Maria Cristina Väätonen est une écrivaine de renom. Plébiscitée lors de la parution de son premier roman (une autofiction), elle connaît une vie intime assez mouvementée et secrète. Naviguant à vue entre son mentor-amant (le ténébreux et nobélisable Rafael Claramunt), son amie de fac (la fidèle Joanne) et ses multiples rendez-vous professionnels, elle s'est construit un cocon à Santa Monica, quartier de Los Angelès, loin de son antre familial originel (Lapérouse, dans le grand Nord). Son quotidien bascule le jour où elle reçoit un appel de sa mère soit-disant décédée, lui confiant ainsi une mission de la plus haute importance et occasionnant un violent retour au passé. Que la vérité se fasse !
La grâce des brigands porte bien son nom. En effet, Véronique Ovaldé présente des personnages pas francs du collier, à commencer par Maria Cristina, loin d'être claire avec son passé (elle invente le décès de certains membres de sa famille et provoque d'une certaine manière l'accident d'un autre), mais aussi Rafael Claramunt, omnipotent et arrogant (prêt à s'attribuer l’œuvre d'un auteur à des fins professionnelles et prestigieuses) ou enfin le chauffeur de ce dernier, sorti d'un gang d'enfer. Bref, que du beau monde prêt à travestir la réalité.
Mais l'art, ici, de Véronique Ovaldé ne réside pas seulement dans la façon de diriger une intrigue, de placer un univers ou de manipuler ici ses personnages. Elle a aussi construit ce livre comme une sorte de brigand littéraire en jouant sur les emprunts : 1) d'abord en usant de pseudos connus : Judy Garland ou Oz (qui n'est pas magicien, ici) pour le chauffeur, Jean-Luc (Godart) pour le chat, etc 2) en faisant référence à des œuvres récentes : a) d'abord La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert de Joël Dicker (avec la fameuse tentative de détournement d'un roman, le couple Maria Cristina-Claramunt comme prolongement de Nola-Harry) b) puis un clin d’œil à Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka en page 110 «Au fond, son rêve état individualiste il n'y avait à sa connaissance pas de « nous » possible, elle ne pourrait jamais dire ou écrire, Nous étions des jeunes gens pleins d'espoir mais certains d'entre nous se donneraient la mort tandis que d'autres partiraient vivre à l'étranger, certains d'entre nous se marieraient avec des gens croisés une fois ou deux, certains deviendraient bouddhistes et d'autres deviendraient accros à l'alcool et au Prozac. Nous avons toujours pensé que demain serait meilleur qu'aujourd'hui, nous avons tous cherché à habiter ailleurs qu'à l'endroit où nous vivions, nous avons tous cherché une petite maison face à la plage et ç'aura été pour certains un rêve bourgeois et pour d'autres la meilleure façon de s'accommoder de leur nature périssable. Maria Cristina n'écrirait jamais cela, il lui manquerait toujours cette possibilité du pluriel, elle ne pourrait être autre chose qu'un être dignement solitaire.». Si Maria Cristina ne se permettra pas l'usage du « nous», sa créatrice en abuse pendant ce court passage. c) et enfin, L'embellie de Audur Ava Olafsdottir avec l'intervention de Joanne, jeune mère célibataire en galère et le passage du road-movie en compagnie de Peeleete, le neveu de Maria Cristina.
Véronique Ovaldé a créé un livre à partir de romans à forte notoriété publique souvent primés (d'ailleurs la référence au Nobel de Littérature ne paraît pas fortuite), une sorte de plagiat artistique dans le sens où l’œuvre ainsi construite devient La fameuse grâce. Je la soupçonne même de s'être inspirée de l'histoire familiale de Sofi Oksanen pour composer le duo parental (Liam-Marguerite) dont la double nationalité pose des difficultés de compréhension et de communication, où le mal-être de Maria Cristina de n'appartenir à aucune communauté s'explique. C'est brillant et réussi, surtout qu'elle apporte sa touche personnelle en conservant sa prose unique et lyrique.
Éditions de l'Olivier
Rentrée littéraire 2013
LC en compagnie de Nadael, L'or rouge, Lili et Piplo : merci, Mesdames, de ce partage !
SP reçu et lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisés par PriceMinister. (merci pour ce beau cadeau)
Note : 15/20
La grâce des brigands porte bien son nom. En effet, Véronique Ovaldé présente des personnages pas francs du collier, à commencer par Maria Cristina, loin d'être claire avec son passé (elle invente le décès de certains membres de sa famille et provoque d'une certaine manière l'accident d'un autre), mais aussi Rafael Claramunt, omnipotent et arrogant (prêt à s'attribuer l’œuvre d'un auteur à des fins professionnelles et prestigieuses) ou enfin le chauffeur de ce dernier, sorti d'un gang d'enfer. Bref, que du beau monde prêt à travestir la réalité.
Mais l'art, ici, de Véronique Ovaldé ne réside pas seulement dans la façon de diriger une intrigue, de placer un univers ou de manipuler ici ses personnages. Elle a aussi construit ce livre comme une sorte de brigand littéraire en jouant sur les emprunts : 1) d'abord en usant de pseudos connus : Judy Garland ou Oz (qui n'est pas magicien, ici) pour le chauffeur, Jean-Luc (Godart) pour le chat, etc 2) en faisant référence à des œuvres récentes : a) d'abord La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert de Joël Dicker (avec la fameuse tentative de détournement d'un roman, le couple Maria Cristina-Claramunt comme prolongement de Nola-Harry) b) puis un clin d’œil à Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka en page 110 «Au fond, son rêve état individualiste il n'y avait à sa connaissance pas de « nous » possible, elle ne pourrait jamais dire ou écrire, Nous étions des jeunes gens pleins d'espoir mais certains d'entre nous se donneraient la mort tandis que d'autres partiraient vivre à l'étranger, certains d'entre nous se marieraient avec des gens croisés une fois ou deux, certains deviendraient bouddhistes et d'autres deviendraient accros à l'alcool et au Prozac. Nous avons toujours pensé que demain serait meilleur qu'aujourd'hui, nous avons tous cherché à habiter ailleurs qu'à l'endroit où nous vivions, nous avons tous cherché une petite maison face à la plage et ç'aura été pour certains un rêve bourgeois et pour d'autres la meilleure façon de s'accommoder de leur nature périssable. Maria Cristina n'écrirait jamais cela, il lui manquerait toujours cette possibilité du pluriel, elle ne pourrait être autre chose qu'un être dignement solitaire.». Si Maria Cristina ne se permettra pas l'usage du « nous», sa créatrice en abuse pendant ce court passage. c) et enfin, L'embellie de Audur Ava Olafsdottir avec l'intervention de Joanne, jeune mère célibataire en galère et le passage du road-movie en compagnie de Peeleete, le neveu de Maria Cristina.
Véronique Ovaldé a créé un livre à partir de romans à forte notoriété publique souvent primés (d'ailleurs la référence au Nobel de Littérature ne paraît pas fortuite), une sorte de plagiat artistique dans le sens où l’œuvre ainsi construite devient La fameuse grâce. Je la soupçonne même de s'être inspirée de l'histoire familiale de Sofi Oksanen pour composer le duo parental (Liam-Marguerite) dont la double nationalité pose des difficultés de compréhension et de communication, où le mal-être de Maria Cristina de n'appartenir à aucune communauté s'explique. C'est brillant et réussi, surtout qu'elle apporte sa touche personnelle en conservant sa prose unique et lyrique.
Éditions de l'Olivier
Rentrée littéraire 2013
LC en compagnie de Nadael, L'or rouge, Lili et Piplo : merci, Mesdames, de ce partage !
SP reçu et lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisés par PriceMinister. (merci pour ce beau cadeau)
Note : 15/20