Argentine, fin des années 1980. La superbe Lizandra est retrouvée défenestrée du 5e étage. Dans l'appartement, un désordre sans nom, deux verres cassés. Son mari, Vittorio Puig, psychanalyste de renom, est aussitôt accusé du meurtre de sa femme. Clamant son innocence, il charge l'une de ses patientes, Maria, qui a perdu sa fille pendant la dictature, de mener l'enquête à sa place.
Celle-ci s'acquitte loyalement de sa tâche, notamment en retranscrivant des cassettes enregistrant les séance du Dr Puig, et en interrogeant d'éventuels témoins. La représentation initiale du couple parfait se fissure peu à peu, révélant une série de non-dits d'une violence psychologique extrême, faisant entrer en résonnance le passé et le présent, comme pour ces "folles", les mères des disparus qui arpentent inlassablement la Place de Mai pour réclamer justice pour leurs enfants, les histoires des uns et les souffrances des autres se répondant sans cesse dans les méandres d'un récit habilement construit, et toujours surprenant.
Comme dans Le Confident, Hélène Grémillon excelle à sonder les âmes, entremêler les fils du passé et du présent, à explorer les relations parents-enfants (ici autant mère-fils que mère-fille absente). Avec une écriture très fluide, presque parlée, en focalisation interne, qui fait sa signature, Hélène Grémillon colle au plus près des émotions de sa narratrice, mais aussi des autres figures de femmes sur lesquelles le roman est centré. Aussi prenant et aussi troublant que son premier roman : une nouvelle réussite d'Hélène Grémillon, qui se lit avec plaisir.
Pour poursuivre sur les échos de la dictature, en littérature argentine cette fois-ci, plusieurs pistes, comme Le lieu perdu de Norma Huidobro ou L'autobus d'Eugenia Almeida qui l'évoquent davantage sous forme de parabole (pas moins perturbante pour autant, peut-être même plus), tandis que Dans ses yeux de Sacheri l'aborde plus sous l'angle de l'enquête policière.