Yaoouuuhhh !!! Je ne suis pas un hurluberlu !!!
Dans ma chronique du 12 mai 2012, je m’inquiétais. Étais-je le seul à trouver de l’inspiration dans mes muscles, à dénicher des solutions en marchant, joggant, roulant sur mon vélo ? J’avais cherché dans les livres, dans internet. De ma recherche, j’étais revenu bredouille. La science se taisait.
Eh bien, deux ans plus tard, elle le confirme. Une marche engendre plus d’idées créatrices qu’une tâche en position assise. Marily Oppezzo, PHD de l’Université de Santa Clara, une des auteurs d’une étude publiée par l’Association américaine de psychologie, me rassure. Je ne suis pas seul : « Plusieurs personnes déclarent mieux penser en marchant. »
Ils ont divisé 176 étudiants en deux groupes. Les premiers marchaient, les autres se faisaient pousser sur un fauteuil roulant. À des tests souvent utilisés pour mesurer la créativité de la pensée, par exemple trouver des usages divers à des objets, les marcheurs donnaient des réponses plus créatives. Pour déterminer si déambuler à l’extérieur contribuait à l’inspiration, les auteurs ont repris les tests à l’intérieur. Encore une fois, les marcheurs étaient plus créatifs que les personnes assises. Ainsi, l’environnement importe peu, le bénéfice spécifique est dans la marche.
La vie moderne, avec ses heures passées sur le banc d’école, devant la télé, l’écran d’ordinateur, son bureau, pour le travail, les études et les divertissements, nous garde assis en moyenne 66 % de notre temps d’éveil. Alors que je préparais ce billet, le hasard m’a fait visionner le très intéressant reportage intitulé Bureau actif à l’émission Découverte du 28 septembre à RDI. Nous y faisons connaissance avec le Dr James Levine, endocrinologue de la Clinique Mayo de Boston, et de son invention pour « partir en guerre contre la chaise », une table ajustable surplombant un tapis roulant branché à un ordinateur. Selon le Dr Levine, comme nous n’avons pas été conçus pour être assis tout le temps, notre corps ne peut fonctionner de manière optimale dans cette position. Il s’assoupit donc, et nous engraissons. Notre santé est en jeu. La table de travail du Dr Levine permet de s’affairer à l’écran tout en marchant sur un tapis roulant. Des études ont été réalisées sur ses utilisateurs. Tout aussi efficient au travail, le marcheur qui y prend le temps de marcher plusieurs fois par jour, se sent plus alerte au travail, moins fatigué en fin de journée, et plus heureux. En outre, une étude exécutée avec des électrodes externes captant l’activité cérébrale a démontré que le marcheur travailleur présente une hausse importante des ondes gamma, les ondes de l’attention. Et qui dit attention, dit concentration et performance.
Pendant le reportage, j’ai repensé à un détail de ma jeunesse, alors que je fréquentais l’école primaire de mon village, voisine du presbytère. Incrédules, nous, les jeunes, épiions le curé de la paroisse qui y lisait son bréviaire en faisant les cent pas sur la galerie. Des heures durant, il allait, venait, remuant les lèvres au rythme des pas et des prières. Nous trouvions amusante cette singulière habitude qui alimentait nos moqueries. Aujourd’hui, je comprends. En plus de le garder en forme, la marche l’aidait à prier, méditer, ou préparer sa prochaine messe.
Nous ne bougeons pas assez. Trop de travail, trop de responsabilités. Nous nous mentons à nous-mêmes ! Marcher en travaillant n’est peut-être pas donné à tous, mais une marche d’une vingtaine de minutes quelques fois par jour rendrait notre physique et notre mental plus forts. Pas besoin d’être un athlète de pointe.
Alors, j’imagine que comme moi, vous aimeriez être plus attentif, plus alerte et plus créatif ? Eh bien, faisons un pied de nez à notre chaise, et marchons !
Sources :
http://www.apa.org/news/press/releases/2014/04/creativity-walk.aspx
Marily Opperzo, Daniel L. Schwartz, Give your ideas some legs : The positive effect of walking on creative thinking, Journal of experimental psychology : learning, memory and cognition, avril 2014.
© Jean-Marc Ouellet 2014
Notice biographique
Jean-Marc Ouellet grandit dans le Bas-du-Fleuve. Médecin-anesthésiologiste depuis 25 ans, il pratique à Québec. Féru de sciences et de littérature, de janvier 2011 à décembre 2012, il a tenu une chronique bimensuelle dans le magazine littéraire électronique Le Chat Qui Louche. En avril 2011, il publie son premier roman, L’homme des jours oubliés, aux Éditions de la Grenouillère, puis un article, Les guerriers, dans le numéro 134 de la revue Moebius. Chroniques d’un seigneur silencieux, son second roman, paraît en décembre 2012 aux Éditions du Chat Qui Louche. En août 2013, il reprend sa chronique bimensuelle au magazine Le Chat Qui Louche.