Une vie d'emprunt

Par Stéphanie @Sariahlit
" Qu’avait-il fait ? Ou que n’avait-il pas fait ? "
Fishman Boris
448 pages
Éditions Buchet Chastel (2014)
Collection Littérature étrangère
Slava, jeune Juif russe de New York, est un modèle d’intégration. Fuyant sa communauté, sa langue maternelle et le poids du destin familial, il s’est installé à Manhattan où, à défaut de réaliser ses rêves d’écrivain, il a dégoté un poste de larbin pour la prestigieuse revue Century avec, en prime, une petite amie américaine branchée et sexy.
Mais la mort de sa grand-mère le ramène brutalement parmi les siens, à Brooklyn, et plus précisément chez son grand-père. Le vieux Guelman a souffert dans la vie parce qu’il était juif, parce qu’il était citoyen de seconde zone en Union soviétique, puis immigré russe en proie au mépris d’une Amérique triomphante – et voudrait bien, aujourd’hui, obtenir réparation. Mais il n’est éligible à aucun programme d’indemnisation. Qu’à cela ne tienne, Slava est écrivain, il sait raconter des histoires…

Extrait :
« Slava la connaissait dans son propre corps. Dans sa bouche, par la nourriture qu’elle y enfournait. Dans ses yeux, dont elle avait séché les larmes de ses doigts bouffis. Grand-mère avait été dans l’Holocauste – dans l’Holocauste ? Comme dans l’armée, dans la mouise ? La syntaxe avait l’air de clocher. À l’Holocauste ? De l’Holocauste, avec, depuis ou jusqu’à ? Les prépositions anglaises, effarées par la tâche à accomplir, laissaient à désirer – même si elle n’en disait jamais plus, et que personne ne l’embêtait avec ça. Ce que Slava ne pouvait comprendre, même à dix ans. À l’époque, il avait déjà adopté la façon de voir américaine : mieux vaut savoir que ne pas savoir. Elle disparaîtrait un jour, et personne ne saurait jamais. Malgré cela, il n’avait jamais osé demander. N’avait fait qu’imaginer. Aboiements de chiens, barbelés, ciel perpétuellement gris. »
Mon avis :
Slava a une situation sociale et financière enviable aux yeux de ceux de son peuple alors que ses grands-parents ont vécu durant la guerre. C'est un jeune russe juif qui essaie de se tenir à l'écart de ses origines, comme si il tente de renier ce qu'il est. La mort de sa grand-mère le pousse toutefois à revenir auprès des siens pour les aider dans les démarches de l'enterrement. Son grand-père lui demande alors d'inventer sa vie durant l'Holocauste afin qu'il puisse obtenir une indemnité livrée à ceux qui ont souffert durant la guerre. Hors, si Slava travaille pour un journal, réécrire la vie de ses grands-parents est une autre affaire.C'est un récit qui se veut commémoratif, qui nous rappelle le passé et ses drames. Mais aussi la mise en avant d'une quête identitaire : Slava est tiraillé entre sa culture juive, la provenance de sa famille, et sa volonté de vouloir devenir un citoyen américain comme un autre. Pourtant, je n'ai pas été plus emballée que cela par la lecture de ce récit. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup trop de personnages secondaires, ce qui fait que j'ai eu quelques difficultés à me retrouver dans le récit. De même, l'intrigue me semble partir dans tous les sens dévoilant des souvenirs, des brèves sur des protagonistes coupant ainsi le déroulement de la narration. Mon attention s'en est trouvée délitée au fil des pages. Cette impression de brouillon est ce qui m'a le plus gênée dans ma lecture : l'auteur part dans une direction en nous plongeant dans la vie de Slava et des souvenirs, puis les passages de la vie de Slava ou de ses grands-parents viennent s'y intégrer de façon plutôt bancale. Malgré les thèmes abordés par le récit, je n'ai pas pleinement apprécié ma lecture ; j'ai d'ailleurs mis plusieurs jours à le terminer.
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