Chronique « Les 3 fruits »
Violent, organique et flamboyant, Zidrou et Oriol s’attaquent au conte
Scénario de Zidrou, dessin de Oriol,
Public conseillé : Adultes / Grands adolescents ; Style : Conte
Paru chez Dargaud, le 23 janvier 2014, 80 pages couleurs, 16.45 euros
L’histoire
Après 40 ans d’un règne prospère, un roi se lamente. Epoux de la plus belle femme du royaume, père de quatre beaux enfants, le roi voit déjà la vie lui échapper et s’effraye de la mort. Prenant conseil auprès de son fou, il fait venir à lui les trois plus grands savants du royaume. Mais comme aucun d’entre eux ne peut lui dire comment échapper à la mort, le roi se débarrasse d’eux.
C’est alors qu’un mage mystérieux se présente à lui. Se vantant de connaître la réponse à la question qui hante le souverain, il demande à ce dernier la main de sa fille en échange de l’éternité. Sitôt le pacte signé, le mage lui donne la solution. Il doit manger la chair de son plus brave fils… Afin de tester leur bravoure, le roi envoie ses enfants dans les plus terribles épreuves….
Ce que j’en pense
Un an et demi après le formidable album « La peau de l’Ours”, le duo Zidrou-Oriol se reforme pour nous offrir un nouvel album aussi spectaculaire qu’ inattendu. Loin de l’atmosphère de la mafia Italienne, les auteurs nous immergent dans un terrible et puissant comte pour adulte.
Dans un style qu’il n avait pas encore abordé, Zidrou ( l’auteur de « La peau de l’ours« , « La Mondaine« , « Merci« , « Tourne-disque« …) se sert des archétypes du compte pour construire un beaux voyage initiatique. Le roi, son personnage principal, suit les traces de Faust, en signant un pacte avec un mage maléfique, le diable en personne… Mais plus que l’argent, l’amour ou le pouvoir (il a déjà tout ça) c’est l’éternité que le monarque convoite. Symboles freudiens et religieux (la mort de l’enfant, le père tout puissant, la femme source de vie) sont utilisés par Zidrou avec une remarquable force évocatrice. Soyons clair, dans “Les 3 fruits”, il n y a pas d’intrigues a tiroir et de personnages complexes, mais un récit violent, limpide et organique qui parle autant a nos sens qu’à notre âme.
Si le roi tout puissant (jusqu’à l’ignominie), occupe la place centrale dans le récit, Zidrou n’oublie pas de travailler chacun des fils. En choisissant eux-même leur “graal”, ils se confrontent à leurs limites, leurs faiblesses et leurs forces insoupçonnées…
Les seules personnages qui s’en sortent sans compromission sont … féminins bien entendu. Que ce soit la mère aimante la soeur belle et plein d’empathie, Zidrou leur confient une place qui fait raisonner ma propre sensibilité. Capables d’un amour sans faille, jamais égoïstes, consolatrices, aimantes, les femmes de Zidrou imposent par la non-violence et l’amour des portraits discrets, mais plus forts que les hommes occupés à courir après le pouvoir et la gloire.
Le dessin
Dans “La peau de l’Ours”, j’avais été étonné par le dessin d’Oriol. Malgré son aspect très moderne, qui n’est pas ma tasse de thé habituelle, j’avais été agréablement surpris (et charmé) par l’adéquation entre récit et dessin.
Dans “Les 3 fruits”, la magie opère à nouveau. Le trait charbonneux, nerveux et saturé de couleurs vives, trouve dans cette histoire une résonance très particulière.
Fantastique, organique, expressionniste, Oriol nous offre un dessin grandiose, qui trouve son équilibre dans une mise-en-couleur somptueuse et des compositions aussi simples que dynamiques.
Souvent dénuées de décors, ses grandes cases sont d’une force graphique impressionnante. Nerveux et très moderne, son trait puise dans les tableaux classiques de Brugels ou de Rubens. Par grandes touches colorées, Oriol pose des cases qui ont marqué ma rétine et mon esprit.
C’est « La BD de la semaine », sur « Un Amour de BD » cette semaine. Mais « La BD de la semaine » c’est aussi chez…