâtit sur le terreau encore fumant de ces mines.
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Le dessin


Le Noir et Blanc s’est imposé à Jean-Luc pour retranscrire l’ambiance de la mine. Bien évidemment, ce choix coïncide parfaitement avec le sujet et le traitement. Par contre, pour son dessin « semi-réaliste », il n’en va pas de même. Et pourtant, la « fraicheur’ de son trait presque naïf adoucit la dureté du sujet. Ce qui est plutôt bienvenu, vu la noirceur du thème.
Enfin, admirez la composition de Jean-Luc. Sur « Sang Noir », il varie les dimensions et les formats de case jouant sur la verticalité ou l’horizontalité du décors. Nous sommes alors, comme les mineurs pris au piège, tassés dans la mine, le regard attiré vers la lumière.

Pour résumer


Jean-Luc Loyer m’a étonné avec « Sang Noir », son pavé « reportage ». Avec une puissance émotionnelle rare, il nous raconte ce drame, ses personnages et son contexte, en se basant sur les faits, rien que les fait. A contrario d’un « Germinal » romanesque, il raconte la catastrophe de l’intérieur de manière très détachée. Jean-Luc livre là un album puissant, qui restera parmi ceux qui nous ouvrent au monde.