Je dois cette lecture à ma Zaz, qui m'a offert Amours. C'est lors du dernier concours organisé par le défunt Biblioblog que nous avons uni nos forces pour la gagne : le tirage au sort a porté chance à Zazy et elle m'a remerciée en partageant son prix : tu es un amour, toi aussi !
Il est très compliqué d'amorcer l'intrigue sans en dévoiler trop. Car contrairement à d'autres écrivains qui mettent une plombe à instruire leur récit, Léonor de Récondo entre directement dans le vif du sujet avec une scène d'ouverture à la fois choquante et tellement réaliste de l'époque. Donc je vais parler d'Amours sans trop en dire et si vous n'y comprenez rien, eh bien vous n'aurez qu'à découvrir par vous-même ce roman fantastique, non mais !
Dans la famille de Boisvaillant, on est notaire de père en fils, sûr de son bon droit (normal, me direz-vous) et de son assise sociale (qui assure une domination sur autrui, à tout instant). Dans la famille de Champfleuri, les filles prient, découvrent leur corps lors de leur nuit de noces, pleurent le prince charmant vendu, rêvé mais qui ne siège pas à leurs côtés. Bref, Anselme de Boisvaillant et Victoire de Champfleuri, époux à la ville depuis cinq ans, sont socialement compatibles/faits pour s'entendre mais le cœur a ses raisons que la loi (en 1908) définitivement ne comprend pas !
Léonor de Récondo a tenté une version punchy d'Emma Bovary de Gustave Flaubert. On retrouve la même bourgeoisie provinciale décrite par François Mauriac dans Thérèse Desqueyroux, appesantie par la religiosité et les mœurs tolérées, sexuellement complexée et d'une rigidité sociétale qui rend la femme objet de l'homme : les servantes servent accessoirement d'esclaves sexuelles, lors d'un dépucelage ou d'une « vidange » qui ne peut attendre, les épouses ne sont là que pour procréer et tant pis si le mode d'emploi s'apparente davantage à une saillie animale. Dans ce monde d'Amours, des femmes vont se rebeller, d'autres vont se découvrir. Le titre joliment choisi représente aussi bien le lien entre adultes consentants que celui d'un parent pour son enfant. Tout est beau dans ce roman : les relations qui se devinent et se réalisent, le rejet et puis l'insoutenable attirance, la musique comme phénomène addictif d'éloignement puis de résilience, les blessures de guerre qui définissent un autre mode de communication et un épanchement. Tout est rude dans Amours : les femmes n'ont pas de place (à part celle de cocotte ou de gouvernante), la passion transgresse l'éducation et tourmente, les hommes dépassés par leurs hormones et leur impartialité deviennent des pions bosuculés.
Léonor de Récondo réussit à émouvoir sur cette histoire. La fin magnifique caractérise l'abandon absolu, le sacrifice. Tous les personnages sont colorés, chacun à sa place et bien déterminé : Anselme, Victoire, Céleste, Pierre, Henriette et Adrien. Tout se tait dans Amours : les échanges de maternité, les avortements illégaux et l'hérédité déguisée. Tout s'achète dans Amours, sauf l'amour !
Éditions Sabine Wespieser (quatrième de couverture trop bavarde)
Rentrée littéraire janvier 2015 LC avec ma Zaz (merci, merci et encore merci : le partage jusqu'au bout !) avis : Clara, Cuné, Alex, Eimelle, Yueyin, Gaëlle,
de la même auteure : Pietra Viva
Dans la famille de Boisvaillant, on est notaire de père en fils, sûr de son bon droit (normal, me direz-vous) et de son assise sociale (qui assure une domination sur autrui, à tout instant). Dans la famille de Champfleuri, les filles prient, découvrent leur corps lors de leur nuit de noces, pleurent le prince charmant vendu, rêvé mais qui ne siège pas à leurs côtés. Bref, Anselme de Boisvaillant et Victoire de Champfleuri, époux à la ville depuis cinq ans, sont socialement compatibles/faits pour s'entendre mais le cœur a ses raisons que la loi (en 1908) définitivement ne comprend pas !
Léonor de Récondo a tenté une version punchy d'Emma Bovary de Gustave Flaubert. On retrouve la même bourgeoisie provinciale décrite par François Mauriac dans Thérèse Desqueyroux, appesantie par la religiosité et les mœurs tolérées, sexuellement complexée et d'une rigidité sociétale qui rend la femme objet de l'homme : les servantes servent accessoirement d'esclaves sexuelles, lors d'un dépucelage ou d'une « vidange » qui ne peut attendre, les épouses ne sont là que pour procréer et tant pis si le mode d'emploi s'apparente davantage à une saillie animale. Dans ce monde d'Amours, des femmes vont se rebeller, d'autres vont se découvrir. Le titre joliment choisi représente aussi bien le lien entre adultes consentants que celui d'un parent pour son enfant. Tout est beau dans ce roman : les relations qui se devinent et se réalisent, le rejet et puis l'insoutenable attirance, la musique comme phénomène addictif d'éloignement puis de résilience, les blessures de guerre qui définissent un autre mode de communication et un épanchement. Tout est rude dans Amours : les femmes n'ont pas de place (à part celle de cocotte ou de gouvernante), la passion transgresse l'éducation et tourmente, les hommes dépassés par leurs hormones et leur impartialité deviennent des pions bosuculés.
Léonor de Récondo réussit à émouvoir sur cette histoire. La fin magnifique caractérise l'abandon absolu, le sacrifice. Tous les personnages sont colorés, chacun à sa place et bien déterminé : Anselme, Victoire, Céleste, Pierre, Henriette et Adrien. Tout se tait dans Amours : les échanges de maternité, les avortements illégaux et l'hérédité déguisée. Tout s'achète dans Amours, sauf l'amour !
Éditions Sabine Wespieser (quatrième de couverture trop bavarde)
Rentrée littéraire janvier 2015 LC avec ma Zaz (merci, merci et encore merci : le partage jusqu'au bout !) avis : Clara, Cuné, Alex, Eimelle, Yueyin, Gaëlle,
de la même auteure : Pietra Viva