Buchet-Chastel (2013)
Certains épisodes de l’enfance ou de l’adolescence peuvent nous marquer à jamais, parce qu’ils nous ont plongés instantanément dans un chaos d’émotions, de honte ou d’humiliation, qui ne s’effaceront jamais. Mais comme il faut bien vivre avec, on met son mouchoir par-dessus, on se blinde et on fait tout pour ne plus y penser. Parfois même, le choc est salutaire, et on se construit sur la réaction, faisant émerger une autre personnalité. Longtemps après, alors qu’on a l’impression d’avoir oublié, il suffit d’une rencontre fortuite pour que les évènements passés remontent à la conscience, faisant ressortir les blessures anciennes mais donnant aussi une occasion de réexaminer les faits avec un œil adulte.
C’est ce qui arrive à Cécile Duffaut, l’héroïne de Jean-Philippe Blondel dans ce livre. Dans le train qui la ramène à Paris, après un week-end passé à Troyes en visite chez ses parents, elle se retrouve assise près de son ancien petit ami, qui l’a larguée sans ménagement presque trente années auparavant. Depuis, la jeune fille terne et effacée a changé. Elle a réussi professionnellement, a fondé une famille et vit heureuse à Paris. Pour Philippe Leduc, les choses ont tourné différemment : le jeune séducteur d’autrefois a pris du ventre, il a perdu ses cheveux, son couple a sombré et il exerce un travail peu valorisant, il ne contrôle plus grand-chose de sa vie. Alors qu’ils sont assis dans le train, l’un à côté de l’autre, faisant mine de ne pas s’être reconnus, les souvenirs affluent et chacun revit dans sa tête le chemin parcouru.
Quand j’ai démarré la lecture de ce livre, j’étais encore sur l’impression que m’avait procuré Et rester vivant du même auteur, et j’ai dans un premier temps été un peu déçue. Ce livre-ci n’a pas la même force, on y sent moins la patte personnelle de l’auteur. Mais, après quelques jours, je me suis davantage projetée dans ce livre, dans ce qu’il raconte sur la fin de l’adolescence, sur les blessures que l’on prend sur le chemin qui mène à la vie adulte, sur les interrogations par rapport à ce qui aurait pu se passer si telle ou telle situation avait évolué différemment. Et finalement, je trouve que c’est une histoire où il y a beaucoup de matière pour une réflexion bien intéressante.
Je vous incite à lire le billet d’ In Cold Blog, qui analyse très finement ce livre et en propose de nombreux extraits ainsi que des liens vers des interviews de l’auteur.