Soirée de lancement de J'existe à peine de Michel Quint au Théâtre du Nord le jeudi 1er octobre 2014

Par Philisine Cave
Suite à l'entrevue avec l'auteur, je me dirige vers le Théâtre du Nord où sont disposées sur la scène des tables rondes : de gentilles hôtesses nous proposent un apéro (vin rouge, vin blanc) et de quoi nous substanter le temps de la (re)présentation.  Je m'installe, retrouve afbf (contributrice assidue de Libfly.com), écoute l'auteur de J'existe à peine (Éditions Héloïse d'Ormesson) et Gervais Robin, un comédien habitué à travailler avec Michel Quint. Les deux content quelques extraits bien choisis, pour donner envie, sans en dévoiler trop.

Michel Quint assis, devant un verre de vin rouge (excellent, d'ailleurs) et une grosse boîte de fraises Tagada (élément décisif de J'existe à peine)

Le premier morceau choisi présente le narrateur, Alexandre Sénéchal, peu ancré dans la réalité (du fait de son activité artistique qui le fait passer d'un personnage à un autre, en un temps record) et en difficulté existentielle.
Une spectatrice demande à Michel Quint s'il a voulu être comédien. Celui-ci précise que bien qu'inscrit, en son jeune temps, au conservatoire de Tourcoing, il ne s'est pas risqué à une carrière mais reste passionné par le théâtre qu'il a enseigné en lycée.
Puis arrive la présentation de Julius Braeme, prêtre de l'enfance d'Alexandre, celui qui l'a protégé, même si... Michel Quint parle de son absence d'éducation religieuse (même s'il précise facétieusement que ses parents profondément athées lui ont offert un repas de communion, sans la fête religieuse qui va avec, comme cela se fait beaucoup dans le Nord). Il a délibérément choisi ce curé tricheur à l'image de certains footballeurs : il se souvient de prêtres jouant au foot de rue avec des jeunes, cette image a façonné « son » diacre.
Le retour à l'enfance d'Alexandre ne représente en rien une nostalgie (la douleur du retour, en grec) mais une tentative de se reconnaître en l'enfant qu'il était. Avec toujours ce questionnement tragique de l'existence : quand la poisse a-t-elle commencé ? Quel fut l'élément déclencheur ?  Michel Quint rappelle notre incapacité à maîtriser le destin.

Gervais Robin debout, Michel Quint assis

L'extrait suivant marque les repères physiques de l'enfance, le constat d'un monde disparu (la Lainière de Wattrelos) qui a laissé un désert architectural. Ce retour au pays de l'enfance totalement rasé est une façon de rendre hommage à tous ces métiers disparus.
Puis intervient l'élément Marion dans un marivaudage gastronomique : une des prétendantes d'Alexandre, déjà fiancée à Gaspard, un bidasse professionnel. Marion, sensuelle, voluptueuse, fortunée et au cerveau bien fait.  Elle va financer la reconstitution de la visite de la reine Élisabeth II en 1957.
Léonore arrive enfin : elle loue des chambres d'hôte, en propose une à Alexandre (et plus, si affinités). L'alternative amoureuse se met en place et le cœur d'Alexandre tangue dangereusement. Tout détail compte chez Michel Quint : ici des fraises Tagada, là un violon laissé à l'arrière d'une voiture, la fin de vie de Marcel Cerdan et de Ginette Neveu mise en scène malgré soi, comme une pirouette ultime du mauvais sort. C'est aussi ce qui fait que ce livre tient sur un fil, tel un équilibriste vertueux et assuré : la logique demeure implacable et respectée, aucun défaut n'est à noter, le verbe est haut et teinté aux couleurs locales (nordistes). La boucle est définitivement refermée.
Scène dans l'église où on réalise l'importance des absents : Jean-Marc et Chantal (les parents adoptifs), la mère biologique d'Alexandre, le père de Léonore mort déshonoré. Jamais ces disparitions ne pèsent autant qu'aux noces. Julius a un truc à se faire pardonner et mène sa propre rédemption. Tous les personnages sont liés, accrochés à une même toile d’araignée, qu'il est bon ou dangereux de démêler.
Et puis arrive en fin de parcours le thème de l'héritage des idéologies de mai 1968, par l'intermédiaire de deux témoins du braquage du tram. Et des questions se posent irrémédiablement : a-t-on gardé la même lucidité, le même esprit de combat ? Est-on devenu aussi pires que ceux vilipendés en 1968 ?
À vous de réfléchir, de répondre et de lire...