La lettre à Helga - Bergsveinn Birgisson *****

Par Philisine Cave
Voilà j'ai retardé au maximum le temps de cette chronique. Non pas que cette lettre somptueuse soit catastrophique (au contraire !) mais face à une lecture de cette qualité, eh bien je suis restée un peu coite ! (si, si c'est tout à fait possible et envisageable). Peur de ne pas la défendre assez, peur de ne pas la promouvoir comme il se doit (cela dit, le texte s'autosuffit). Alors, il a fallu un homme pour me motiver et pas n'importe lequel (non, laissez mon A. en dehors de tout cela), j'ai nommé Benjamin Biolay et son Aime mon amour pour booster ma détermination. Parce que placer deux chefs d’œuvre sur un post, ça le fait (et même, plutôt bien) !   Bjarni Gíslason, fermier de son état, aime être serviable et ne compte pas l'aide qu'il apporte aux autres. Amoureux de ses terres reçues en héritage, il élève ses brebis avec attendrissement, contrôle assidûment le fourrage de tous, s'oublie dans le travail, une forme d'échappatoire pour évacuer une vie intime plutôt tristounette. Heureusement, le voisinage offre d'intéressantes perspectives, plutôt même pulpeuses.
La lettre à Helga est mon premier coup de cœur de la rentrée littéraire 2013 (à ce jour, le seul). Comment Bergsveinn Birgisson a-t-il réussi à placer autant de sensibilité et d'émotion dans cet écrit ? Son héros, Bjarni Gíslason apparaît sous toutes les coutures : tour à tour râleur, souvent de mauvaise foi (surtout quand il n'assume pas ses propres décisions), attachant et finalement intègre, facétieux et bourré d'habitudes qui le rassurent et parfois le castrent. Bergsveinn Birgisson décrit la vie d'un homme tout simplement, d'un amour consommé et consumé. Loin des atermoiements habituels, l'auteur ne se laisse jamais manger par l'intrigue ou par ses personnages : il sait les contenir et obtenir d'eux tout ce qu'ils ont dans le ventre, dans leur corps, dans leur cœur. Rien n'est simple dans l'existence : parfois certains choix s'imposent d'eux-mêmes, d'autres semblent contraints. Et c'est justement l'idée principale du texte : une décision irrévocable conditionne une autre vie, un abandon. La qualité littéraire de cette lettre (hommage appuyé au travail de traduction de Catherine Eyjólfsson qui à mon avis, n'a aucunement trahi la pensée de l'auteur et a brillamment servi le texte) participe au succès de cette première œuvre. Oui, l'idée géniale de la confession permet un rapprochement plus rapide du lecteur vers le héros. Oui, le discours de ce dernier, certes simple et quelquefois réducteur, le rend attendrissant et participe à la relance de l'intrigue. Mine de rien, Bergsveinn Birgisson aborde la pauvreté sexuelle sous différentes facettes (zoophilie, adultère, abstinence...). Tout est beau dans ce livre : la description des paysages, le lien fort avec les animaux, la vie à la ferme, la relation entre Bjarni et son épouse Unnur, le manque d'amour et puis le manque tout court.   Je ne pensais pas qu'il était aussi formidable de découvrir un homme qui se cherche.   
Traduction de Catherine Eyjólfsson
Éditions Zulma 
Rentrée littéraire 2013
avis : Cathulu, Jérôme (c'est quoi, ce pseudo à la mords-moi-le-noeud sur Babelio, Geronimo chéri ?), Marilyne, Mélopée ...
Je me suis fait ce beau cadeau sur le conseil très avisé d'Hélène Delapré (libraire du Saint-Christophe à Lesneven) obtenu sur notre plage préférée début août (oui, la vie est belle !). Ce livre voyage et sera ravi de passer de main en main.
évasion musicale : Aime mon amour - Benjamin Biolay (réalisation de la vidéo par Karole Rocher, la dame du clip)
et un de plus pour les challenges d'Anne et d'Anne,