Peau vive - Gérald Tenenbaum ***

Ève Reizer somatise du toucher : depuis l'abandon maternel, elle ne peut avoir aucun contact physique avec quiconque sans ressentir une décharge électrique fulgurante. Son entourage s'en accommode, son petit ami patient aussi. En 1988, la sortie du film décrié La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese va embraser son quotidien et son destin. Peau vive - Gérald Tenenbaum *** Peau vive - corollaire de ce que ressent l'héroïne - est un roman facile à lire : une narration linéaire avec quelques retours en arrière annoncés par les souvenirs paternels, des personnages bien marqués (on ne se perd pas entre la mère Suzanne, la sœur Irène, le père Jean, le petit copain André, tous affublés de prénoms d'époque 1962), une quête pour mieux vivre et résoudre des difficultés qui dépassent l'entendement médical. 
Ève, isolée des autres, fuit la foule des grands soirs, où le moindre contact la broie. L'héroïne, coincée par ses réactions épidermiques d'origine psychologique, bénéfice d'un ange gardien mystérieux plutôt actif : protecteur, il lui épargne tout plein de tracas voire de gros soucis. Très vite, Gérald Tenenbaum penche son intrigue d'un point de vue historique puisque la rédemption d'Ève s'accompagnera du franchissement d'un autre mur, physique celui-là.
Et c'est peut-être là que le bât blesse : à trop vouloir en faire, Gérald Tenenbaum abuse et du coup, on n'y croit plus (ou du moins, moins !). Passe encore l'incapacité physique à toucher autrui (et à être touchée). Mais la façon dont Ève se sort miraculeusement d'une non-fouille à la douane ferroviaire n'est pas crédible, en temps de RDA. De même, la liquidation d'une maladie aussi chronique que névrotique le temps d'une danse m'a paru quelque peu légère, comme si l'auteur souhaitait se débarrasser de son histoire. 
Pourtant l'image de l'ange-gardien, le fameux Ebreo errante, reste la vraie et bonne idée de ce roman, lien entre le cinéma (lieu de demi-mort et de seconde vie pour Ève), un film-souvenir que partagent l'héroïne et son amoureux André et enfin, la solution du problème de celle-là (voyage en Allemagne de l'Est, mémorial juif, retour vers l'histoire familiale plus complexe qu'elle n'y paraît).  Image volontaire ou non de l'inconscient écrivain, la paire André-Ève (par son incapacité à avoir des relations sexuelles) semble symboliser le premier couple humain de la Genèse (base de la religion juive, la foi familiale de l'athée Jean), en partage les initiales ( Adam-André, Ève ) et tente d'une certaine façon de répondre à un autre immense péché.   Un moment de lecture sympathique et intéressant. 
Peau vive - Gérald Tenenbaum *** Éditions La Grande Ourse
Livre reçu par surprise (je pensais qu'il venait de l'opération On vous lit tout du site Libfly.com mais en fait, pas du tout !) Donc j'adresse un grand merci à un ange-gardien des éditions La Grande Ourse !

et un de plus pour le challenge d'Iman Peau vive - Gérald Tenenbaum ***