Chronique en grande partie autobiographique d’une tribu italo-américaine tirant le diable par la queue au cœur des années 20, Bandini est un roman plein de verve. Une galerie de personnages principaux truculents ou détestables et quelques seconds rôles pas piqués des hannetons pimentent ce récit où se côtoient en permanence humour et méchanceté.
John Fante est pour moi un mythe. Il fait partie de ces rares auteurs qui ont façonné ma vie de lecteur. Je l’ai découvert grâce à Bukowski qui ne cessait de lui rendre hommage. Dans une de ses nouvelles, parlant de Fante, il écrit : « Les lignes roulaient facilement sur la page, ça coulait bien. Chaque phrase avait sa propre énergie et elle était suivie par une autre exactement pareille. La substance même de chaque ligne donnait sa forme à la page, on avait l’impression de quelque chose de sculpté dessus. » Après Bandini, j’ai enchaîné avec Demande à la poussière, un roman dans lequel on retrouve Arturo jeune adulte parti à Los Angeles pour devenir écrivain. Apprenant que ce texte est fortement inspiré par La faim de Knut Hamsun, je me suis rué sur les œuvres du prix Nobel norvégien. Et comme La faim fut, à l’époque de sa publication, préfacé par Octave Mirbeau, j’ai pu rajouter un grand auteur français à mon panthéon personnel. Bukowski, Fante, Hamsun et Mirbeau… tout ça pour dire qu’une identité de lecteur se construit parfois grâce à un effet boule de neige aussi inattendu que savoureux (surtout à une époque où internet n’existait pas encore…).
Ayant lu Bandini au début des années 90, je me demandais si j’y trouverais aujourd’hui le même plaisir qu’à l’époque. Quand on est étudiant en lettres modernes, que l’université restreint vos lectures aux grands classiques et que vous tombez sur Fante, le choc est énorme. Découvrir la littérature américaine avec lui, c’est un peu comme quand vos parents vous lâchent la main à l’entrée du grand bain, ça fait un peu peur mais en même temps c’est tellement grisant. Vingt ans plus tard, alors que mes lectures « américaines » se comptent par centaines, l’effet n’est évidemment plus même. Il n’y a plus de surprise et j’ai trouvé quelques longueurs mais je ressors néanmoins de ce roman avec la confirmation que Fante restera à jamais un des chouchous de ma bibliothèque personnelle. Le ton du narrateur, plein de fiel, d’ironie et d’acidité me convient parfaitement. Et que dire de ces personnages qui s’emportent pour un rien, sont le plus souvent d’une totale mauvaise foi et voient constamment midi à leur porte. L’écriture est fluide, proche d’une certaine forme d’oralité et par moments des passages presque lyriques font prendre de la hauteur à l’’ensemble. En un mot comme en cent, je suis toujours fan !
Je conçois tout à fait qu’un roman tel que celui-là puisse secouer furieusement. Personnellement, c’est une des pièces essentielles de mon parcours de lecteur et je remercie Syl d’avoir accepté cette lecture commune suite au tag qu’elle m’a proposé il y a peu. Grâce à elle j’ai rajeuni de 20 ans. Et comme en plus Valérie et Emmanuelle se joignent à nous pour cette LC, Bandini est sous le feu des projecteurs aujourd’hui, pour mon plus grand plaisir !
Bandini de John Fante. 10/18, 2002. 282 pages. 7,10 euros.