Le Chant du Cygne (T1) Déjà morts demain

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Le Chant du Cygne (T1) » : 1917, une compagnie se mutine pour dénoncer l’entêtement meurtrier de l’état-major…

Scénario de Xavier Dorison & Herzet, dessin de Cédric Babouche

Style : Drame historique, Public : Ado-adulte, à partir de 12 ans

Paru chez Le lombard le 29 aout 2014, Collection « Signé »,
64 pages couleur, 14.99 euros

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L’histoire

En 1917, dans les boyaux du front, la guerre s’enlise déjà depuis trois longues années. Le sergent Sabiane (Patt) reçoit un ordre de son lieutenant Katzinski (Katz) : Pour la onzième fois consécutive, la compagnie doit monter au front derrière les tanks.
Malgré le peu d’enthousiasme des hommes, impossible de se défiler devant un ordre direct. Avec ses gars (La Tiff, La science, Le Boeuf, Larzac…), c’est l’assaut sous la mitraille. Le résultat est une hécatombe, qui se solde par un retour au bercail avec quelques hommes en moins…
Le soir, Larzac croise Grimmeaux, un gars de son village. Ce dernier lui confie, sous le manteau, la « Pétition de la côte 108″. Un papier explosif, signé par plus de 3.0000 hommes, qui dénonce toute l’absurdité des ordres du Général Nivelle. De quoi envoyer au peloton d’exécution tout soldat qui oserait la signer…

Ce que j’en pense


Encore un récit qui profite des commémorations du centenaire du début de la Grande Guerre ?
Ah, ben non, pas vraiment ! Les deux scénaristes Xavier Dorison ( « Long John Silver« , « Le Troisième Testament », « Prophet« , « West », « H.S.E« …) et Emmanuel Herzet (« La branche Lincoln », « Narcos », « Les duellistes »…) nous proposent, avec Cédric Babouche au dessin, un récit personnel et subversif d’une petite poignée d’hommes pendant la Grande Guerre.
Avec ce premier tome (sur deux), Xavier Dorison et Emmanuel Herzet composent un récit à quatre mains, haletant et violent d’une mutinerie. Mais n’est pas Pirate qui veut ! Lessivée par l’enlisement du conflit, bousillée par les morts inutiles, une brigadese rebelle pour dénoncer les erreurs du commandement. Et tant qu’on y est, pourquoi pas renverser le gouvernement ?
Ces « moulins de Don Quichotte », cette cause perdue d’avance commence comme un « coup de sang ». Quand le général ?????? leur promet trois semaines de perm’, il n’est pas question de les en priver. Mais, l’aventure pour reconquérir cette promesse va dégénérer. De quoi emmener tout ce petit monde directement par la case peloton d’exécution, sans préavis, ni jugement…
Dramatique et fort, le contexte là ! Mais l’effort des scénaristes est surtout mis sur le groupe d’hommes et les trajectoires individuelles. Xavier Dorison et Emmanuel Herzet suivent avec précision le cheminement de chaque homme. Les soldats assez « basiques », qui ne rêvent qu’à profiter d’un moment de répit, les idéalistes, sans oublier le lieutenant Katzinski qui se met en danger pour rester avec ses hommes…
Ce premier opus du « Chant du Cygne » fait la part belle aux hommes, dans toutes leurs complexités, leurs peurs, leurs erreurs…
Le thème de cet album (l’idiotie de cette guerre et la rébellion de quelques hommes contre le commandement), m’a fait penser au film de Jean-Pierre Jeunet : « Un long dimanche de fiançailles« . Mais Xavier Dorison et Herzet choisissent de s’en tenir à leur sujet : le groupe d’hommes face à leur choix…. et les conséquences de leurs actes. Ici, ni « beauté des sentiments », ni « amour » ne viendra adoucir les contours de ce monde en guerre…
Humain, sensible, dramatique, le récit n’en est pas moins solidement documenté. J’imagine que cette base « historique » est assurée par Emmanuel Herzet, passionné d’Histoire. Ainsi, la vie des poilus, avec tous les détails sordides, ne nous sera pas épargné. Bien entendu, ce réalisme au quotidien rend plus crédible ce récit basé sur des faits réels.
Enfin, « Le Chant du Cygne » n’est pas un « Drama » de dialogues. C’est un récit plein de rebondissements, une « évasion » comme sait si bien les construire Xavier Dorison. Avec des scènes d’actions quasi-permanentes, qui pètent dans tous les sens, l’histoire avance à coup de bombes et de scènes spectaculaires.

Le dessin


Cédric Babouche est un jeune dessinateur, formé à l’école « Olivier de Serres« , qui s’est spécialisé en animation (école « Emile Cohl« ). Après quelques expériences en Direction Artistique et réalisation de films d’animation, il se lance avec « Le Chant du Cygne » dans son premier projet de BD.
La mise en image de ce récit de mutinerie est particulièrement étonnant. Construit sur un gros travail de documentation (la boue, la crasse des tranchées…), il pose un dessin en « couleurs directes » (aquarelles) qui tranche avec les choix habituels de la bande dessinée « franco-belge ».
Cédric dessine des personnages aux tronches expressives, qui ne sont pas sans rappeler le traitement graphique d’un Manga animé. Ce qui n’est pas vraiment étonnant avec son expérience sur le film « Yona, Yona Penguin » de Rintaro.
Chaque planche, traitées en deux couleurs dominantes, vibre d’émotions. Bravo pour cette prise de risque et pour le résultat graphique !

Pour résumer


Premier tome, mené de mains de maîtres, par un trio d’auteurs, “Le Chant du Cygne” est un récit humain, documenté et explosif qui ose le mélange des genres. Suivez le parcours désespéré entrepris par une poignée d’hommes contre l’idiotie de la guerre.
Crédibles, justes, humains, ces hommes et leurs combat semblent tout simplement vrais. Inspiré de fait réels, Xavier Dorison et Emmanuel Herzet nous offrent une “grande bande-dessinée” à lire avec respect et émotion.