Le scénariste de « L’astrolabe de Glace » livre quelques secrets de fabrication de sa série concept : « Les 7 merveilles »
N’oubliez pas de lire notre chronique consacrée au 1er tome : « La statue de Zeus«
Share
J.V. Comment est né le projet ? Je crois savoir que tout est parti d’un scénario sur les jardins de Babylone…
L.B. J’avais envie de raconter un récit sur l’esclavage du peuple juif à l’époque de Nabuchodonosaur.
C’est un hommage à “Nabucco”, l’opéra de Verdi.
Je me suis rendu compte que les jardins suspendus devenaient de plus en plus importants, presque un véritable personnage. Pourquoi alors ne pas imaginer six autres récits pour chacune des 7 merveilles du monde ?
J.V. Malgré les titres explicites, tu as évité de parler de la construction des monuments…
L.B. C’est un peu un hasard si les deux premiers n’en parlent pas, car certains récits évoquent la construction. Sur un des albums, il s’agit de la destruction. Sinon, il s’agit d’histoires qui se déroulent autour du monument.
Je fais de mon mieux pour “changer l’angle de vue”.
J.V. C’est un fil rouge. Le but n’est pas de raconter les 7 merveilles ?
L.B. Non, je veux raconter des histoires avant tout.
J.V. Dans “L’Astrolabe de glace”, ta précédente série chez Delcourt, tu traitais déjà de récits historiques et de thrillers.
L.B. Oui, je m’amuse avec ça. J’aime quant il y a quelque chose de caché, du mystère…
J.V. Qu’est ce qui te stimule le plus ? L’historique ou la fiction ?
L.B. C’est les deux. A mon avis, l’un ne peut exister sans l’autre. Si je me limite à l’histoire, c’est trop sage. Donc, il faut forcément ajouter des éléments fictifs et construire une véritable histoire.
J.V. Il s’agit de “One shot”. le développement doit être immédiat..
L.B. C’est un travail de “concentration”. C’est un bon exercice.
J.V. Ce n’est pas trop contraignant ces 52 pages ?
L.B. Non, je connaissais la pagination dès le départ. Si tu as moins d’espace, il faut renoncer à certaines choses. On peut raconter une histoire en 10 planches comme en 100.
J.V. Dans les 2 tomes, je vois une réflexion sur la beauté. Dans le T1, c’est la beauté des corps. Dans le T2, c’est la beauté perdue du jardin d’Eden.
L.B. Oui, La beauté c’est le fil rouge : la beauté des “7 merveilles du monde”.
C’est aussi le sentiment d’émerveillement pour ceux qui se retrouvent devant ces monuments. Je cherchais à rendre la stupeur que pouvaient éprouver les hommes de cette époque devant de tels monuments. Dans une culture ancestrale, ça devait être très impressionnant. C’est encore le cas aujourd’hui, à Paris, devant la tour Eiffel, à Rome, devant le Colisée…
J.V. Sur le tome 1 (La statue de Zeus), tu parles des jeux olympiques, très éloigné de la vision “romantique”.
L.B. C’était mon but. Je voulais donner une version plus “historique”. Je cherchais une autre approche. En étudiant l’histoire des jeux olympiques, je me suis aperçu qu’il s’agissait d’une “rencontre tribale”. C’était la période pendant laquelle on ne faisait pas la guerre, mais la guerre continuait sur le stade.
Parfois, j’ai triché un peu. J’ai gardé le principe de la couronne de laurier, car c’était très fort dans l’imaginaire collectif, mais ça n’a rien de véridique. (rires)
J.V. Certaines arènes sont de taille très modestes.
L.B. C’était assez pauvre, simple, comme la cérémonie d’ouverture d’ailleurs. J’ai cherché des références, la carte d’Olympie. Avec le temps, les films ont changés notre vision, mais je voulais une approche différente.
J.V. Les très beaux corps d’hommes sont particulièrement mis en valeur, mais pas de belles femmes…
L.B. C’est grâce au dessinateur, Stefano. J’ai été frappé par sa capacité académique à représenter l’anatomie. Quand j’ai vu qu’il était très fort pour dessiner les corps, j’ai retravaillé l’histoire dans ce sens.
On a représenté le corps masculin dans tous les âges : l’enfance, l’adolescence, l’homme d’âge moyen, le vieux… Sans oublier le corps de pierre de la statue de Zeus.
C’est une histoire “anatomique”, d’une certaine façon…
J.V. Les combats sont très violents, durs. Vous vous fixez une limite ?
Non, pas vraiment. on fait ça de façon assez “naturel”.
J.V. Les 2 tomes sont servis par un dessin académique.
L.B. Oui, je crois que pour faire de l’historique, il faut avoir des capacités académiques. C’est comme ça. Pour rendre crédible un contexte historique, comme la culture Babylonnienne. Il me fallait des dessinateurs capables de dessiner de façon réaliste.
J.V. Je t’ai senti très inspiré par ces jardins. Un jardinier, comme héros, ce n’est pas banal…
L.B. C’est beaucoup moins classique. J’ai choisi un point de vue particulier. C’est plus expérimental. Les personnages sont à la recherche de la beauté…
J.V. La dimension symbolique du jardin d’Eden, le paradis perdu, t’a inspiré ?
L.B. Oui, La perte du paradis, c’est la perte de la liberté du peuple juif, trainé en esclavage. C’est aussi la perte de liberté du roi. C’est le souverain, mais il n’est pas libre.
C’est presque un Opéra, une comédie de théâtre…
J.V. J’y ai vu une dimension classique, presque “shakespearien”, avec l’amour perdu, le destin tragique…
L.B. Oui, Je cherchais à apporter aux personnages la conscience de leur destin. Ils se laissent conduire par leur destinée, contre laquelle ils ne peuvent lutter. C’est un peu mélancolique.
J.V. Le Tome 2 (Les jardins de Babylone) a du poser des problèmes de documentation…
L.B. Sur les grecques, on a beaucoup de chose, mais aussi des trous noirs. Sur Babylone, il y a des éléments connus, comme la planimétrie de la ville.
Oui, mais on a des descriptions tardives, imaginaires…
Surtout sur les jardins. On ne sait pas s’ils ont existé ou non ? Il n’y a pas de témoignages.
J.V. Comment le dessinateur s’y est-il prit pour représenter ces lieux ?
L.B. Avec beaucoup d’imagination. C’est un élément fantastique. C’est un un puzzle d’éléments connus et d’éléments imaginaires.
J.V. Et pourtant, le résultat a l’air crédible.
L.B. Le but, c’était de faire quelque chose de vraisemblable. C’est ni de la fantasy, ni de l’historique à 100%. Je voulais rester crédible.
J.V. Tu as pris des coloristes différents pour chaque album ?
L.B. On a choisi de donner à chaque album un coloriste différent pour des raisons techniques, mais aussi pour les styles graphiques de chaque dessinateur. Javi Montes est très bon sur le dessin de Roberto, qui a une ligne très claire, très fine. Lou est plus adapté au dessin de Stefano Andreucci, plus classique, avec plus de noir.