Dans une ville japonaise, Taguchi Hiro a vingt ans et vient
de passer les deux dernières années cloîtré dans sa chambre. C’est un
hikikomori, un jeune adulte solitaire totalement coupé du monde qui l’entoure.
Il a depuis peu recommencé à sortir de sa tanière et passe ses journées sur un
banc, dans un parc. En face de lui vient s’asseoir un salarymen cravaté et
propre sur lui. Il s’appelle Ohara Tetsu, frôle la soixantaine et vient de
perdre son emploi. N’osant l’avouer à sa femme, il continue à quitter le
domicile chaque matin à la même heure et rentre tard le soir, pour faire comme
si.
Entre Taguchi l’asocial et Ohara le cadre licencié naît une muette complicité. Bientôt suivront quelques échanges. Leur face à face sonne pour Taguchi comme une évidence : « Je pensai malgré moi à l’éternité visqueuse d’une journée qui venait de commencer et allait s’étendre à l’infini. La certitude qu’elle finirait par s’écouler n’était rien par rapport à la mélancolie fade avec laquelle elle s’écoulait, et mélancolie, continuai-je de me dire, était le mot qui nous était inscrit à tous les deux sur le front. Il nous reliait. Nous nous rencontrions en lui. »
Peu à peu leurs discussions vont se faire plus intimes et se rapprocher de la confession. Le jeune garçon se raconte. Il dit la douleur du suicide qui a frappé l’une de ses amis, sa lâcheté, le repli sur soi comme seule solution : « Je ne voulais plus jamais, j’en fis le serment, être attaché à quiconque. Ne jamais plus être imbriqué dans le destin de quelqu’un. Je voulais entrer dans un espace sans temps ou personne ne me bouleverserait plus. » Ohara revient quant à lui sur ce fils né avec un handicap et qui mourut très jeune. Il confie la tendresse absolue qu’il voue à sa femme et sa volonté de ne pas lui faire de mal en lui annonçant son licenciement : « Elle a mérité mieux, beaucoup, beaucoup mieux que la vérité. »
Le récit est découpé en 114 courtes séquences, autant de petits pas, de touches délicates amenant ces êtres solitaires sur le chemin de la sérénité. Tout deux constatent que la vérité est là, dans leur relation sincère et sans faux-semblant, loin des pressions sociales et des objectifs de performance auxquels une très grande majorité de japonais est confrontée.
L’austro-japonaise Milena Michiko Flasar fait preuve d’une délicatesse absolue pour brosser les sentiments complexes de ces personnages cabossés et les mener vers la lumière. Car au final et aussi paradoxal que cela puisse paraître, on ressort de ce court roman revigoré et plein d’optimisme. Un texte magnifique à l’écriture tout en subtilité.
La cravate de Milena Michiko Flasar. L’olivier, 2103. 164 pages. 18,50 euros.
Les avis de Clara ; Leiloona
Entre Taguchi l’asocial et Ohara le cadre licencié naît une muette complicité. Bientôt suivront quelques échanges. Leur face à face sonne pour Taguchi comme une évidence : « Je pensai malgré moi à l’éternité visqueuse d’une journée qui venait de commencer et allait s’étendre à l’infini. La certitude qu’elle finirait par s’écouler n’était rien par rapport à la mélancolie fade avec laquelle elle s’écoulait, et mélancolie, continuai-je de me dire, était le mot qui nous était inscrit à tous les deux sur le front. Il nous reliait. Nous nous rencontrions en lui. »
Peu à peu leurs discussions vont se faire plus intimes et se rapprocher de la confession. Le jeune garçon se raconte. Il dit la douleur du suicide qui a frappé l’une de ses amis, sa lâcheté, le repli sur soi comme seule solution : « Je ne voulais plus jamais, j’en fis le serment, être attaché à quiconque. Ne jamais plus être imbriqué dans le destin de quelqu’un. Je voulais entrer dans un espace sans temps ou personne ne me bouleverserait plus. » Ohara revient quant à lui sur ce fils né avec un handicap et qui mourut très jeune. Il confie la tendresse absolue qu’il voue à sa femme et sa volonté de ne pas lui faire de mal en lui annonçant son licenciement : « Elle a mérité mieux, beaucoup, beaucoup mieux que la vérité. »
Le récit est découpé en 114 courtes séquences, autant de petits pas, de touches délicates amenant ces êtres solitaires sur le chemin de la sérénité. Tout deux constatent que la vérité est là, dans leur relation sincère et sans faux-semblant, loin des pressions sociales et des objectifs de performance auxquels une très grande majorité de japonais est confrontée.
L’austro-japonaise Milena Michiko Flasar fait preuve d’une délicatesse absolue pour brosser les sentiments complexes de ces personnages cabossés et les mener vers la lumière. Car au final et aussi paradoxal que cela puisse paraître, on ressort de ce court roman revigoré et plein d’optimisme. Un texte magnifique à l’écriture tout en subtilité.
La cravate de Milena Michiko Flasar. L’olivier, 2103. 164 pages. 18,50 euros.
Les avis de Clara ; Leiloona