L'angoisse de se perdre
Je suis une mère angoissée, je ne peux pas le nier. Et parfois, il m'arrive, bien malgré moi, de communiquer mes peurs à ma fille. En allant à la mer, ce week-end, Ly Lan m'a regardée d'un air entendu (Lirait-elle en moi comme dans un livre ouvert ?) et m'a murmuré "A la plage, faut pas se perdre"."Alors là, effectivement, vaut mieux pas" ai-je pensé en imaginant tous les scénarios possibles. Après l'avoir rassurée, je lui ai demandé pourquoi elle me disait cela, mais elle n'a pas su m'expliquer d'où lui venait cette idée.
Rien que la pensée de perdre ma fille, quel que soit l'endroit, me terrifie mais je la garde à l'œil (un peu trop, peut-être, disent certains de mes amis). J'ai même envisagé de lui acheter un bracelet de sécurité pour y marquer son nom et mon n° de téléphone. J'essaie néanmoins de réfréner mes craintes, de lui faire confiance et de me faire confiance (je n'oublie pas son papa non plus, en qui j'ai une totale confiance ;).
Tout cela pour en arriver à un très bel album que nous avons à la maison depuis plus d'un an. Il est arrivé par le biais de son abonnement à l'école des loisirs, l'année dernière, quand elle était encore à la crèche. Autant vous dire que nous le connaissons par cœur !
Et c'est vrai, qu'en faisant le tri, je l'ai ressorti la semaine dernière et nous l'avons relu. Peut-être est-ce la raison de sa phrase (ou pas, je ne le saurai jamais) ?
Quoi qu'il en soit, "Dans l'herbe" de Yukiko Kato, illustré par Komako Sakaï, est pour moi, une pure merveille. L'histoire est simple mais brillamment raconté. Le texte se compose de phrases courtes mais fortes de sens. Aucun mot n'est superflu, ce qui rend le récit très réaliste.
Yû-chan et sa famille vont à la rivière. Attirée par un beau papillon orange, cette petite fille intrépide essaie de l'attraper et se met à le suivre dans la prairie voisine. Rapidement, le vent se lève, le papillon disparaît et la végétation se densifie. Cernée par les hautes herbes, Yû-chan se laisse encore distraire par une sauterelle qui lui fausse également compagnie. Elle commence à se rendre compte qu'elle est perdue et ferme les yeux. Les sons qui l'entourent deviennent alors plus forts et effrayants. Quand elle ouvre les yeux, sa mère est là, devant elle, bienveillante et souriante, prête à la ramener vers la rivière.
Tous les sens sont mis en éveil : les couleurs du papillons, l'odeur des herbes qui sentent le dentifrice, lui chatouillent les pieds, les bruits inattendus du marécage,... Une invitation à l'évasion...
Les illustrations de Komako Sakaï sont de toute beauté, douces mais tellement expressives. L'histoire est parfaitement accompagnée par ces dessins faits au pastel et au crayon pour les traits, rehaussés d'acrylique pour les couleurs.
Leur cadrage a beaucoup intrigué Ly Lan, l'an dernier, qui, à chaque page, me disait "mais elle n'a pas de tête" ou "elle n'a pas de jambes". En effet, j'ai rarement vu (en même temps je ne suis pas une professionnelle) des livres pour petits dont les représentations des personnages ne sont pas complètes. Outre l'esthétique et le talent du trait de l'artiste, c'est bien ce qui me séduit le plus dans cet ouvrage. L'effet n'en est que plus saisissant, quand, perdue dans les hautes herbes, on ne voit que le chapeau de Yû-chan qui dépasse.
Texte de Yukiko Kato
Illustrations de Komako Sakaï
Traduit du japonais par Jean-Christian Bouvier
Publié en 2011 par L'école des loisirs, dans la collection Titoumax
Consulter le dossier pédagogique
Âge : de 3 à 5 ans