Un soir de novembre, alors qu'en pleine déprime amoureuse il traverse Central Park, Barrett est témoin d'une lumière mystérieuse, un moment fugace de beauté pure, un instant suspendu, comme si quelqu'un, quelque part, le regardait avec bienveillance.
Une lumière qui lui évoque son frère, Tyler, cocaïnomane, musicien talentueux qui n'a jamais percé ; Beth, la fiancée de Tyler, qui se meurt d'un cancer ; Liz, leur amie commune, leur presque mère.
Une lumière qui illumine aussi ses propres failles, ses ambitions ratées, ses amours déçues.
Une lumière comme une manifestation du sublime. Comme l'amour qui, malgré tout, unit ces êtres blessés. Ou le rappel que, si le temps passe et les rêves aussi, reste la tendresse...
Mon avis :
Bon, je vais sûrement passer pour l'inculte de l'année, mais moi, Cunningham, j'ignorais totalement son existence jusqu'à la semaine dernière.
Michael Cunningham est de ces auteurs qui contemplent leurs difficultés d’écrire parce que leurs souffrances sont entièrement invisibles pour les autres, parce que nous, pauvres mortels, ne pouvons pas les comprendre, imaginer ce qu'ils vivent ou pensent.
Un auteur à la plume divine et merveilleuse.
L'histoire, c'est celle de Barrett, New-Yorkais quasi quadra fraîchement largué comme une bouse par texto. Et pourtant il prend la chose incroyablement bien, avec philosophie. Si ça c'est finit, ça devait se finir, alors à quoi bon se ridiculiser en supplications pour gagner une deuxième et inutile chance.
Lors d'une promenade à Central Park, Barrett est stoppé dans ses pensées par une espèce de lumière géante, qu'il est apparemment le seul à voir. Une lumière douce, magnifique et intense, qui lui fait du bien.
Mais il n'en parle à personne, il gardera ce secret pour lui seul, refusant de prendre le risque d'être traité de dingue.
Alors il y pense, tout le temps, tous les jours.
Barrett vit avec son frère musicien drogué et sa belle-soeur cancéreuse dans un appart trop petit pour trois et bien trop bordélique. Mais ils sont bien. Ils s'aiment tous les trois, s'aident, se soutiennent, ils sont heureux comme ça et ça leur suffit largement.
Et puis, pas loin, il y a Liz. Proche de la cinquantaine, elle est comme l'ange gardien de Barrett et Tyler.
Pendant bien trop de pages, nous suivons la vie de ces personnages, leur errance, leurs questions, leurs épreuves.
Ils sont dans un immense cocon qui les protège tous, ils sont tous liés. Aucun ne peut vivre sans les autres, c'est tout le monde ou personne.
Ils prennent la vie, leur vie, avec philosophie, comme elle vient. Ils en profitent comme et tant qu'ils peuvent, parce que finalement, on ne sait pas ce qui arrivera demain, on ne s'attache à rien, on s'en fout.
Je suis tombée en amour total avec tous ces personnages. Tyler qui aime sa femme plus que tout, mais pas comme il faut. Liz, qui aime les petits jeunes mais vit l'amour au jour le jour, en toute liberté. Barrett et ses amours foirées. Beth et sa maladie, sa force, ses espoirs. Le bouleversement qu'apporte le cancer dans une famille, dans un clan.
La vie d'une génération perdue, qui s'enfonce, qui espère sans trop y croire, sur fond d'élections présidentielles et des catastrophes qu'elles apportent.
Je remercie infiniment, mais vraiment vraiment les éditions Belfond pour m'avoir fait découvrir ce véritable chef-d'oeuvre, Michael Cunningham est un pur génie.