Profanes - Jeanne Benameur ****

Par Philisine Cave
Longtemps j'ai tourné autour de ce roman, sans être convaincue de le lire, malgré les avis dithyrambiques florissant dans la blogo. Un peu déçue par Les insurrections singulières malgré un début flamboyant (et surtout en raison d'une deuxième partie mièvre selon moi), je ne me sentais pas du tout attirée par Profanes. Et il a fallu qu'il tombe dans l'escarcelle de mon comité de lecture de janvier pour que je me lance. Je ne l'ai point regretté ! Octave Lassalle est en fin de vie. Plutôt que de ressasser, il préfère transmettre et faire le ménage autour de lui : régler les comptes sans douleur et sans amertume. Pour mener à bien sa mission, il s'octroie les services de quatre blessés de la vie comme lui, présents pour lui alléger le quotidien : l'ancien militaire Marc Mazetti pressenti comme jardinier matinal, relayé à 14h ensuite par la peintre Hélène Avèle pour la séance de lecture de la presse quotidienne, Yolande Grange assurant en fin de journée le nettoyage de fond en comble de l'immense demeure de ce chirurgien à la retraite, tandis que l'étudiante Béatrice Benoît gère les nuitées. Quatre personnes (en fait, cinq si on n'oublie pas l'intendante-cuisinière, la fameuse Madame Lemaire) pour un seul homme, toutes réunies pour combler les blessures au cœur : les siennes et les leurs ! Quel roman doux et bienveillant ! Jusqu'au bout, Jeanne Benameur avec sa prose lyrique, assure le scénario et ses images : ici un journal coupé en quatre, là un portrait-testament, un lien avec le passé. En évitant le larmoyant, tout en laissant poindre l'émotion à chaque scène, elle réussit brillamment là où elle avait failli, selon moi, dans Les insurrections singulières. Le phrasé parfois rompu offre un joli rythme et des moments littéraires de toute beauté. Des personnages en mouvement, qui grandissent et se nourrissent au contact des autres : le mot solidarité incarné par Profanes, exempt de religiosité et de foi (sauf celle en l'homme). Comme quoi, il est parfois bon de se tromper ! « Elle se met à cueillir, délicatement, en prenant soin de ne pas en prendre trop au même endroit. Un bouquet réfléchi. Toute son attention concentrée sur les couleurs, les parfums. Elle se dit que c'est son œuvre du jour et que, si chaque jour, elle arrivait à faire une chose, une seule, qui soit belle, elle serait sauvée. De tout. Elle pense à sa mère toujours vêtue avec une élégance éteinte. Elle se demande dans quelle couleur elle aimerait la voir habillée. Elle regarde ses fleurs. Dans le bouquet est-ce qu'il y a une couleur pour sa mère ? » (page 258)
Éditions Actes Sud (265 pages en Broché)
avis : Alex, Nadael, Aifelle, Clara, Sylire, Noukette, Zazy, Evalire, Violette, etc
emprunté à la bibliothèque
et un de plus pour le challenge d'Asphodèle (Grand Prix RTL-Lire 2013)