Une terre si froide, Adrian McKinty - Enquête dans une Irlande du Nord apocalyptique

Par Cloizzo @mange_livres

Un billet trop court - parce que j'ai perdu mes notes dans le bazar intégral de mon bureau - mais dont la longueur est inversement proportionnelle à la qualité du roman, puisqu'il s'agit tout simplement de l'un des meilleurs (sinon, du meilleur) bouquin que j'ai lu l'année dernière, confirmant en cela l'excellence des choix éditoriaux de la toute nouvelle collection "Noire" chez la Cosmopolite de Stock (lire ici mon billet sur So much pretty, de la très talentueuse Cara Hoffmann).
1981. Carrickfergus, banlieue de Belfast ("une ville martyrisée par sa propre guerre-éclair"), les troubles en Irlande atteignent leur apogée au moment de la grève de la faim des leaders indépendantistes emprisonnés sous la férule du charismatique Bobby Sands. Dans un climat de ville assiégée, un cadavre, puis deux, sont retrouvés : main droite manquante, de la menue monnaie : tout semble indiquer le traitement classique que l'IRA applique aux balances et aux indicateurs de la police.
"Je reste un moment assis, moteur arrêté, dans ma petite prison existentielle, avant de sortir et de réintégrer la grande prison existentielle de l'Irlande du Nord"
Sean Duffy est aux commandes ; c'est un enquêteur attachant, en pleine crise morale, qui comme ses collègues vit chaque jour dans la crainte de voir son unité caillassée, son commissariat attaqué au mortier, sa voiture piégée. Un pied dans chaque monde (policier mais catholique), ce qui en fait un traître aux yeux des deux camps, il erre dans l'ambiance fantomatique d'autodestruction de la guerre civile, et navigue entre les deux enquêtes, pressentant une affaire d'une toute autre nature, progressant à ses risques et périls dans les méandres d'une affaire bien sombre, rattachée également au suicide d'une jeune femme. Belfast, ville à vif, bruisse et gronde à l'arrière-plan.
"C'était le 2 mai 1974. J'étais en deuxième année de doctorat. Une belle journée de printemps. Je passais devant le Rose and Crown, dans Ormeau Road, à vingt mètres de la fac. C'était la pire période des Troubles, mais je n'avais jamais été touché personnellement. Jusque là. Encore neutre, j'essayais de me tenir à distance, de vivre ma vie."
Eblouissant premier volet d'une trilogie (on en redemande !), où McKinty excelle : intense, explosif, le roman se lit d'une traite, dévoilant un beau talent d'écrivain qui dépasse de très loin le polar de base. Bravo !