Il y a ce formidable décalage entre l’implacable réalité des chiffres (des millions de cancers), le discours politique rassurant qui relève forcément du mensonge d’état et la vie qui perdure dans les zones contaminées. Le monde des survivants de Pripiat, ou plutôt celui des condamnés en sursis, est un condensé d’optimisme et d’humanité, une volonté farouche de rester debout et de résister, quoi qu’il arrive : « Ils savent tous qu’ils doivent partir. Sinon ils vont mourir. Et pourtant ils sont là. » Parce que c’est ici qu’ils sont nés, parce que c’est ici qu’ils reviennent affronter une mort certaine, parce que c’est ici qu’ils veulent s’aimer, danser et chanter une dernière fois. Emmanuel Lepage avait parfaitement retranscrit cela dans Un printemps à Tchernobyl, Antoine Choplin aussi avec La nuit tombée et Javier Sebastian l’exprime ici à son tour. Un monde interlope où se croisent les résidents permanents, les pillards à la recherche de derniers vestiges à monnayer et même quelques touristes en quête de sensations fortes. Une communauté vibrante et solidaire dans un univers apocalyptique.
Le cycliste de Tchernobyl est un roman engagé, profondément antinucléaire. Sebastian parvient à mélanger des éléments scientifiques purement factuels et des tranches de vie romanesques avec une facilité déconcertante. La figure héroïque de Vassia, physicien altruiste seul contre tous, ayant très vite compris l’ampleur de la catastrophe et voulant à tout prix témoigner de la réalité de la situation, est d’une grande pureté. Un texte sombre, désespéré et humain, une grande réussite.
Le cycliste de Tchernobyl de Javier Sebastian. Métailié, 2013. 204 pages. 18 euros.
Une fois de plus, c’est une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Marilyne.
L’avis de Leiloona