page 33 Lorsqu'il était ivre de vin, ou de laudanum, sa présence devenait plus dérangeante que celle d'un mort, parce qu'il accaparait toute la solitude.
page 36 Ils furent nombreux à relever le dénuement de cet étrange contemporain. On en était plus frappé, et pour tout dire, blessé, qu'il semblait volontaire ou pire, la conséquence d'une liberté. Les pauvres avaient au moins le tact d'avoir envie de toutes les choses dont ils étaient privés. Tandis que celui-là vous gâchait le plaisir par son indifférence, par ce ni chaud ni froid que lui faisait toute marchandise.
page 49 Et Marie eut envie de lui demander : pourquoi cracher, pourquoi toujours cette colère ? mais elle passa son bras dans le sien. L'aplomb des montagnes, en face, occupait le silence mais ne l'humiliait pas.
page 72 Courbet disait : « je peins ce que je vois », mais il a travaillé, lui aussi, à se rendre voyant. Vraiment, les opinions n'ont aucune importance. La pensée des hommes se tient dans ce qu'ils font, et peu importe si leurs bavardages énoncent tout le contraire.
page 73 ..., le peintre laissa monter en lui un doux chagrin de peintre : l'espace ne s'ouvrait, ne se disposait qu'à l'oreille, au nez : la brise, le bruissement des feuilles, une barque dont les amarres grincent, un grillon qui se tait soudain à l'approche d'on ne sait quoi, d'un campagnol, d'un orvet, l'odeur des ifs, sur la gauche, l'odeur de la pierre qui fraîchit et, sous le pied, celle du pissenlit qu'on écrase ; par touches, par notes longues ou vives, le paysage se compose, laissant le peintre sans grand pouvoir de transposition. Courbet se prit à rêver d'une peinture au noir, sonore et odorante.
rentrée littéraire 2013
Lu dans le cadre du prix Biblioblog 2014.
avis : Jérôme, Maryline
et un de plus pour les challenges de Shelbylee et d'Asphodèle (trois prix pour ce roman dont le Prix Marcel Aymé 2013)