Aussi surprenant que cela puisse vous paraître (surtout si vous avez attentivement lu la chronique de Valérie), j'ai apprécié cette lecture certes facile mais plus profonde qu'il n'y parait. Certes la prose avancée par Etienne Guéreau, employant des mots simples et accessibles, est totalement justifiée parce qu'il fait parler des adolescences ou des adultes dont l'oral n'est plus enrichi par l'écrit depuis plusieurs générations (oui, une culture sans livres s'appauvrit définitivement et se meurt. D'ailleurs l'absence de vocabulaire induit une mauvaise communication ou une déformation des mots entendus). Et je comprends parfaitement les arguments avancés par Valérie, classant ce roman en jeunesse. Pourtant, par bien des égards, il offre aussi une optique intéressante et intelligente.
Premier écueil qu'a évité Etienne Guéreau : la comparaison avec l’œuvre Antigone de Sophocle (qui lui aurait été de toute façon défavorable). C'est astucieusement qu'il use de la pièce de théâtre en la ramenant à une sorte de bottin des prénoms du clan. Mais il n'oublie pas l'aspect politique et la force entre les personnages en redistribuant les rôles : la frondeuse Antigone laisse la place à la courageuse Ismène, le fiancé Hémon devient un Créon jeune en puissance etc. Maîtrisant l’œuvre classique sur le bout des doigts, Étienne gère !
Second écueil qu'a évité Etienne Guéreau : un récit trop lisse.
Je l'attendais sur la logique des arguments, la justification de la situation actuelle de ce groupe d'humains dont l'ancien Claude semble connaître les origines. D'ailleurs, l'époque dans laquelle évoluent les personnages n'est pas clairement donnée au départ et fait partie des surprises. Là où je fus agréablement surprise, fut lors du traitement de la vie en groupe en milieu clos et l'importance des rituels et croyances, qui au départ servent à protéger et à rassurer, et au final embrigadent et sclérosent. En ces temps actuels, cette lecture me paraît salvatrice. La fin m'a un peu déconcertée (même si je comprends la réaction de la personne qui sait) et j'aimerais à l'occasion en discuter avec l'auteur (un jour peut-être).
En résumé : Le Clan suspendu vaut largement le coup d'oeil pour son fond plutôt profond !
Editions Denoël
Rentrée littéraire septembre 2014
autres avis : Valérie (of course), Miss Bouquinaix, Jostein, Leil, Ramettes,
et un de plus pour le challenge de Daniel