Aujourd’hui pourtant, sur cette presqu’île où elle a échoué, elle accepte à nouveau de déplacer son corps sur un fil. Sur cette presqu’île elle rencontre Eugénie et Astrée, réfugiées fuyant un pays en guerre, mais aussi un artiste peintre et un garçon voilier qui deviendra son ami. Sur cette presqu’île Antonia va peu à peu se reconstruire et accepter la perte.
Poétique et fragmenté, ce texte relève de l’esquisse. Par petites touches successives, Lucia Antonia brosse le portrait de sa douleur la plus intime. Tout en retenu, elle consigne dans de petits carnets la géographie de cette absence qu’elle ne parvient pas à surmonter. Arthénice le corps brisé. Cette partenaire, cette amie, cette jumelle. La mort d’Arthénice dont elle se sent responsable. Rien de larmoyant pour autant, aucun pathos. Les réflexions de Lucia Antonia naviguent entre ciel et terre, dans une sorte de rêverie éthérée.
Évidemment, j’aime cette écriture elliptique, tout en suggestion. Une écriture minuscule pouvant parfois sembler insaisissable et nébuleuse mais qui se révèle au final lumineuse. De la poésie, quoi. Et une forme de catharsis pour cette touchante funambule qui, grâce aux mots, parvient à faire les pas décisifs devant l’amener sur le chemin de la résilience et accepter la perte, enfin : « Il y avait près d’une année que tu étais morte, et c’est seulement ce jour où je me perdis en forêt que je pénétrai dans le territoire de ta mort. Ta voix me priait d’ouvrir jusqu’à elle le chemin de la perte, et je consentis à m’égarer. »
Un très beau texte.
Lucia Antonia, funambule de Daniel Morvan. Zulma, 2013. 130 pages. 16,50 euros.
Une fois de plus, c’est une trouvaille que je dois à mes pérégrinations bloguesques. Les tentatrices se nomment Un autre endroit pour lire et Anne et je les remercie pour cette bien jolie découverte.
Et c’est encore une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Marilyne.