« Les réputations »
VASQUEZ Juan Gabriel
(Seuil)
Javier Mallarino est un caricaturiste colombien dont la renommée lui vaut, au terme de longues années d’une brillante carrière, la reconnaissance officielle. Haï par les uns, loué par les autres, il officie pour le compte d’un quotidien qui lui accorde la liberté de laisser libre cours à son imagination. Et cette imagination est débordante. A ce point débordante qu’une de ses caricatures a provoqué la mort politique (avant un vrai suicide) d’Adolfo Cuéllar, un ambitieux député. Au lendemain de la cérémonie d’hommage, une jeune femme lui rend visite. Cette jeune femme le contraint à explorer sa propre mémoire et à mettre à nu des souvenirs vieux de vingt-huit ans. A un moment où il espérait renouer avec Magdalena, la femme qui l’a quitté mais qu’il n’a jamais cessé d’aimer. Que s’est-il passé la nuit, voilà si longtemps, où celle qui n’était encore qu’une petite fille avait tenu compagnie à sa propre fille ? Cette même nuit où il avait éconduit le député Cuéllar lors de la fête qu’il avait organisé dans sa demeure ?
De bout en bout, ce roman-là est passionnant. Non seulement parce qu’il contient de pertinentes réflexions sur la fonction et le rôle de la caricature. Mais surtout parce qu’il interroge sur les fragiles frontières entre vie privée et vie publique. Et qu’il est devenu commun et banal de les franchir, de déborder de l’une vers l’autre. Y compris dans une société n’offrant pas les mêmes garanties d’usage de la liberté d’expression. Où les médias pèsent d’un poids exorbitant et façonnent les opinions publiques. Le Lecteur avait découvert Juan Gabriel Vasquez dans un précédent roman, « Le bruit des choses qui tombent », roman qu’il avait alors beaucoup apprécié. « Les réputations » lui confirment l’émergence d’un écrivain latino-américain d’importance.