Esteban est parvenu à faire évader ses compagnons du Léviathan emprisonnés dans la prison du bout du monde. Mais avec la tempête fait rage et le bateau sur lequel ils ont embarqué peine à se frayer un chemin…
Scénario et dessin de Mathieu Bonhomme Public conseillé : Tout public
Style : aventure Paru chez Dupuis, le 30 aout 2013
L’histoire
Lors de l’épisode précédent (« Prisonniers du bout du monde« ), Esteban et l’équipage du Léviathan, emprisonnés par erreur dans un bagne d’Ushaia s’étaient échappés aidés par la horde de bagnards. Embarqués sur un « vapeur » de fortune, l’ensemble mal assortis tentait de fuir au plus vite. Mais le rafiot se traîne. Pour nourrir la chaudière qui manque de combustible, le capitaine du Léviathan démonte tout ce qui peut brûler. Bientôt, le bateau s’échoue sur une petite plage. A peine débarqués, ils se font « recevoir » par une volée de flèches « Tehuelche ». Pensant qu’il s’agit d’Aigle rouge, un guerrier indien qui a juré la perte des blancs, Esteban se propose de négocier avec eux. Pendant ce temps, le général du bagne se rapproche du groupe des fuyards pour récupérer sa femme, prise en otage…
Ce que j’en pense
Soyons clairs : Matthieu Bonhomme est un de mes auteurs favoris. Avec son trait « ligne claire » modernisé et hyper lisible et ses récits d’aventure sensibles, il sait me toucher.
Entre ses collaborations dégantées (« Omni-visibilis » et « Texas Cowboys » avec Lewis Trondheim), Matthieu continue de développer en solo son personnage d’Esteban, ce jeune métis indien qui fait l’apprentissage de la vie. Inventé pour un public « jeunesse » (en 2005, dans le magazine « Milan »), Esteban était à l’origine une quête d’identité ou l’aventure se profilait au loin. Au fur et à mesure des albums, Matthieu a introduit des thèmes plus matures, plus adultes (la solidarité face à la dureté de la nature, la sauvagerie des hommes…) en faisant grandir son héros. Avec « Le sang et la glace », il finalise l’aventure dramatique commencée dans « Prisonniers du bout du monde » et boucle définitivement un cycle.
Avec ce road-movie pur et dur, a la sauce indienne, que n’aurait pas renié Sam Peckinpah (La Horde sauvage – 1969, Guet-apens – 1972, Pat Garrett et Billy le Kid – 1973, Osterman week-end – 1983) Matthieu Bonhomme démontre une fois de plus ses qualités grandissantes de conteur et de dessinateur « malin ».
Action ou aventure initiatique ?
Les deux mon général. En scénariste attentif qui pense à ces lecteurs, Matthieu Bonhomme nous invite à suivre une fuite-en-avant aventureuse et dangereuse, mais aussi à ressentir les affres, les difficultés de ses personnages. Si devant le danger imminent, le groupe de fuyards réagit souvent en « personnage unique », Matthieu n’oublie pas de développer les particularités de ces héros. Entre dangers externes (les indiens, le général qui leur donne la chasse) et problèmes internes (les personnalités et buts opposées du groupe de fuyard), il dose savamment scènes dramatiques (très verbales) et pures scènes d’action dynamiques.
C’est sûr, tout au long de cet épisode dense à rebondissements multiples, on ne s’ennuie pas !
Planquez-vous, V’la les Indiens !
Le récit du « Sang et la glace » donne à Mathieu l’occasion de jouer avec les indiens. Très éloignés de l’imagerie un peu mièvre de « Texas Cowboys« , il compose une galerie de portrait « différents », « incompréhensibles » et d’autant plus effrayants. De vrais « méchants » !
Le dessin
Dès les premiers travaux (« L’âge de raison », « Le marquis d’Anaon »), Matthieu Bonhomme s’est fait connaître (et remarquer) pour son dessin. Avec sa version personnelle de la ‘ligne claire’, à peine rehaussée d’une légère texture, il nous offre un dessin « hypra-lisible » (plus fort que « hyper-lisible ») et très impactant.
Lire une BD de cet auteur (qui a tout compris à la BD) est un pur moment de bonheur !
Dans « Le sang et la glace », il s’en sort avec les honneurs. Ses décors polaires de glaciers et de mer gelée sous une demi-nuit éternelle sont superbes. Jouant avec intelligence la variété des approches graphiques, il compose aussi bien des décors à la perspective complexe que des plans en ombre-chinoise. Il y a dans l’apparente simplicité de son dessin tout le talent qui lui permet d’aller vers l’épure.
Pour résumer
Ouf ! enfin la fin de l’aventure. Pour finir son cycle, Matthieu Bonhomme nous offre un road-movie où scènes d’actions et plans intérieurs se succèdent dans un rythme très équilibré. Poursuivi par des indiens et un général fou, dans un décors apocalyptique de glace polaire, Esteban et ses amis vont apprendre une fois de plus à faire des choix et à grandir pour sauver leur peau. Sublime !