Chronique « Mort au Tsar (T1) » : Le Grand-duc doit mourrir !
Scénario de Fabien Nury, dessin de Thierry Robin,
Public conseillé : Adultes, adolescents
Style : Drame historique
Paru chez Dargaud, le 22 aout 2014, 60 pages, 13,99 euros
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L’histoire
17 septembre 1904. Le peuple russe manifeste devant le balcon du grand-duc Alexandrovitch Serguei, gouverneur de Moscou. Quand il lâche son mouchoir, les troupes impériales ouvrent le feu sur les malheureux. Résultat : 47 victimes dont douze femmes et trois enfants. Effrayé des conséquences de ce geste mal interprété, le grand-duc va visiter l’hopital de fortune, mais ne trouve pas de mots de consolation. A son retour, un mot d’encouragement du Tsar Nicolas II l’attend.
1904, le gouverneur est victime d’un attentat en pleine rue. Il s’en sort sans une égratignure. Désormais, il le sait, son temps est compté…
Ce que j’en pense
Revoici le duo gagnant de « La mort de Staline » dans un nouveau dyptique russe. Il serait facile de taxer Fabien Nury et Thierry Robin d’opportunistes, après le succès tant auprès des lecteurs que des critiques qu’ils avaient remportés. Et pourtant, l’histoire russe (la « grande » comme la « petite ») est une source d’inspiration inépuisable qui mérite bien ce nouveau récit.
« Mort au Tsar » pourrait s’appeler « Chronique d’une mort annoncée », tellement le poids dramatique du futur assassinat du grand-duc est au centre du récit.
Il ne s’agit plus, pour Nury, de se délecter des délires du pouvoir russe, en passant l’Histoire à la moulinette. Si la démeusure de l’empire est bien présente, je n’ai pas vraiment rigolé (au second ni au troisième degré) des situations.
Les auteurs brossent un portrait tout en contradiction du Grand-duc. C’est le jouet d’une situation, de ce qu’attend de lui son neveu le Tsar, un portrait d’homme traqué, perdu dans un destin trop grand pour lui et non un monstre capable de tuer de sang froid son peuple.
Profondément dramatique, Nury passe en revue tous les sentiments du grand-duc. Colère, refus, évitement, puis résignation, acceptation, on suit le chemin de cet homme vers une mort inéluctable.
En parsemant le récit d’anecdotes et de lettres (tantôt vengeresse, tantôt compatissante), il nous rend ce personnage plus accessible, plus humain : une véritable victime expiatoire en somme.
Le dessin
Thierry Robin, largement apprécié pour « La mort de Staline « , mais aussi pour ces séries chez Delcourt (« Koblenz », « Rouge de Chine ») et ses albums jeunesse chez Dupuis (« Petit père Noël ») signe un dessin impeccable et toujours aussi personnel. Son trait semi-réaliste, très anguleux, dynamique, traduit à merveille les émotions des personnages.
Sous les ors de l’Empire russe, ou dans la pauvreté du petit peuple, ses décors détaillés posent des ambiances réalistes et impressionnantes. Ajoutez à cela un sens du découpage cinématographique et une lisibilité maximale (pas étonnant avec Nury au scénario) et vous obtenez un album qui se lit comme du petit lait.
Pour résumer
Intense, dramatique, cette « chronique d’une mort annoncée » va vous remuer les tripes. Nouveau dyptique russe pour les auteurs remarqués de « La mort de Tsaline », Fabien Nury et Thierry Robin vous attendent au tournant. Brossant un portrait très subtil d’un homme traqué qui attend sa mort, ils nous emmènent dans une tragédie digne des grandes histoires humaines. Simple, direct et inéluctable !