Un roman dense, un titre magnifique (et bien traduit), le portrait de trois jeunes femmes au temps des hippies, un grand saut dans l'Amérique profonde des seventies : un bon moment, une belle réussite !
Et nos yeux doivent accueillir l'aurore relate l'épopée de trois jeunes femmes emplies d'idéaux : Dooley Frayton, alias Ann, une riche à la peau diaphane qui a épousé jusqu'au-boutisme la cause noire, Georgette George, sa colocataire pendant les années étudiantes et puis Solange, la frangine de cette dernière, qui n'hésite pas à fuguer à l'âge de quinze pour vivre comme une hippie et échapper au cocon familial oppressant et violent, à parcourir le territoire américain en long et en large et parfois à mettre son cœur/son corps à rude épreuve. Une modérée d'un côté, deux extrémistes de l'autre qui choisissent la lutte et le combat politique (Ann), les drogues et les road-movies (Solange). En arrière-plan, l'Amérique détaillée dans toutes ses contradictions : la liberté d'entreprendre et de se mouvoir versus les ghettos sociaux. Les couples mixtes n'ont pas le droit de citer en ces années-là, les bavures policières et les mouvements terroristes sont légion. L'époque se veut gaie (avec l'avènement de groupes comme les Rolling-Stones et le charismatique Mick Jagger, le festival Woodstock etc.) mais finalement perturbée par les conflits (externes avec la guerre contre le Vietnam, internes avec la ségrégation raciale, les citoyens de seconde zone et les groupuscules anarchistes). Un dénominateur commun : l'amour (jusqu'à s'oublier pour certaines).
Sigrid Nunez présente là une fresque importante de ce que l'Amérique sociétale fut, loin du rêve colporté. Choc sociologique des naissances d'abord avec la dualité Ann (née riche) / Georgette (moins gâtée par le vie), choc culturel ensuite (Ann reniant son milieu d'origine avec violence, proche de la névrose / Georgette cherchant à s'élever socialement par les études et à placer des kilomètres entre elle et sa famille), vies disjointes (Ann et Solange vivant à fond leurs idéaux jusqu'à l'intransigeance / Georgette accumule maris, petits boulots, vie tranquille et cheminement finalement paisible). Sigrid Nuney évite la caricature et l'excès, décrit l’ultra-sensibilité et le radicalisme politique. Elle profite de son intrigue pour aborder par petites touches les mutations majeures de la société, en évoquant des faits anodins mais si révélateurs : la mutation des magasins féminins devenus des magalogues, contraction de magasine et catalogue (abandon des reportages enrichissants au profit de articles publicitaires déguisés), la critique littéraire professionnelle biaisée par des lectures incomplètes ou des ronds de jambe assumés, la vie en milieu carcéral ou les meurtriers de policiers ont le droit à un traitement de (dé)faveur par les surveillants, l'impossibilité pour un couple riche/pauvre de survivre malgré l'évolution des mœurs : chacun reste cantonné à ses origines sociales.
Lecture enrichissante mais non linéaire, prose fournie, récit parfaitement maîtrisé, documentation impressionnante : une présentation d'une certaine époque révolue, aux thèmes malheureusement actuels. Une vraie plongée en apnée.
page 42 : « Les gens qui n'arrêtent pas ont peur de se retrouver seuls. »
Traduction de Sylvie Schneiter (petit souci en page 128 avec le mot ver de terre à ne pas confondre avec le vers poétique). Il y a quelques coquilles d'écriture (malheureusement, le roman que je possède semble être une épreuve définitive)
Éditions Fromentin (397 pages)
SP reçu des éditions Fromentin dont je loue la patience (pas de courriels de rappel intempestifs malgré mon retard de plus d'un mois) : je les remercie de leur confiance.
Rentrée littéraire janvier 2014
Ce livre voyage : n'hésitez pas à me le réclamer !!!!!!!!
avis: Nadael, Daniel, L'Irrégulière, Brize, Deedoux, Gambadou
et un de plus pour les challenges de Sharon, de Miss G et de Valérie
Et nos yeux doivent accueillir l'aurore relate l'épopée de trois jeunes femmes emplies d'idéaux : Dooley Frayton, alias Ann, une riche à la peau diaphane qui a épousé jusqu'au-boutisme la cause noire, Georgette George, sa colocataire pendant les années étudiantes et puis Solange, la frangine de cette dernière, qui n'hésite pas à fuguer à l'âge de quinze pour vivre comme une hippie et échapper au cocon familial oppressant et violent, à parcourir le territoire américain en long et en large et parfois à mettre son cœur/son corps à rude épreuve. Une modérée d'un côté, deux extrémistes de l'autre qui choisissent la lutte et le combat politique (Ann), les drogues et les road-movies (Solange). En arrière-plan, l'Amérique détaillée dans toutes ses contradictions : la liberté d'entreprendre et de se mouvoir versus les ghettos sociaux. Les couples mixtes n'ont pas le droit de citer en ces années-là, les bavures policières et les mouvements terroristes sont légion. L'époque se veut gaie (avec l'avènement de groupes comme les Rolling-Stones et le charismatique Mick Jagger, le festival Woodstock etc.) mais finalement perturbée par les conflits (externes avec la guerre contre le Vietnam, internes avec la ségrégation raciale, les citoyens de seconde zone et les groupuscules anarchistes). Un dénominateur commun : l'amour (jusqu'à s'oublier pour certaines).
Sigrid Nunez présente là une fresque importante de ce que l'Amérique sociétale fut, loin du rêve colporté. Choc sociologique des naissances d'abord avec la dualité Ann (née riche) / Georgette (moins gâtée par le vie), choc culturel ensuite (Ann reniant son milieu d'origine avec violence, proche de la névrose / Georgette cherchant à s'élever socialement par les études et à placer des kilomètres entre elle et sa famille), vies disjointes (Ann et Solange vivant à fond leurs idéaux jusqu'à l'intransigeance / Georgette accumule maris, petits boulots, vie tranquille et cheminement finalement paisible). Sigrid Nuney évite la caricature et l'excès, décrit l’ultra-sensibilité et le radicalisme politique. Elle profite de son intrigue pour aborder par petites touches les mutations majeures de la société, en évoquant des faits anodins mais si révélateurs : la mutation des magasins féminins devenus des magalogues, contraction de magasine et catalogue (abandon des reportages enrichissants au profit de articles publicitaires déguisés), la critique littéraire professionnelle biaisée par des lectures incomplètes ou des ronds de jambe assumés, la vie en milieu carcéral ou les meurtriers de policiers ont le droit à un traitement de (dé)faveur par les surveillants, l'impossibilité pour un couple riche/pauvre de survivre malgré l'évolution des mœurs : chacun reste cantonné à ses origines sociales.
Lecture enrichissante mais non linéaire, prose fournie, récit parfaitement maîtrisé, documentation impressionnante : une présentation d'une certaine époque révolue, aux thèmes malheureusement actuels. Une vraie plongée en apnée.
page 42 : « Les gens qui n'arrêtent pas ont peur de se retrouver seuls. »
Traduction de Sylvie Schneiter (petit souci en page 128 avec le mot ver de terre à ne pas confondre avec le vers poétique). Il y a quelques coquilles d'écriture (malheureusement, le roman que je possède semble être une épreuve définitive)
Éditions Fromentin (397 pages)
SP reçu des éditions Fromentin dont je loue la patience (pas de courriels de rappel intempestifs malgré mon retard de plus d'un mois) : je les remercie de leur confiance.
Rentrée littéraire janvier 2014
Ce livre voyage : n'hésitez pas à me le réclamer !!!!!!!!
avis: Nadael, Daniel, L'Irrégulière, Brize, Deedoux, Gambadou
et un de plus pour les challenges de Sharon, de Miss G et de Valérie