Madame hubeau, 60 ans, vit avec son fils Michel, 40 ans, handicapé…
Scénario de Zidrou, dessin de Roger, Public conseillé : Adultes, adolescents
Style : chronique intimiste Paru chez Dargaud, le 27 septembre 2013 Share
L’histoire
Madame Hubeau, petite mamie d’une soixante d’année flétrie et seule, descend du train. Dans la station balnéaire où elle vient « passer des vacances », elle passe son temps en observant les gens. Le bonheur des familles à la plage, le partage d’un moment de jeu et d’allégresse, Madame Hubeau est bien loin de tout ça…
Quelque temps plus tard, elle décide d’abréger ses vacances pour revenir dans son monde.
Son monde, c’est Michel, son fils : la quarantaine, handicapé moteur et pas mal de poids en trop.
Pour Madame Hubeau, le rituel est toujours le même. A seize heure, elle va chercher Michelou au bus qui le ramène. Puis c’est le quotidien partagé avec lui jusqu’au soir, réglé par ses habitudes, jusqu’à son dessin animé favori…
Une histoire simple
Zidrou, l’auteur de « La peau de l’ours » et de « Lydie » continue son exploration de l’âme humaine.
Ne cherchez pas d’armée de prussiens, ni de rois dans ce récit. Zidrou nous livre une tranche de vie, racontée avec une franchise déroutante et une sensibilité à fleur de peau.
C’est le quotidien si simple, et pourtant si difficile, entre une mère âgée et son fils adulte handicapé qu’il a choisit de nous faire partager. Car c’est bien de partage et pas d’histoire qu’il s’agit là. Pour comprendre, ou du moins accepter cette différence, il traite le sujet avec vérité et réalisme. Pas de dramaturgie excessive, pas d’action, pas de pathos, cet album est vrai, réel, sans exagération, ni fioriture.
L’amour maternel avant tout
D’un côté, il y a Madame Hubeau, mère courage âgée et toujours combative. Prête à tous les sacrifices pour assumer ce fils handicapé, elle organise leur vie avec détermination et résignation. Car il n’y a pas de « happy end » dans la vie comme dans « pendant que le roi de Prusse… ».
Comme une évidence à laquelle elle ne pourra se soustraire, Madame Hubeau sait que Michel aura toujours besoin d’elle et qu’elle ne peut faire autrement que d’être là.
De l’autre, Michel (Michelou pour sa maman) est le fils qui aurait pu avoir une vie comme nous tous. Un homme différent, prisonnier dans une tête d’enfant. Entre regards en biais de ceux qui ne comprennent pas et l’amour inconditionnel de sa mère, Michel nage entre deux eaux. Handicapé moteur (mais pas idiot) Zidrou décrit un homme complexe, qui souffre de sa différence, mais aussi capable d’en jouer.
Pour nous faire entrer dans l’intimité de cette relation, Zidrou approche par petits pas. Sur un mode réaliste souvent cru, mais avec beaucoup de respect, il nous livre des scènes du quotidien, souvent répétitives, parfois ironiques, pour brosser deux portraits touchants, pas si éloignés de nous.
Mettant au centre du récit la relation d’amour sans limites entre ces deux êtres en souffrance, il nous la montre du doigt, sans rien dire, en laissant des cases vides d’actions et de dialogues, mais pleins de non-dits.
Coté dessin
C’est le dessinateur espagnol Roger, remarqué pour son trait élégant et dynamique sur la série « Jazz Maynard », qui collabore avec Zidrou pour un premier album.
Dans un registre très différent, il s’adapte au récit intimiste et « calme » son dessin. Plus de plongées et de contre-plongées, mais un trait d’une expressivité totale qui raconte par l’image tout ce que Zidrou s’interdit par le dialogue.
Sobre et très réussi, le travail de Roger se rapproche de celui de Jordi Lafebre (Lydie), un autre jeune dessinateur espagnol et collaborateur de Zidrou.
Le résultat est une belle osmose entre récit et image qui se complètent dans un fragile équilibre.
Sa mise en couleur avec des planches tout en camaïeux d’ocres jaunes, de bleus et de rouge accentue les ambiances marquées très graphiques.
Pour résumer
ZZidrou et Roger nous offrent un album différent. Ils nous font partager l’histoire simple et vraie entre une mère âgée et son fils adulte handicapé. En racontant par petites touches, le quotidien souvent difficile mais pas exempt d’humour de ce duo obligé, Zidrou et Roger militent pour la compréhension et le respect de la différence.