Chronique « Revoir Paris »(T1) : Kârinh entreprend un voyage dans l’espace, dans son histoire et dans sa tête…
Scénario de Peeters, dessin de Schuiten
Public conseillé : Adultes / adolescents
Style : Fantastique utopique,
Paru chez Casterman, novembre 2014
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L’histoire
19 novembre 2155. Sur L’arche, une navette en orbite depuis des centaines d’années, la jeune Kârinh vient de recevoir la incroyable. Elle, qui rêve de voir sa planète d’origine et en particulier Paris, a été sélectionné pour faire partie du voyage.
27 novembre, Kârinh est désignée comme chef de bord. Elle veillera sur l’équipage, mis en sommeil artificiel, pendant la longue traversée à bord du “tube”.
30 Janvier, Kârinh est excitée, le départ est pour demain !
3 février 2156, quatrième jour de l’expédition, Kârinh est plongée dans un rêve immersif, induit par la drogue. Elle se sentait flotter au centre de la tour Eiffel, dans un Paris fantasmé…
A son réveil, elle prend conscience qu’elle ne suit pas les protocoles, oubliant les rapports journaliers et même ses exercices physiques. Dans ce navire affreux et vide, son seul plaisir est de se rendre dans le jardin botanique, véritable Eden…
Ce que j’en pense
Voilà cinq ans que Schuiten et Peeters n’avaient collaboré sur un nouvel album. Hors du cycle des “Cités obscures”, ils nous offrent un diptyque qui reprend leurs thèmes chers (le rêve, l’architecture, le passé fantasmé, les utopies).
“Revoir Paris” est un véritable album de Science-fiction où nous suivons le voyage initiatique et solitaire de la jeune et belle Kârinh. La demoiselle, au caractère rebelle (comme la plupart de leurs héros et héroïnes) a été choisie pour “revenir” sur terre, après une coupure de plusieurs siècles. Il s’agit d’un “Retour” fantasmé, car elle ne connaît la terre et Paris que par ses lectures : de vieux livres qui magnifient la ville futuriste et utopique de Etienne Robida et Eiffel.
En pleine dérive, Kârinh se laisse porter par la drogue et n’assume plus ses devoirs, enfermée dans ses rêves de Ville-Utopie.
Quand l’Arche reprend le contrôle, c’est le moment des explications et des mises-au-points.
Enfin, dans le dernier tiers de l’album, le voyage arrive à son terme. A quoi ressemblent la Terre et les terriens ? Et surtout, les rêves de Kârinh sont-ils à la hauteur de la réalité ?
Avec cette fable initiatique, Schuiten et Peeters exhument leurs vieux démons. Qui est cette jeune femme ?, d’où vient-elle (les racines) ? et où va-elle ? (le futur) ? Ils composent un récit aux accents philosophiques et introspectifs.
Dans un monde retro-futuriste aux architectures utopiques, “Revoir Paris” nous interroge, via notre passé, sur notre devenir…
Le dessin
François Schuiten a consacré deux ans a dessiner ce nouvel album. Avec une infinie patience, il compose des planches très détaillées et néanmoins d’une grande clarté.
Pour la première fois, son héroïne, la jeune Kârinh, est une eurasienne, à l’antithèse de ses héros masculins, plus proches de lui. Avec Kârinh, il nous offre un portrait d’une grande sensibilité, toute en émotions et en fraîcheur.
Bien entendu, les décors (futuristes et rétros) sont d’une qualité exceptionnelle.
Très classique, son trait est au sommet de son art (compositions et perspectives sont impeccables). Mais qui attendrait autre chose de l’auteur des cités obscures ?
A l’opposé de ces deux précédents albums (“La douce” et “La théorie du grain de sable), François Schuiten a choisit de travailler en couleur cette nouvelle série. Avec 6 mois de travail, il nous offre des planches tout en nuances et en subtilités. Jouant sur les couleurs en bichromie au sein d’une même planche, il compose des ambiances colorées fortes et sensibles.
L’exposition « Revoir Paris »
En complément de ce nouvel album, se tiendra du 20 novembre 2014 au 9 mars 2015, une exposition conçue et réalisée par Schuiten, Peeters et la Cité de l’architecture & du patrimoine.
L’idée est de faire dialoguer de manière vivante une sélection de représentations utopiques anciennes ou récentes de Paris et les images de François Schuiten autour de Paris.
Encore plus loin
Lisez notre chronique de « La douce »
Regardez le site internet dédié à « La douce ».