Quatrième de couverture :Bente plaque tout. Son appart, son mari. Elle échoue dans un endroit isolé au bout du bout du Danemark. C'est là que Johnny et Cocotte la trouvent à un arrêt de bus. Ils l'adoptent. Mais Johnny est victime d'un accident et Bente se retrouve seule chez eux. Livrée à elle-même, elle va petit à petit entrer dans l'intimité du couple, en s'occupant de leurs chiens, de leur maison, et ainsi peut-être, redonner un sens à sa vie.
Extrait Je cherche un bon endroit pour pleurer. Ce n'est pas si facile à trouver. Mon voyage en bus a duré des heures, et à présent je suis assise sur un vieux banc tout près de la côte. Il n'y a pas de ferry ici. Seulement un bac qui traverse les bestiaux sur une île déserte au gré des saisons. J'habite un lotissement avec de nombreuses fenêtres qui donnent sur la route. J'aurais peut-être mieux fait d'en nettoyer quelques-unes. Enfin, de toute façon, on ne voit plus à travers à cause des plantes. L'été dernier avait été humide et la végétation avait poussé d'un coup. Aujourd'hui c'est l'hiver, je ne rentrerai plus chez moi. D'habitude, à cette heure-ci, je dors un peu dans le canapé. Bjørnvig est à la clinique. Il gèle une verrue.
Le vent souffle fort. Il m'a fouetté le visage lorsque je suis descendue du bus avec ma valise à roulettes. Le ciel est gris foncé au-dessus de la mer. A droite, sur la piste cyclable qui longe l'eau, un homme en bleu de travail s'approche péniblement sur son vélo. Il incline le buste vers le guidon en pédalant. Je fais ça, moi aussi. C'est pour ça que je ne me déplace jamais à vélo. Il s'arrête et descend. Scrute l'horizon, plante ses poings sur les hanches. Il sait que je suis assise ici. Je baisse les yeux sur mes gants de pécari. Il remonte en selle et poursuit sa route le long de la mer. Dans quelques instants, il bifurquera et s'éloignera de la piste cyclable pour passer devant le cabanon et se diriger vers moi. Il tire son vélo sur les derniers mètres qui nous séparent. Ses cheveux sont foncés et clairsemés. Il n'est pas très vieux pourtant, quelques années de moins que moi. - Vous êtes bien, là ? dit-il. - Oui. - Vous risquez d'y rester un moment. - Je verrai, dis-je, pelotonnée dans mon châle. Nous regardons tous les deux le panneau où sont affichés les horaires, puis la valise à roulettes. - Eh bien, bonne chance, dit-il en remontant sur son vélo. Il repart, rivé à sa selle, lève deux doigts en signe de salut. Il a le vent dans le dos cette fois, et disparaît rapidement.