Tout d'abord , merci à Clara qui m'a offert ce roman cet été (et pour cette découverte !) et merci à Athalie qui, en publiant son avis hier, m'a motivée à rédiger le mien !
Tout est brillant dans Le livre d'un été décomposé en instantanés : l'amour d'une grand-mère pour sa petite fille, leur complicité bienveillante, leur attention mutuelle malgré les fâcheries et les bouderies (parce qu'un été en totale immersion peut s'avérer lourd et long).
Il ne s'agit pas là des malheurs de Sophie (prénom de la fillette) mais de son éveil à la nature environnante, de ses sens en (triple) action et surtout de ses rêves à foison qu'elle cherche à mettre à exécution.
La grand-mère fume en cachette, use d'une canne pour faire trempette, espère investir une fête hippie, recrée le palais des Doges vénitien le temps d'une nuit blanche en guise de réconfort, change de Mappe en raison de différences inconciliables et tente une visite importune (parce que ces nouveaux voisins, inconnus au bataillon-, ont osé annexer l'île des Mouettes).
Seule ombre masculine perturbant le duo, le père de Sophie, lien biologique entre elles deux, tente de s'affirmer et s'enfuit souvent, conscient de sa présence en trop, et prête bon gré mal gré sa robe de chambre rassurante. Sophie rit, râle, pense, déclame avec mauvaise foi, paraît peu commode parfois et apprend au contact de cette aïeule attentionnée.
La prose enlevée, nourrie et proche des standards classiques de Tove Jansson, une relation de toute beauté où deux êtres vivent en adéquation avec leur environnement, un très bon moment de lecture : ce serait dommage de s'en priver !
pages 152 et 153 : une scène parmi tant d'autres
« Mais Sophie s'enfouit la tête dans les bras et continua de pleurer, accablée par la catastrophe qui frappait le Nyland oriental.
- Ce n'est pas ta faute, dit la grand-mère. Écoute-moi maintenant. Il y aurait eu la tempête de toute façon.
- Mais pas aussi forte ! gémit Sophie. C'est Dieu et moi qui l'avons faite !
Le soleil avait disparu et la pièce s'assombrissait rapidement. Le feu brûlait dans la cheminée. Et le vent était toujours aussi violent.
- Dieu et toi, répéta la grand-mère, irritée. Et pourquoi Dieu aurait-il exaucé justement ta prière, quand peut-être dix autres personnes l'ont prié, elles aussi, pour lui demander le beau temps ? Et elles l'ont fait, je t'assure.
- Mais c'est moi qui ai prié la première. Et tu vois bien qu'il n'a pas fait beau temps.
- Tu sais, dit la grand-mère, Dieu est beaucoup trop occupé pour écouter...
Le papa rentra et mit du bois dans le feu. Puis il leur donna une couverture qui sentait mauvais et sortit de nouveau pour regarder les vagues avant la nuit.
- Tu as dit toi-même qu'il écoute, dit Sophie froidement. Tu as dit qu'il entend tout ce qu'on lui demande.
La grand-mère s'étendit sur le filet aux harengs et dit :
- Bien sûr, mais vois-tu, je suis arrivée la première.
- Comment ça ?
- Je lui ai fait ma prière avant toi, c'est tout.
- Quand l'as-tu faite ? demanda Sophie méfiante.
- Ce matin.
- Et malgré ça, s'écria Sophie sévèrement, malgré ça, tu as emporté beaucoup trop peu de provisions et beaucoup trop peu de vêtements. Tu n'avais pas confiance en lui ?
- Si, bien sûr... Mais je pensais que ce serait plus passionnant sans...
Sophie soupira.
- Oui, dit-elle. C'est toujours comme ça avec toi ! Tu as pris tes médicaments ?
- Oui.
- C'est bien. Maintenant, tâche de dormir et d'oublier tous les ennuis que tu as provoqués. Je ne le dirai à personne.
- C'est gentil de ta part, dit la grand-mère. »
Traduction de Jeanne Gauffin
Éditions Le Livre de poche (163 pages consacrées au texte)
avis : Aifelle, Athalie, Cathulu, Clara, Hélène, Luociné,
et un de plus pour les challenges de À propos des livres et de Piplo
Tout est brillant dans Le livre d'un été décomposé en instantanés : l'amour d'une grand-mère pour sa petite fille, leur complicité bienveillante, leur attention mutuelle malgré les fâcheries et les bouderies (parce qu'un été en totale immersion peut s'avérer lourd et long).
Il ne s'agit pas là des malheurs de Sophie (prénom de la fillette) mais de son éveil à la nature environnante, de ses sens en (triple) action et surtout de ses rêves à foison qu'elle cherche à mettre à exécution.
La grand-mère fume en cachette, use d'une canne pour faire trempette, espère investir une fête hippie, recrée le palais des Doges vénitien le temps d'une nuit blanche en guise de réconfort, change de Mappe en raison de différences inconciliables et tente une visite importune (parce que ces nouveaux voisins, inconnus au bataillon-, ont osé annexer l'île des Mouettes).
Seule ombre masculine perturbant le duo, le père de Sophie, lien biologique entre elles deux, tente de s'affirmer et s'enfuit souvent, conscient de sa présence en trop, et prête bon gré mal gré sa robe de chambre rassurante. Sophie rit, râle, pense, déclame avec mauvaise foi, paraît peu commode parfois et apprend au contact de cette aïeule attentionnée.
La prose enlevée, nourrie et proche des standards classiques de Tove Jansson, une relation de toute beauté où deux êtres vivent en adéquation avec leur environnement, un très bon moment de lecture : ce serait dommage de s'en priver !
pages 152 et 153 : une scène parmi tant d'autres
« Mais Sophie s'enfouit la tête dans les bras et continua de pleurer, accablée par la catastrophe qui frappait le Nyland oriental.
- Ce n'est pas ta faute, dit la grand-mère. Écoute-moi maintenant. Il y aurait eu la tempête de toute façon.
- Mais pas aussi forte ! gémit Sophie. C'est Dieu et moi qui l'avons faite !
Le soleil avait disparu et la pièce s'assombrissait rapidement. Le feu brûlait dans la cheminée. Et le vent était toujours aussi violent.
- Dieu et toi, répéta la grand-mère, irritée. Et pourquoi Dieu aurait-il exaucé justement ta prière, quand peut-être dix autres personnes l'ont prié, elles aussi, pour lui demander le beau temps ? Et elles l'ont fait, je t'assure.
- Mais c'est moi qui ai prié la première. Et tu vois bien qu'il n'a pas fait beau temps.
- Tu sais, dit la grand-mère, Dieu est beaucoup trop occupé pour écouter...
Le papa rentra et mit du bois dans le feu. Puis il leur donna une couverture qui sentait mauvais et sortit de nouveau pour regarder les vagues avant la nuit.
- Tu as dit toi-même qu'il écoute, dit Sophie froidement. Tu as dit qu'il entend tout ce qu'on lui demande.
La grand-mère s'étendit sur le filet aux harengs et dit :
- Bien sûr, mais vois-tu, je suis arrivée la première.
- Comment ça ?
- Je lui ai fait ma prière avant toi, c'est tout.
- Quand l'as-tu faite ? demanda Sophie méfiante.
- Ce matin.
- Et malgré ça, s'écria Sophie sévèrement, malgré ça, tu as emporté beaucoup trop peu de provisions et beaucoup trop peu de vêtements. Tu n'avais pas confiance en lui ?
- Si, bien sûr... Mais je pensais que ce serait plus passionnant sans...
Sophie soupira.
- Oui, dit-elle. C'est toujours comme ça avec toi ! Tu as pris tes médicaments ?
- Oui.
- C'est bien. Maintenant, tâche de dormir et d'oublier tous les ennuis que tu as provoqués. Je ne le dirai à personne.
- C'est gentil de ta part, dit la grand-mère. »
Traduction de Jeanne Gauffin
Éditions Le Livre de poche (163 pages consacrées au texte)
avis : Aifelle, Athalie, Cathulu, Clara, Hélène, Luociné,
et un de plus pour les challenges de À propos des livres et de Piplo