Chronique « Warship Jolly Roger » (T1) : Qu’y-a-t’il de plus dangereux qu’un soldat ? Un soldat blessé.
Scénario de Sylvain Runberg, dessin et couleurs de Miki Montllo
Public conseillé : à partir de 16 ans
Style : Science-fiction, Références : Blade runner, Les triplettes de Belleville, histoires de pirates. Paru chez « Dargaud, le 2 mai 2014
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L’histoire
Le général John Tiberius Monroe a été trahi. Par ceux qu’il servait : sa confédération et l’homme qui la dirige d’une main d’acier, le président Vexton. Obéissant aux ordres, tentant de le faire sans afficher d’états d’âme, il provoque le massacre de milliers de civils en maîtrisant une rebellion sécessionniste. Le gouvernement, désireux de contrer un soulèvement général en réaction à cet acte de guerre malheureux, fera de lui un bouc émissaire. Il y perdra sa dignité, sa famille et ses illusions.
Quatre ans plus tard, profitant d’une tentative d’évasion avortée, Monroe s’échappe en compagnie de trois acolytes aux personnalités bien disparates : rien ne semble pouvoir lier les membres de cette curieuse troupe, mais l’ex-soldat, humilié, désire obtenir réparation. Et faire la guerre… à sa façon. Et quoi de mieux, pour commencer, que de faire main basse sur le Valkyrie, vaisseau dont il avait le commandement, afin de retourner ses feux contre ses maîtres ?
Ce que j’en pense
Bon, d’accord, je risque de manquer d’objectivité : j’aime la SF. Mais un flibustier de l’espace borgne ne laissait rien augurer de bien inédit…
Détrompez-vous ! Avec Warship Jolly Roger, nous tenons un canevas original et prenant (au même titre qu’Orbital, du même scénariste) soutenu par un dessin puissant et mature.
En s’évadant du pénitencier de Tullanium (je ris encore de la malencontreuse tentative à l’origine de cette cavale), Monroe est blessé et perd donc son oeil. C’est un baptême qui fera de lui un nouvel homme, un pirate, un vrai, un balaise ; et ses compagnons de bordée aux origines et aux caractères si divers formeront un équipage idéal, prétexte à péripéties et situations conflictuelles vouées à être dépassées.
Ainsi, Alisa Rinaldi, seule femme de ce périple, est une indépendantiste, de ceux que combattait le général Monroe avant sa disgrâce ; quant à Treize, mystérieux adolescent parricide, il dévoilera progressivement des capacités exceptionnelles mais inquiétantes.
Ma préférence va cependant à Nikolai Kowalski, contrebandier à la mine sympathique et à l’air débonnaire, qui a en réalité une façon tout-à-fait personnelle et expéditive de régler les petites complications de la vie. Un psychopathe.
Le dessin
Ce dessin a un effet étonnant : je ne lisais pas une bande dessinée, je regardais un animé. Il ne s’agit pas juste d’une influence ou d’un style graphique, mais plutôt d’une mise en couleur propre au genre, de jeux de lumière qui transcendent chaque case. On y retrouve du Sylvain Chomet là-dedans.
Pour résumer
Ça commence bien : c’est de l’aventure, c’est divertissant et intelligent, un rien violent, mais je ne peux m’empêcher de penser que ça ne bridera pas l’expression d’une certaine moralité. Après tout, le pirate n’est-il pas fondamentalement une victime des circonstances ?