Mousseline et ses doubles est un bel hommage à cette paysanne débordante de vie et de désir, débrouillarde et généreuse, elle qui aima deux fois et tenta l'aventure de la capitale. Ce roman vaut pour ce portrait de femme détonnant, franc du collier. Le périple de Marielle est l'occasion de dépeindre la France des années 1950-1960, celle des colonies (avec l'amorce de l'indépendance) et des paysans, des amoureux et des entremetteurs, des poètes et des orphelins. D'une certaine façon, en faisant parler sa tante et en imposant ce dialogue dynamique, Michel exorcise le souvenir de cette taiseuse, la rend multiple, cerne le personnage au plus près, s'en affranchit aussi pour vivre enfin sa vie et se projeter.
On retrouve la belle écriture de Lionel-Edouard Martin, mélange de patois et de métaphores réjouissantes. On respire Paris, l'Algérie, les champs, le temps passé aussi. Pourtant, j'ai moins accroché au texte : j'ai lu Mousseline et ses doubles avec plaisir et facilité, j'ai ressenti les personnages sans difficulté : on se les approprie facilement. Mais je n'ai connu aucune empathie quant à leur devenir : j'étais constamment distante face à ce qui pouvait leur arriver, comme si le récit me rendait imperméable à leurs anecdotes, aussi douloureuses soient-elles.
Cadençant justement l'intrigue, les nombreuses digressions m'en ont éloignée. Mousseline et ses doubles a certainement souffert de la comparaison avec Nativité, cinquante et quelques (un récit plus limité dans le temps, dans l'espace, mais complètement abouti, parfait, où la surprise est totale jusqu'au bout, où l'émotion affleure dans chaque scène).
Pourtant, je reste convaincue que ce nouveau roman de Lionel-Edouard Martin vaut largement d'autres de ses collègues plus médiatisés : j'ai aussi conscience d'être particulièrement exigeante sur cette lecture.
En tout cas, l'auteur consolide ma première bonne impression : il fait preuve d'une prose alerte et vivifiante, que je vous encourage à découvrir.
Les Éditions du Sonneur
avis : Zazy, Le salon littéraire, La cause littéraire, Mon exemplaire voyage ! et un de plus pour le challenge de Piplo